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Nogent le rotrou est un con

Publié le 26 mars 2009 par Emma Falubert
Nogent-le-Rotrou est une ville de l’Eure et Loir et Nogent-le-Rotrou est un con. Nogent-le-Rotrou est un con parce qu’aux confins du département des Euréliens (liennes), elle rate, à quelques hectomètres près, l’entrée en Normandie, et ce par une extrémité du département de l’Orne, tout proche. Ce ne serait pas forcément plus glorieux, mais cela aurait eu le mérite de lui éviter d’appartenir à cette Région Centre, faite principalement de morceaux de vieux comtés, d’anciennes provinces et autres duchés abandonnés de périodes révolues.
Nogent-le-Rotrou est un con, parce que Nogent le Rotrou est de sexe indéfini ! Certaines habitantes la pensent sincèrement féminine, sans doute en harmonie avec la grâce et la douceur des collines environnantes, qui ont parfois de faux airs de Toscane. D’autres, des hommes surtout, le font sonner très mâle, y voyant sans doute les parties dans ce Nogent qui sonne viril, confirmé par ce « le », très masculin par définition, et renforcé par le sur-testostéroné Rotrou. Que cette ambivalence sexuelle participe aux charmes mystérieux de la capitale du Perche, ne fait aucun doute, même si nous ne pouvons en apporter la preuve.
Nogent-le-Rotrou est un con, parce que en 1877…
-1877, une année marquante pour les beaux arts, puisque cette année-là, Emile Reynaud, invente le Praxinoscope, qui inspira autant les frères Lumière que Méliès. De son côté Edison propose son phonographe, dont on connaît aussi la réussite. Et Courbet, grand agitateur de canons, pose définitivement les pinceaux. Toutes ces informations n’ont aucun lien direct avec le sujet, mais elles devraient participer à l’intérêt de cette chronique, qui probablement sans ces digressions discursives n’aurait pas plus d’intérêt qu’un procès-verbal d’adultère ou que le mode d’emploi d’une montre swatch, bas de gamme - .
… en 1877, donc, un certain Hyppolite Sauvage, avec raison et dans un esprit d’analyse scientifique conforme à cette époque de grand optimisme quant à la capacité de l’homme à dominer le monde positivement, (cf. Claude Bernard et Auguste Comte dont nous eûmes tous les oreilles rebattues en période pré Baccalauréat) dénombrait « plus de trente chefs-lieux d'arrondissement et de communes qui portent le nom de Nogent. Tous se distinguent par leurs affixes, c'est-à-dire par les spécifications particulières ajoutées au mot principal. Ainsi, pour n'en citer que quelques uns, nous trouvons Nogent-sur-Seine (Aube), Nogent l’Abbesse (Marne), Nogent sur Othe (Aube),Nogent-le-Roi ou Roulebois (Eure-et-Loir), Nogent--le-Haut (Aube), Nogent-la-Fosse (Aisne), Nogent-l'Artaud(Aisne), Nogent-le-Bernard (Sarthe), Nogent-le-PetitAube), Nogent-le-Petit (Seine-et-Marne), Nogent-le-Phaye (Eure-et-Loir), Nogent-le-Sec (Eure), Nogent-lès-Montbard (Côte-d'Or), Nogent-les-Vierges (Oise),Nogent-sur-Aube (Aube),Nogent-sur-Eure (Eure-et-Loir), Nogent-sur-Loir (Sarthe), Nogent-sur-Marne(Aisne), Ncgent-sur-Vernisson (Loiret), enfin Nogent-le-Grand, autrement le Rotrou (Eure-et-Loir) ». Dans le même ouvrage, cet Hyppolite ose, par anticipation donc, ou esprit de prémonition, qui sait, un rapprochement entre notre Nogent-le-Rotrou et le patronyme « Delanoë » : les deux noms seraient de la même origine Gauloise, et viendraient donc de « Noë », mot gallo-romain signifiant Marais. Ce rapprochement fait sans malice aucune, pourrait être un sujet de réflexions dites « amusantes » de la même manière qu’ il y a la physique ou les mathématiques amusantes. On peut toutefois reprocher à Hyppolite d’avoir écarté les deux autres origines envisagées de ce nom commun : « Novigentum », gens nouveaux, en référence à des prisonniers ramenés par les armées romaines, ou encore « Novientum » une élégante allusion latine à l‘équivalent gaulois d’une « Villeneuve » médiévale. Trois origines possibles, c’est à la fois beaucoup et très peu ; beaucoup parce que, quoi qu’il arrive il y en a deux de trop ; et peu, parce qu’avec le nombre de villes sus citées, on ne peut exclure qu’il en manque autant qu’il y a de Nogent différents. Quoi qu’il en soit, on ne peut non plus exclure le fait que les trois hypothèses soient fausses… mais ça c’est une autre histoire, qui reste à inventer ou à redécouvrir, on verra ça une autre fois. Ce serait aussi un des sujets de nos futures réflexions amusantes …
Nogent-le-Rotrou est un con parce qu’il partage avec toutes ces communes, le gentilé ordinaire de Nogentais et taises, sans aucune distinction, ce qui fait que si quelqu’un précise qu’il est Nogentais, cela ne veut pas dire qu’il est d’ici, cette constatation incite à la vigilance et peut réserver des surprises.
