J’ai une maladie imaginaire qui me rend réellement malade, enfin c’est ce qu’on m’a dit. En tout, j’ai vu trois psychiatres, rien n’y a fait et ma maladie est toujours aussi vierge qu’au premier jour. Les psychiatres, je les use. Au début, tout va bien, je suis assise en face d’eux, je leur parle, ils hochent la tête d’un air entendu, je fais de même, par mimétisme, mais à un moment donné, ça dérape toujours : soit ils me découragent de parler, soit ils parlent pour moi. Le dernier en date m’a même dit que je parlais trop, un comble. C’est lui qui a soutenu que j’avais une maladie imaginaire qui me rendait malade, pauvre type ! L’avant dernier psychiatre, lui, me passait sous silence et me parlait de sa femme – une maniaco-dépressive -, quant au premier, je l’ai vite laissé tomber, il prétendait que j’étais une « castratrice perverse ». Je ne le payais tout de même pas pour l’entendre dire du mal de moi. Je lui ai répondu qu’on ne pouvait pas prétendre remettre les gens sur le droit chemin quand on allait soi-même de travers. A ce moment là, il est parti d’un rire hystérique et moi je suis partie en catastrophe.
Hier soir, en allant à un repas chez une copine, je me suis trouvée, par les hasards du plan de table, à côté d’un psychiatre. Au début, j’ai évité de parler de maladie mentale, mais vous savez comme ils sont pervers ces gens-là !
Celui-là avait pourtant l’air moins « borné » que les autres. Quand on a attaqué l’entrée – une salade de fruits de mer – nos rapports étaient parfaitement courtois mais, dès le plat de résistance – un rôti de bœuf aux cèpes - il m’a fait comprendre que je devrais analyser mes rapports avec les hommes, puis arrivé au fromage, il m’a asséné que j’étais du genre narcissique, dans le déni permanent ; et une fois au dessert, l’apocalypse, il a hurlé que j’étais une cinglée capable de conduire au suicide le plus compétent de ses confrères ! On a failli en venir aux mains. Je lui ai conseillé d’aller se faire soigner et il m’a répondu en me jetant son verre de vin rouge à la figure. Voilà ! Encore un type qui soigne les autres alors que le malade, c’est lui ! Conclusion, je suis fâchée avec mon amie. J’ai appris trop tard qu’elle couchait avec cet imbécile ; je me demande bien ce qu’elle lui trouve, s’il est aussi grossier au lit qu’à table…
Enfin, à toute chose malheur est bon, j’ai pris une décision : je me soigne toute seule et je n’irai certainement pas plus mal.