Magazine Journal intime

Les chocottes.

Publié le 10 mai 2009 par Pffftt
Les chocottes.On part de rien ?
D’accord.
On démarre à l’arrache et après y aura la relecture, la recrachure, l’autocritique mécanique, mais les mots qui m’auront quand même bien claqué dans les deux yeux…
Tes yeux endormis…
Pardon ?
…ouais j’les trouve éteints un peu tes yeux depuis qu’il fait moins gris.
Nan, ils sont toujours ouverts, c’est toi qui déforme le réel…c’est pas mon regard.
Bon, okay. Donc, tu pars de rien pour faire ta pétasse et montrer que t’es cap d’écrire avec rien de bien sérieux.
C’est loin d’être ça…
Ben nan, c’est exactement ça. Tu passes ton temps à vouloir prouver, à tenter de te débarrasser du « trop » et vouloir effacer ce qu’il en reste…et à ce petit jeu personne n’est plus fort que toi la maligne. Du coup t’écris triste, triste à chier, mortel, cafardeux, destructeur et chiant…ouais, tu fais chier ton monde à force…avec tes mots qui cassent, qui font jamais rien en douceur, tout en malheur…
T U N O U S F A I S C H I E R !!
Non. C’est pas ça que je fais !
Ah !
Quoi alors ?
Ta gueule la voix, ta gueule pour une fois, tu me crèves à force…
J’fais mon taf moi, c’est quand même pas mon problème que tu veuilles rien entendre à ton propre bordel !?
J’ai besoin de personne moi…
On a compris va, t’es une grande fifille bien sérieuse et douée de raison qui fait tout comme il faut !
Ta gueule la voix ! Juste une fois…s’il te plaît…
***
Et ma tronche a fait silence.
Là, comme ça…et sans prévenir, m’a obéit la conne.
Dans le noir de l’appartement, le soir qui tombe sur les murs fatigués, les bruits du dehors éloignés, le goutte à goutte dans l’évier.
Ma tronche en silence.
Inédit.
J’ai rongé l’ongle de mon pouce, je l’ai craché dans le cendrier.
J’avais l’air plus con que conne et seule aussi.
J’ai allumé la télé, coupé le son, décapsulé, bu un coup, attendu…patiemment.
Mais…rien.
Aïe !
Devenait sérieux, très sérieux comme truc.
Ma propre galère. Un piège.
La rappeler ? La supplier ? Ignorer son absence dans le silence de mes neurones abîmés ?
Plutôt crever !
Vivre sans conscience moi ?
Ouais ! Cap !
Me suis rassise devant le pc. Calme. On se calme. No stress.
Ne s'est rien passé.
Bien sûr…
NO PANIKe !!!
Se ressaisir, trouver une solution…même provisoire.
Remplir l’espace.
Donc, j’ai pris mon téléphone, j’ai composé de mémoire, très vite.
Elle était au bout du fil.
-J’te dérange ?
-Ben nan pourquoi tu dis ça ?
-T’en as une toi de conscience ?
-Euh…ouais tu m’déranges carrément en fait là…
-Répond vas-y ! Fais la meilleure amie là, j’ai besoin !
-Attends j’m’installe.
-Où donc ?
-Sur le tapis.
-Là tu y es ?
-Ouais. Bon, tu répètes la question s’te plaît ?
-T’en as une toi de conscience ?
Elle a réfléchit environ deux années lumières avant de trouver un truc socialement adapté à me répondre.
-Ben ça dépend des jours…
-Est-ce que tu veux dire que des fois elle disparaît complètement ?
-Je suppose que ouais, ça m’arrive…pourquoi ? Elle s’est barrée la tienne ? T’as fait quoi encore comme truc délirant ??
Elle se foutait de moi…bien sûr…délirant et moi…incompatibles.
-Te moque pas.
-Bon. Désolée. Mais quoi alors ?
-Je devais écrire un truc.
-Et ?
-J’lui ai dit de dégager…
-A qui ?
-Ben elle ! Ma conscience !
-P’tain t’es folle ! Complètement…
-…
-C’était quoi comme texte ?
-J’avais pas d’idée très précise j’crois…
-Menteuse ! T’écris toujours sur les mêmes trucs…tu la fais chier p’t’être ta conscience à force…
-Nan, c’est mon inconscient plutôt qui fait chier.
Elle a rit. Super fort dans le combiné. J’étais bien obligée d’en sourire, d’en convenir, de capituler.
-Mais j’suis pas une comique moi.
-Ah ben non, là on est d’accord !
-Alors quoi ?
-Ben rien. Arrête d’écrire, joue du pipeau…
J’avais plus de forfait. Le truc s’est coupé.
Ben merde ! J’étais bien avancée !
Il est entré au même instant. Le bruit du trousseau de clés dans la coupelle sur la table. Son bisou sur mon front et « Alors ta journée ? », son cul près du mien sur le canapé.
-Tu m’trouves marrante toi ?
-Ouais…un vrai clown !
-Nan mais quand j’écris ?
-J’sais pas, j’ai jamais lu…
-Ah ouais c’est vrai.
-Un problème avec ton éditeur ?
-Nan, un truc avec ma conscience…
-Ah ben dans c’cas, j’peux pas grand-chose moi.
S’est levé, est allé pisser, a croqué dans une pomme et…l’eau de la douche dans la tuyauterie.
Folle de lui.
Totalement raide dingue de lui…
…sans aucune raison qui tienne vraiment debout.
Pas grave.
D’abord régler ce truc de ma tronche qui me perturbait.
No stress.
Me suis rassise au même endroit. L’écran s’était foutu en veille, fatigué de m’attendre.
Tu m’étonnes. Pareil pour moi.
J’ai gratouillé un autocollant de footeux, vieux comme mon grand frère, qu’était collé sur le bureau.
Un clic dans mon cervelet, comme une étincelle, un redémarrage au quart de tour.
Alors ? On part de rien ? On croit toujours qu’on est capable de démarrer à l’arrache l’écrivain ?
J’ai rien répondu, j’ai rien contrarié, fermé mon clapet, dire Oui Madame et ne plus jurer, ne plus me faire taire…jamais !
Je l’ai récupérée, refoutue dans ma boite crânienne, un mouchoir dessus pour éviter les courants d’air et…
…Il était une fois dans une forêt aux arbres grands et verts et feuillus, un papa ours, une maman ours et leur petit bébé ours…

Repartir.Rien d'autre.

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