Nogent-le-Rotrou est un con, parce que au sujet de cet affixe qui le distingue de la multitude de ces Nogent de tous les acabits, énumérés par Hyppolite, on cite souvent le plus célèbre de ces antiques Seigneur ou Vicomte de Nogent, Jean. Ce Jean de Rotrou qui commit une « Antigone » en1638, et un « Hypocondriaque », absolu puisque le sous-titre de cette pièce était « le mort amoureux ». Un sous-titre qui permet de convenir qu’un hypocondriaque mort devient paradoxalement et à rebours, un malade incompris et d’une clairvoyance aussi pointue qu’inutile. En tout cas, ce « de Rotrou », ami de Corneille, n’eut jamais rien à voir avec le Nogent qui porte un peu son nom, ou l’inverse. D’autre part citer cet auteur, c’est aussi oublier que Rotrou fut tout d’abord un prénom, avant le 10 ème siècle, avant que les prénoms d’usage des uns ne deviennent plus tard les noms patronymiques des autres… Prénom possible à porter à Nogent-le-Rotrou et ailleurs (réflexions et suggestions encore).
Pour revenir aux origines étymologiques ,ceux qui prétendent qu’un « G » aurait sauté pour éviter un indélicat et grossier Nogent le Grotrou, ce sont des ignares et des méchants. Sûre qu’ils ne sont jamais venus le samedi, jour du marché, avec les autochtones, les accourus et les reviendus, s’émerveiller devant les tomes, les mottes, les râbles, les rillons bien gras et rafler les confitures bio et les crèmes non-pasteurisées de Jean-Louis. Ils n’ont pas vu ces rurbains de tous poils et de belles pelisses, s’enfiler des demis bien frais et des cafés déca noisette bien blanc aux terrasses bondées et très mondaines de la place.
Sinon, bien sûr qu’ils n’y penseraient pas à cet hypothétique G, les mufles…
Ils n’y penseraient pas plus le Dimanche après midi, lorsque tout le charme de la ville s’exhale dans un parfum silencieux de ville endormie, que dans un raccourci assassin, ces mal élevés prétendent morte.
Nogent-le-Rotrou est un con parce que son nom est l’objet d’une des plus célèbres et des plus magnifiques charade à tiroir, ce type de devinettes à la solution introuvable, et que le monde entier nous envient. Certains prétendent que celle-ci est de Victor Hugo, bien qu’il affirmât hypocritement et « scatologiquement » que les jeux de mots étaient « les pets de l’âme », cela ne l’empêcha pas d’en produire un certain nombre, dont cette perle alambiquée, au parfum ironique plus que nauséabond.
Mon premier est un oiseau,
Mon deuxième est ce que dit Alexandre Dumas, fils, à son père pour lui demander de donner l’heure à ses domestiques sans ouvrir la porte…
Mon tout est ce que l’on dit lorsque l’on a perdu sa montre à Nogent-le-Rotrou…
Et bien la réponse est évidente et très simple : « J’ai perdu ma montre à Nogent-le-Rotrou ’…
Mon premier, c’est geai.
Mon deuxième va de soi, c’est donc « Père Dumas montre à nos gens l’heure au trou (de la serrure évidemment) ».
Et pour récapituler : Geai, Père Dumas montre à nos gens l’heure au trou/ cela donne donc : J’ai perdu ma montre à Nogent-le-Rotrou. CQFD.
