Dimanche 14h40 - cogitation, cogitation

Publié le 03 mai 2009 par Noalita

Il a crée, une des premières Scop française, (1 voix, 1 salarié), il y croyait dur comme fer, un idéaliste mon père, le pouvoir aux travailleurs il disait, en souvenir du sien, ouvrier sur les docks de Marseille.

Quelques trente années, 35 heures Martine AUbry, gros pépins essuyés et beaucoup d'argent perdu et gagné plus tard, il n'y croit plus.

Du tout.

Il s'est acheté une voiture avec pleins de chevaux, ne lui reste plus que 3 points sur son permis, sa grosse montre lui donne l'heure au micro de seconde près, ses chemises sont coupées au poil près et il me dit

-il s'en foutent de l'entreprise, ce qu'ils veulent c'est la paye à la fin du mois et puis c'est tout, ça sert à rien une Scop, utopie.... "

Depuis son départ à la retraite, il a le sentiment de s'être battu tout seul pour la survie de la société qu'il avait crée avec eux. Il espérait un soutien, il pense ne jamais l'avoir reçu, sans doute il exagère, mais c'est son ressenti de vieil homme fatigué (et amer) après toutes ces années de coopérative ouvrière de production.

il me dit "si c'était à refaire, je ne le referais plus".

Il était de gauche, il est (re)tourné à droite. Il est devenu Sarko-compatible.

Depuis, nous nous engueulons souvent et très fort.

Je suis pour la mixité sociale, j'en rêve du haut de mon quartier de bobos-bourges,

mais voilà.....une fois sur place, les deux pieds dans le concret et un beau projet de logements dits "sociaux" sous le bras, je mesure mon impuissance, je ne pourrais jamais obliger des gens qui ne le désirent pas (plus), à vivre ensembles. Jamais, c'est comme ça.

Dans ce quartier populaire et vivant, à quelques minutes, à vol d'oiseau, du mien, tout est devenu si différent.

Nous sommes si proches, géographiquement, humainement  et pourtant, j'ai le sentiment d'un océan entre nous.

Toutes ces jeunes femmes voilées que je croise et que je ne comprends pas, j'ai envie de leur demander,

-pourquoi, pourquoi tu acceptes de te soumettre ? (A ton dieu, aux hommes)

Et puis je ne le fais pas,

je sais ce qu'elle me répondrait et elle aurait sans doute raison. 

Cela ne me regarde pas, c'est sa vie....

Ce bar vide de femmes où je n'ose pas entrer pour demander un café, ce monsieur très gentil mais qui refuse de me serrer la main, cette piscine ouverte, un jour par semaine, aux femmes uniquement ; ce monde qui est le mien mais qui ne l'est presque plus parfois. Pas toujours. 

Je remonte chez moi, l'océan se reforme dans mon dos....

Mon fils me dit que je suis ridicule et que je devrais m'en foutre.

- Elles sont libres ces minettes, elles font ce qu'elles veulent après tout. Elles ont leur destin et toutes les clés de l'indépendance entre les mains. Elles préfèrent les rendre ?

Tant pis pour elles. Arrête de vouloir le "bonheur" des gens malgré eux. Peut-être qu'elles sont heureuses comme cela ? -

Mais je ne veux pas leur bonheur, tu as raison je m'en fous de leur bonheur, je ne suis qu'une égoïste au fond.

Je veux juste continuer à vivre dans un pays laïque, résolument laïque et je n'ai pas envie de m'habituer et me dire un beau matin "c'est comme ça maintenant".

Je ne veux pas de cette radicalisation des religions, de toutes les religions et que je vois grandir partout dans le monde. 

J'ai peur que l'on me dise que je suis raciste, que je fais des raccourcis, que je ne veux rien comprendre ni entendre....

La vérité est que je ne crois pas en dieu, aucun dieu, dieu m'emmerde et m'insupporte, parfois même, très tard dans la nuit, je ne crois plus en rien et j'en ai marre que les autres m'emmerdent avec leurs croyances.

.....

Hier soir, j'ai entendu, de la bouche d' EUgène Saccomano (journaliste sportif et écrivain), dans l'émission de Laurent Ruquier

" j'ai peur que la France "se berlusconise". 

Merde, si même Eugène le dit....

moi aussi j'ai peur que nous basculions dans une société à la Berlusconi et que je finisse par me dire là aussi,

- c'est comme ça, on n'y peux rien

 Regarde Carla maintenat et voit dans quelques années, elle ressemblera à la femme de Berlusconi.

 Je ne suis pas riche, je ne suis pas pauvre, juste je n'ai pas (trop) de problèmes de fins de mois, alors je suis sans doute riche....le patron c'est moi, je suis mon patron et je ne veux pas  me séquestrer :),

et ce matin je ne sais plus où est ma place, c'est quoi "être de gauche" ? quelle est ma légitimité à le revendiquer ici et là ?

Gilles Deleuze disait "être de gauche, c'est percevoir le monde d'abord". Mais oui bien sûr....

j'ai envie de continuer à percevoir le monde d'abord,

le cul entre deux chaises.

Mais de gauche.

Ou pas.

Spécial dédicace à ma copine Marie Laure et à Monsieur Goux sans qui je serais toujours en train de m'arracher les cuticules de doigts de pieds...