Un lac noir qui vous regarde
Des hululements, des bruits de bois
Ils vous disent « Plonge ! » vous disent « Cours ! »
Et vous trempez vos pieds
Cette eau est froide
C'est un vieux tiroir, vieux comme l'homme,
Derrière le front.
Le bain commence toujours ainsi
Par le frisson
C'est l'inconnue que vous déshabillez
Les brindilles vous donnent l'illusion du tout
Et vous vous embrasez
Une à une sur le papier
Une à une, château de mots,
Maison des renards.
Après le temps,
Des trous se creusent et vous vous maintenez
Aux fondations
C'est le tiroir menu des terres inconnues
C'est un sacrifice du corps
Une partie de soi-même
Du pouvoir en soi, les douze chiffres sur l'autel
La perfusion est longue
Vous vide, vous démunie
Jusqu'au débordement.
Gouffre de sens
Et de significations cachées
Labyrinthe infini emmurant l'architecte
Car vous avez tout prévu
Comme au logis, un fou dans les rues
Entre les visages, les pieds,
Marchant sur les mains et les yeux vers le Nord
Vous savez sans savoir, vous perdez
Dans les pépites
Qui du jour à la nuit perdent tout
Si ce n'est leur essence
Comme imprimée en vous
Les véritables briques
Entassées, assimilées,
Les fils qui suspendent vos lèvres
Et provoquent un sourire, dans la torture
Des rivières qui se retirent
Et des roches qui roulent
Roulent
Sur les vases qui se vident,
Et les roues qui tournent.
Vous gardez les bougies quelque part
Derrière vos yeux
Dans vos tripes
Vous êtes l'Inspiré, le croyant
La salvation est un livre
Qui vous tiendra tout entier
De la tête au pied quelque part dans les pages
Partout
Vous êtes le donneur
D'une part de folie
D'une part d'arrogance
Et la conviction qu'un jour
Vous remplirez ce tiroir
Vous plongerez tout entier
Et deviendrez ce lac noir
Deviendrez les yeux
Qui regardent les yeux
De gauche à droite
De gauche à droite
Toujours
Et les doigts sur vos mains
Qui tourneront les pages
Pour vous faire venir
Au monde d'ici-bas
C'est la naissance d'un tout
Qui sonne bien, la complétude
D'une moitié d'âme
Qui par les doigts qui griffonnent
A trouvé l'amour.