- Putain, t’as vu à quoi tu ressembles ?
J’étais nue dans la cabine d’essayage quand j’ai entendu la voix, on aurait dit ma mère. Je me suis rhabillée illico, j’ai laissé le maillot de bain noir à l’intérieur et je suis sortie en pleurs du magasin. Après je suis entrée dans la première boulangerie venue, j’ai acheté un pain au chocolat, un pain aux raisins, un chausson aux pommes, et j’ai bouffé : le stress.
Je suis complètement déglinguée ; mes hormones s’affolent, la graisse déborde, les plis s’accumulent. Je ressemble à un matelas pneumatique aux boudins mal dégonflés. Je me donne envie de vomir. Tiens, si je m’écoutais, je dégueulerais sur le trottoir. Comment j’ai pu en arriver là ? Je crois que c’est à cause de lui. Quand il est parti j’ai bouffé, et voilà. Le Salaud.
Il ne me supportait plus. Il faut dire que le trouvais trop gros et que je ne me gênais pas pour le lui faire remarquer. Quand il ahanait sur moi, au moment de l’amour, j’étouffais et j’avais l’impression que ça n’en finirait jamais. J’avais beau lui dire « Jean Pierre tu vas finir par y laisser ta peau ! », il ne m’écoutait pas et continuait son affaire. Un jour il en a eu marre et il m’a dit que je lui coupais tous ses effets. Au début, ça ne m’a pas gênée – il ne me faisait plus beaucoup d’effet – mais après, il y a eu comme un vide.
Voilà, si je bouffe, c’est à cause du vide. Maintenant, il y a deux solutions : le régime ou le suicide. Me suicider, je n’aurai pas le courage, quant au régime…
* texte écrit sur une consigne des "impromptus littéraires"