Nogent-le-Rotrou est un con parce qu’il fut aussi le théâtre d’un des plus beaux poissons d’Avril de tous les temps, le 1er avril 1971. Il s’agit du retour annoncé et officiel de la statue du général Saint Pol. Le Général Saint Pol appartient à cette catégorie de grands hommes dont tout le monde ignore l’existence ailleurs que dans leur ville natale, tel Jean-Marie Mellon Roger, plus connu sous le nom de Jean-Marie Valhubert ou le général Valhubert, né le 22 octobre 1764 à Avranches (Manche), et dont la statue trône sur la place du même nom dans sa ville natale et mort le 3 décembre 1805 à Brünn et il y en a bien d’autres ; (liste disponible sur demande). Ce canular de haute volée reste digne de tous les grands canulars de l’histoire du 1er avril. On pense à toutes les ventes de la Tour Eiffel, de celle du Bourdon de Notre Dame, des inaugurations du Tunnel sous la Manche sur le port de Cherbourg ou en Seine Saint Denis, de la candidature de Nice aux jeux olympiques d’hiver, de l’annonce de la reconstruction à l’identique de l’aile du Palais du Louvre, de l’annonce du retour au Franc, ou de celle de la candidature de Martine Aubry, de Bernard Tapie ou de Philippe Courtin à la prochaine élection présidentielle, de l’entrée de Claude Cussinet à l’Académie des beaux arts, de celle de Nathalie Fey à l’Académie Française, de Frédéric Chéhu Lauréat du Prix d’Amérique, de Buffoli, élue à la présidence d’honneur du club Tupperware de la région centre, ou de Serge Duchassin arrivant à l’heure à un rendez vous. Autant d’improbables événements… Bien que l’on sache aujourd’hui qu’il ne faut jurer de rien, Sarkozy a bien réussi à devenir Président de la république française et à épouser un top modèle.
Nogent-le-Rotrou est un con parce qu’on lui doit quelques enfants, sinon beaux au moins remarquables, qui, même centenaires, seront toujours désignés avec beaucoup de tendresse et de compassion nostalgique, « enfants du pays ». Remarquables et remarqués, en leur temps, en bien ou en mal, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, et choisis par nous, avec beaucoup de mauvaise foi, désignés par concours de circonstances, ou, encore une fois, digression incontrôlée et extrapolation drolatique, ces enfants du pays racontent des histoires, nourrissent l’imaginaire et d’une façon ou d’une autre enrichissent notre patrimoine personnel. Parmi ces héros du pays, figure en bonne place l’auteur de cette définition agricole de la France qu’on a longtemps refusé de remettre en question. On dit d’ailleurs que les convictions de son auteur ne seraient pas pour rien dans le retard du Pays en matière de développement de l’industrie, par rapport à la Grande-Bretagne, un siècle plus tard.
Il s’agit, Mesdames et Messieurs, et je vous demande de l’applaudir, comme le grand combattant qu’il fut, le grand catcheur, qu’il aurait pu être, avec ce nom de bourreau combattant, ce champion toute catégorie qu’il est toujours dans le cœur des Français, j’ai Noooommééé (fanfare ! ) Maximilien de Béthune… Duc de Sully…
Non, bien sur, ni bourreau, ni claire de lune (le clair de lune à Béthune !), simplement ministre d’Henry IV, vrai marquis de Nogent-le-Rotrou, et qui, à ce titre, repose aujourd’hui et pour toujours, avec sa deuxième femme, à Nogent, sous une statue de Barthélemy Boudin. Boudin dont on ne sait pas grand-chose sinon que son père Thomas Boudin, sculpteur lui-même, était l’auteur des bas-reliefs célèbres du pourtour de la cathédrale de Chartres. Le Boudin fils, une espèce de « fils de » qui n’aurait pas supporté ni assumé la notoriété du père ; un peu comme un fils Delon ou un pitoyable Belmondo. Notre Sully donc, nous lui devons cette assertion à laquelle personne dans son parcours scolaire n’a échappé : « Pâturage et labourage sont les deux mamelles dont la France est alimentée ». Mais, dans ce quart d’heure culturel, on se doit de citer la suite de cette phrase qui n’est jamais citée, et que l’on connaît peu ou pas. Voici donc la fin de ce point de vue agricole, «… Les vraies mines et trésors du Pérou ». On ne sait pas exactement à qui l’homme d’état destinait son tacle, mais on peut penser qu’il ait voulu réagir à l’esprit de colonisation qui commençait à s’épanouir en France et dont rêvait le bon roi Henri. On pense au monopole de la traite des fourrures accordé à Dugua des Monts, par exemple. Monopole qui eut des conséquences sur le prix des chapeaux et de certaines pelisses à Paris et qui fit gronder. Ou simplement voulait-il faire allusion et marquer sa désapprobation à l’exécution d’Atahualpa, le 26 juillet 1533, par garrot, juste après avoir reçu le baptême par le (faux) frère Valverde espagnol, (pas le cycliste espagnol, il faut rappeler que la bicyclette fut inventée beaucoup plus tard). En tout cas un beau et généreux geste comme on aimerait en voir plus souvent dans cette période de pensée unique, un peu psycho rigide du bulbe…
