LES VIVANTS ET LES OMBRES, de Diane MEUR
Roman - saga historique - Livre de poche - 633 pages - 8 €
Résumé : Tout commence en 1820, quand Jozef, représentant d’une branche déchue de la noblesse locale, parvient à devenir l’intendant du domaine perdu par sa famille, puis à le reconquérir en épousant la disgracieuse fille de ses maîtres autrichiens. L’histoire de leur couple et de ses descendants se confond avec celle de la Galicie dépecée par ses voisins et déchirée entre les mouvements nationalistes polonais et ukrainiens. On y croise Jean, le neveu exalté toujours prêt à soutenir la dernière insurrection, Wioletta, beauté promise aux plus grands espoirs, dont la vie sera ruinée par une grossesse scandaleuse, Agenor, le gendre terne, incarnation de l’esprit petit-bourgeois, et bien sûr de patriarche Jozef, dont les origines sont peut-être moins aristocratiques qu’il ne l’imagine. … En arrière-plan, la modernité avance ; la fabrique de sucre, richesse de Jozef, s’industrialise, le chemin de fer est annoncé pour bientôt, des idées séditieuses se répandent parmi les serfs…. Du classique ? Certes. Mais raconté d’un point de vue inédit : celui de la maison, témoin impuissant des errements des vivants et de la victoire des ombres.
Mon humble avis : Ce livre avait tout pour me déplaire : son volume ( plus de 600 pages), son sujet (saga familiale) et la situation de l'histoire (le 19ème siècle dans le sud de la Pologne). Bref, tout ce qui ne m'attire pas. Et pourtant...
Certes, le début est laborieux. Les cent premières pages servent à placer tant d'époques et de personnages que l'on a l'impression de s'y perdre. Ensuite, émerge celui de Clara. Ça y'est, nous tenons un fil conducteur et ce roman devient captivant. Car cette histoire porte sur la destinée parfois déchirante d'une famille, mais surtout de générations de femmes aristocratiques. Le tout sous fond d'abolition du servage, de révolutions, d'invasions, d'émeutes et d'indépendance. Car nous traversons presque siècle complet dans ce roman ! J'avoue justement avoir un peu survolé les passages qui concernaient ces mouvements historiques et politiques. Je me suis concentrée sur ce qui me plaisait, à savoir le reste !
L'écriture est très châtiée et érudite. Cela n'empêche pas une lecture très fluide et fort agréable, au contraire ! Diane Meur nous dresse des portraits très minutieux et approfondis de ses personnages. On s'attache terriblement à certains, on en déteste d'autres. On est accroché à cette oeuvre tant on souhaite savoir ce qu'il va advenir de Clara, de Wioletta et de ses soeurs. L'autre intérêt de cette lecture est aussi la (re)découverte de la mentalité de cette époque que Diane Meur nous décrit si scrupuleusement. En tant que femme du 21ème siècle, je n'ai pas qu'enrager devant le traitement et le destin qui étaient réservés aux jeunes filles d'alors.
Enfin, impossible de ne pas évoquer le personnage principal, la narratrice qui n'est autre qu'une maison de maître témoin de ces passions, de ces haines, de ces pleurs, de ces mariages arrangés... C'est sous ses toits que se déroule cette saga. Félicitations à Diane Meur pour cette originalité si bien maîtrisée. L'auteure donne ainsi vie à la plus immobile des choses : une maison. Celle ci nous délivre bien des secrets et fait appel à nos cinq sens pour vibrer avec elle : nous entendons, nous touchons, nous sentons, nous goûtons, nous voyons... le tout, avec une sensualité et une volutpé surprenante. Splendide !
Livre lu dans le contexte du
L'avis de Belledenuit que je remercie de m'avoir prévenue sur l'intérêt de ce livre malgré les difficultés de lecture au début. Sans elle, je pense que j'aurais abandonné et serais vraiment passé à côté d'un livre magnifique, couronnés de prix bien mérité. Merci !
Solenn a écrit aussi un très beau billet
Enfin, l'avis de Florinette; sur lequel j'ai trouvé cette interview de l'auteure, que je me permets donc de reprendre tant elle vous donnera encore plus envie de lire ce livre !