Marchandise avariée

Publié le 05 mai 2009 par Pat La Fourmi

« On a l’impression d’être une marchandise avariée »

Le service de rééducation pour malades atteints de sclérose en plaques de l’hôpital Léopold-Bellan, à Paris, est menacé de fermeture.

L’annonce est tombée le 9 avril. Brutalement. Sans avertissement.

Le service de soins de suite et de réadaptation, destiné exclusivement à la rééducation de patients atteints de sclérose en plaques de l’hôpital Léopold-Bellan, à Paris, fermera ses portes le 31 juillet prochain.

La qualité et l’efficacité du service ne sont nullement remises en cause. Non, la raison est tout bonnement économique : l’établissement (privé à but non lucratif) ne dispose pas de la trésorerie nécessaire au fonctionnement de l’unité. « On sait depuis un an et demi que les services de chirurgie vont être transférés à l’hôpital voisin, Saint-Joseph, mais pour nous, il n’a jamais été question de fermeture. D’ailleurs, notre activité est tellement spécifique qu’on pensait être protégés », raconte le Dr Claire Nicolas, chef de service.

En France, les unités de ce type, exclusivement consacrée à la prise en charge de la sclérose en plaques, se comptent sur les doigts d’une main. Autant dire que la fermeture de ce service de 14 lits, qui accueille environ 200 patients par an, est une catastrophe par les malades.

« À la fermeture de mon service, je n’aurai pas d’autre alternative que de diriger l’ensemble des malades vers la Fondation Sainte-Marie (Paris 14e), qui est le seul service de la région Île-de-France à posséder le même degré d’expertise. Sauf qu’ils devront en moyenne attendre neuf à douze mois, ce qui est tout à fait inacceptable compte tenu de l’évolution de leur maladie neurologique », explique Claire Nicolas dans un courrier adressé à toutes les instances dirigeantes concernées.

« Qu’allons-nous devenir », s’interrogent les patients. Aussitôt informés de la funeste nouvelle, ceux qui étaient alors hospitalisés réagissent en envoyant des courriers, et ceux qui sont sortis font signer des pétitions à tour de bras. « Aujourd’hui, je me porte plutôt bien. Mais c’est grâce à ce service. Avant de venir, j’étais en fauteuil. Maintenant je marche », témoigne Fabienne Denier. « Tous les matins, je me demande si je vais marcher aujourd’hui. Et c’est comme ça depuis dix-huit ans. Depuis que je viens en séjour ici une fois par an, je revis. »

Comme de nombreux malades, elle a fréquenté « avant » des services accueillant des polytraumatisés. « J’étais autant avec des personnes qui buvaient ou étaient en cure de désintoxication que des accidentés de la route. Il fallait à chaque fois réexpliquer sa maladie. Alors qu’ici, les équipes savent ce que l’on ressent », confie Fabienne Denier.

« Nous prenons la pathologique dans son ensemble. Chaque patient peut avoir un mélange de différents symptômes, c’est pour ça qu’il n’est pas facile d’appréhender et de hiérarchiser la prise en charge », précise François Piton, coordonnateur du pôle médecine.

Si les patients plébiscitent le suivi « personnalisé » autant que le « professionnalisme » et la « convivialité » des équipes, ils insistent aussi sur ce que ça apporte « pour le moral ». « Quand on est ici, on se soutient, on se donne des conseils. Si on n’a plus ce centre, on perd une béquille », murmure un autre malade, François Debord. « La rééducation permet d’améliorer notre qualité de vie, parfois plus que les médicaments », surenchérit Rachid Naidja.

À l’heure où le gouvernement prétend faire du handicap son cheval de bataille, la fermeture du service passe mal. D’autant, souligne François - Piton, que, « depuis que le service fonctionne à 100 %, le 1er mars, il est rentable puisqu’il équilibre ses comptes ». « Il est inadmissible de constater que la réforme du système hospitalier se fait au détriment de personnes en situation de handicap et de dépendance, en fermant des services spécialisés dans leur prise en charge alors qu’ils sont déjà en nombre insuffisant », s’insurge le Dr Nicolas.


« Nous les malades, on a l’impression d’être une marchandise avariée », conclu Fabienne Denier, qui espère revenir dans les murs l’an prochain.

source: Alexandra Chaignon pour L'Humanité.fr