Parmi les enfants de Nogent-le-Rotrou, figure aussi très honorablement et poétiquement Rémy Belleau, poète de la Pléiade, que Camille Gaté, autre enfant du pays, a immortalisé dans un bronze aussi imposant que disparu. En fait d’immortalisation, le Gaté, il ne fit, sans le savoir, que contraindre l’ami de Pierre de Ronsard, à participer à titre posthume à l’effort de guerre allemand. Son effigie de bronze finit en effet tristement son éternité présumée en boulet de canon. Ainsi en va-t-il du destin intraitable du poète, ce qui prouve encore une fois, à ceux qui en doutaient, que malgré les meilleurs intentions du monde, on ne fait pas toujours ce que l’on veut. On pourrait supposer si les dates avaient collé que pour rattraper sa bévue militaire que le Gaté proposa un pompeux et amusant marbre. Cette œuvre est actuellement et provisoirement (on l’espère) cachée, rangée, sous un escalier du château. Intitulée d’abord « l’humanité attendant son goûter » et qui fut plus tard, par décence, rebaptisée une première fois « L’humanité attendant son goûter, devant l’infini » et qui après un tour de passe-passe astucieux, s’intitule aujourd’hui, définitivement et plus dignement, « l’humanité devant l’infini ». C’est une hypothèse amusante, sinon totalement vraie, en tout cas plausible et c’est là son intérêt.
Un autre sculpteur, moins lyriquement ampoulé, enfant du pays juste le temps d’une inauguration, et par extrapolation, a donc eu la tache de remplacer la fameuse statue, et on lui doit un monument discret et sobrement intitulé Orphée. Il s’agit d’une œuvre de René Iché, qui n’a donc malgré cet apport aucun lien avec la ville et c’est aussi pour cela qu’il est intéressant.
Nogent-le-Rotrou est un con parce qu’il faudra bien évoquer le fameux et fumeux Gustave Le Bon. Le Bon, Enfant du pays, qui alla du pire au moins bon, en passant par le convenu sans intérêt. Il fut en effet récompensé pour un douteux et gonflé mémoire intitulé « Recherches anatomiques et mathématiques sur les lois de variation du volume du cerveau et sur leurs relations avec l’intelligence. » Ça ne s’invente pas ! Ce « touche-à-tout », pour ce fumeux mémoire, reçu en effet le prix Godard, de l’académie de médecine (ça ne s’invente pas non plus). Le bon Le Bon se rattrapa avec un « L’équitation actuelle et ses principes » et un « Traité sur la fumée du tabac » qui firent tous les deux, chacun dans leur domaine, autorité un certain temps et que nos amis amateurs et spécialistes doivent connaître évidemment. Comme quoi fumeurs et cavaliers ont plus d’un point commun et réciproquement.
Nogent-le-Rotrou est un con, parce qu’il rata par négligence un enfant du pays qui aurait inévitablement « boosté » la notoriété de la ville : il s’agit de l’excellent et universel Victor Hugo ! En effet au seuil de sa gloire, le génial poète visita le château Saint Jean, à vendre sans doute, et à l’époque très abandonné. L’affaire ne se fit pas. Victor n’était sans doute pas suffisamment bricoleur et n’avait pas encore l’âme d’un accouru. Ces enthousiastes, capables de rénover n’importe quelle ruine de longére en appartement témoin, aux normes européennes ISO neuf mille et quelque chose, avec poutres et pierres apparentes, et d’en demander le classement aux monuments historiques… On peut regretter ce ratage d’une agence immobilière qui ne savait pas que les classiques ne l’ont pas toujours été, classiques, et qui en tout cas ne s’intéressait pas suffisamment à l’actualité littéraire de l’époque. En ce qui concerne l’état du château lors de sa visite, il convient de préciser qu’on faisait, à cette époque, encore peu de cas des vieilles pierres. Par exemple, peu de temps avant, Mérimée, lui-même, en établissant son premier inventaire, négligeait en toute bonne foi les édifices de la fin du XVIII eme siècle, les trouvant trop récents. Ne ricanons pas, il nous arrive aujourd’hui de négliger des édifices presque contemporains que peut être nos descendants nous reprocherons d’avoir négligés.
