Imaginez un
amour. Un amour complet, un amour total. Un amour qui peut résister aux temps, un amour qui peut s'accomoder de l'éloignement. Imaginez que l'on puisse vous aimer comme jamais on ne vous a aimé
et comme jamais on ne vous aimera. Imaginez que cet amour soit éternel, soit sincère et unique. Imaginez aussi que même si vous ne rendiez jamais rien, cet amour continue d'exister. Parce qu'il
est pur, parce qu'il est vrai et parce que la personne qui vous porte cet amour n'attend finalement rien en retour.
Imaginez cet amour comme une grosse boule de coton, légère au début, puis de plus en plus lourde. Imaginez ce que
cela peut faire de ressentir un amour pareil, un amour immense. Au début cela vous transcende et vous porte. L'amour que vous ressentez abat toutes les barrières et bien au delà des
considérations matérielle, cet amour vous illumine et vous soulève de terre.
Puis la grosse boule de coton commence à se faire moins aisée à transporter. Que faire d'une si grande chose ?
Votre amour gêne, encombre, rebute, attire compassion et moqueries. Mais ma pauvre, que veux-tu faire d'une chose pareil ?
Le monde se dit à la recherche perpétuel de l'amour et lorsqu'il le trouve, il le rejette. Trop gros, trop entier,
trop parfait, trop présent. Ce n'est pas l'amour qu'il veut, ce sont des touches éparpillées, qui le feront haleter d'impatience, le garderont sous manque et surtout, ne seront pas trop
envahissantes.
Et moi, avec mon amour, mon amour complet, mon amour total, mon amour éternel et mon amour sincère, je me retrouve
bien embarrassée. Ce que je prenais pour extraordinaire devient honteux. On me dit de le cacher, de le taire, de ne jamais au grand jamais le laisser s'exprimer, surtout de cette
manière.
Alors lentemement j'étouffe, je commence à respirer des lambeaux de cette boule d'amour, qui partent au fil du
vent et je me retrouve à serrer cet amour qui s'étiole doucement.
Tel des grains de sable entre les doigts, je vois que la luminosité de cet amour vacille.
A quel être humain, à quelle religion, à quelle cause, à quelle espèce animale ou végétale pourrais-je donner cet
amour ? Toutes les solutions qui me viennent attirent à la fin la destruction d'une des deux parties.
Mais cet amour, s'il ne trouve pas vite où se nicher, va finir par exploser et se déversera à l'intérieur de moi
comme un poison violent ou bien il se détruira de lui-même, entrainant là aussi, des dégâts irréversibles, rayant à jamais les termes d'empathie et de compassion.