Aujourd'hui viens de se produire un évènement ayant très peu de précédents dans l'histoire de la cinquième république : la loi Création et Internet, dite loi HADOPI, a été rejetée par l'assemblée nationale. En préambule de ce billet, je souhaiterais donc dire un grand bravo aux députés qui ont lutté pour arriver à ce résultat admirable, mais aussi aux associations et magazines comme Numérama, la Quadrature du net, PCInpact ou encore l'alliance citoyenne numérique grâce à qui l'information a pu être faite autour de ce projet de loi.
Maintenant, j'aimerais revenir rapidement sur la suite des évènements. Que se passera-t-il à présent ? Les choix sont restreints pour le gouvernement.
- La première solution, la meilleure du point de vue des internautes, mais aussi la plus improbable, serait que le gouvernement abandonne le texte. Cela règlerais le problème, mais bien évidemment, vu le soutien du président à ce texte, cela semble très mal engagé.
- La seconde solution, qui sera probablement celle retenue, implique que le gouvernement utilise l'article 45 de la constitution pour demander à ce que le texte revienne en lecture auprès des deux assemblées. Dans ce cas, à nouveau deux possibilités :
- Soit le texte tel que voté par l'assemblé avant la CMP est voté par le Sénat : cela implique entre autres que les internautes ne payeront plus leur internet si ils voient leur accès coupé. Dans ce cas, il suffit que le Sénat vote le texte : il sera alors adopté directement.
- Soit le gouvernement propose un nouveau texte : il devra alors être accepté par le Sénant, puis l'Assemblée. Si l'une des deux chambres n'accepte pas le texte, c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.
Dans le second cas, le vote par l'assemblée impliquerait un vote où tous les députés seraient présents (ce qui changerait singulièrement des derniers votes, fait respectivement en présence de 16 et 36 députés sur les 577 (!) que compte l'Assemblée et qui sont dédommagés de leur absence sur nos impôts). Et c'est précisément ce vote que le gouvernement a voulu éviter en utilisant la procédure rapide (article 45 de la constitution à nouveau) : en effet, la loi Création et Internet rencontre une forte opposition dans tous les camps, y compris l'ump. Même si il est probable que le texte soit adopté, cela semble plus aléatoire que cela a pu l'être précédemment.
Une fois le texte adopté, il reste encore plusieurs écueils à passer pour la loi. Le premier sera le conseil constitutionnel, l'opposition et même la majorité (par la voix du Nouveau Centre) ayant relevé plusieurs points probablement contraire à notre constitution et au droit européen. Reste à savoir si le conseil, qui bien que de droite pour une partie n'est pas précisément sarkozyste, choisira de désigner la loi comme inapplicable (ce qui la laissera présente) ou inconstitutionnelle (ce qui l'annulerait).
Si la loi passe le conseil constitutionnel, il restera encore un obstacle. En effet, le parlement européen s'est déjà prononcé à plusieurs reprises contre ce projet de loi, en votant des amendements qui font de l'internet un droit fondamental. Si d'une façon définitive un texte contenant un de ces amendements venait à être voté (ce qui est probable au vu des votes précédents, mais les élections européennes approchant, rien n'est gagné), la France devrait alors s'aligner au droit européen, ce qui impliquerait la suppression du texte. C'est autour de cette proposition que s'articule en particulier l'idée de présentation aux élections européennes de l'alliance citoyenne numérique.
Ce n'est donc qu'une première victoire, et le bras de fer autour de ce texte décrié continue ; particulièrement autour de l'idée de la licence globale, qui revient de plus en plus depuis son soutien par le président de la Sacem. Malheureusement, le gouvernement reste bloqué sur sa position. Les armes sont prêtes des deux cotés, et cette bataille a été remportée par la liberté et l'internet.