Nogent est un con parce qu’il a permis, ce pensum, cette longue digression bavarde, sans queue ni tête apparente, et que les mauvais voyageurs ont dû abandonner (cf. le texte sur la lecture), mais c’est sans importance : la balade continue, toujours ! Le train ne s’arrête jamais et le regard, l’imagination et la pensée continuent à filer sans cesse et à tisser ces bons moments de délires facétieux… juste pour s’aérer la tête encombrée de tous les savoirs superflus mais malheureusement indispensables. Ceux qui sont encore là comprendront que cette errance chaotique, tant bien que mal, de bric, de broc, de ci de là, ce regard complice et chahuté sur la ville secouée et revisitée, s’inspire de ce qui se passe au château musée Saint Jean de Nogent le Rotrou. Dans les tours de l’ex-futur résidence du poète : Un capharnaüm inspiré, décalé, sauvage, où se bousculent et se télescopent dans le désordre et à l’aune de la sensibilité de chacun, des « choses » aussi différentes que des dessins ou des peintures d’artistes, des sérigraphies à tirage limité, des photos du monde, des natures mortes, des portraits bizarres, des sculptures hasardeuses et des hasards sculptés, des installations bidouilles et désordonnées, des vidéos drolatiques, des courts métrages enflammés, des baisers de cinéma, autant de « choses » pour des impressions différentes, variées , incongrues, ridicules ou sublimes… Et du coup se bousculent, aussi là derrière ces murs de nos fors intérieurs, dans des courants d’air de rien, des courants d’art, de vivre, de petits riens et de grandes choses, indicibles, impalpables, qui finissent par donner un peu de souffle en plus à la vraie vie du tous les jours. Parce que ce qui nous ébranle là, ce sont des morceaux de la vraie vie, des vraies vies, de tous les ordinaires que nous sommes tous. Dans ces amusantes juxtapositions hasardeuses et ces drôles de digressions suggestives, se dessinent sans prétention et sans nostalgie, le sentiment imprécis et exaltant que la vie peut être belle… « Dans ce foutoir organisé » comme à la maison, sans jugement moral, sans mesure d’audience, sans étiquette de style, sans a priori, en toute liberté, se remuent et respirent tout ce qui nous constitue : ces presque rien, ces pas grands chose, ses grands desseins et ses faux-semblants, ces vieux souvenirs, petits clins d’œil, ou grands espoirs, bonnes blagues et vraies émotions, on rit, on sourit, on ne pleure pas, on n’y pense et on oublie… Et puis … On se dit que dans cette espèce de cadavre exquis, sans victime, ce parcours incohérent et jubilatoire, ces traces de vies, sur le thème du temps, ou plutôt des temps de chacun, accumulés, entrechoqués en vrac, dans ces bribes d’images, ces lambeaux drolatiques de sentiments rigolos ou plus graves, dans ces parties du Tout éclaté et dispersé là entre les murs du château, sans prétention et sans discours, tout en malice, on aurait pu aussi croiser tous les joyeux fantômes du général Saint Pol, du bon Le Bon, de Belleau le Poète, en passant par l’ombre de Sully et de tous les autres, d’ici ou d’ailleurs, des gens du marché, de Nogent-le-Rotrou et de partout. Nogent-le-Rotrou est un con parce que cette exposition nous confirme qu’il est aussi important de « mettre de l’art dans la vie que de la vie dans son art »…ou l’inverse… Et que ça n’est pas incompatible. Nogent-le-Rotrou est un con parce que cette exposition méritait d’être diffusée plus largement, au-delà du cercle nogentais… Et tous ceux qui y ont contribué d’une façon ou d’une autre, nous donnent au fond, tranquillement, sans ostentation et sans prétention, juste pour le plaisir, une belle leçon de vie. Et c’est simplement bon parce que c’est probablement la première vertu de l’art.
Ça n’empêche : Nogent-le-Rotrou est un con.

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