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Le Schizo et le web

Publié le 03 mai 2009 par Perce-Neige
Le Schizo et le web
Louis Wolfson, vous connaissez, j’espère ? La parution de ses mémoires en 1970 ("Le Schizo et les langues") avaient fait grand bruit. Car Louis Wolfson, schizophrène revendiqué, new-yorkais écrivant en français, y inventait une langue hallucinante. Un texte fascinant, sans équivalent dans l’histoire de l’édition. Récemment paru, chez Gallimard : le « Dossier Wolfson », comporte des textes de J.-B. Pontalis, Paul Auster, J.-M. G. Le Clézio, François Cusset, Michel Foucault, notamment. Mais Louis Wolfson est aussi l’auteur d’un texte plus tardif : « Ma mère, musicienne, est morte… ». Je cite ; c’est au début du chapitre III. « C'était mon quarante-cinquième anniversaire de naissance. « Déjà » plus que vingt-cinq années depuis que je suis « officiellement » déclaré dément. (Je répète : les Grecs disaient que le plus grand bonheur qui puisse échoir à un homme, c'est de ne pas être né. — Nous avons eu la poisse.) Ma mère m'avait donné la veille une jolie carte de souhaits d'anniversaire et une chemise (que je porterais lors de son enterrement). La première page de la carte, à l'extérieur donc, est couverted'une « diapo » en cellophane montrant un homme debout en train de peindre un paysage à côté d'un ruisseau devant une falaise. En effet, quand j'étais petit, j'avais pendant des années répondu à la question proverbiale en disant vouloir devenir artiste-peintre. (Plus tard c'était pilote d'avion, ingénieur et médecin, dans cet ordre.) Quant à ce qui était imprimé en page trois de la carte, donc à l'intérieur, je ne le lirais que plus tard, bien après cet anniversaire et plusieurs autres ! car c'était bien entendu en anglais, donc bien plus tard, à savoir un retard d'exactement dix jours... et cinq ans ! Et dans une autre ville et même un autre pays. » En re-lisant ce texte, hier, dans le train qui me ramenait à Paris, j’y ai vu ce qui ne cesse de s’étendre, de proliférer sur le web : un discours qui se libère de son carcan de significations, et s’invente un public imaginaire qui, de fait, autorise toutes les audaces. Le web ouvre la voie au délire, au sens littéral du terme. C'est prodigieux... Car nous ne serons jamais plus vraiment les mêmes !

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