le son du piano...
Il existe plusieurs types de traitements car il existe plusieurs types de scléroses en plaques et a priori notre mère ne semblait pas dans un état extrêmement grave. Il était possible d'y faire face. Depuis trois ans, je me dis que si elle a su faire face à la maladie, en fait c'est parce que nous, les enfants, étions là. La famille était là. L'éloignement pour des raisons de travail de notre père en Afrique n'a pas facilité les choses mais elle n'était pas seule. Je crois qu'isolée, les choses se seraient vraiment passées autrement.
Cette maladie la rend nerveuse sur le plan mental, mais aussi fatiguée, très fatiguée, désespérée. Parfois aigrie, dure (on dit que c'est l'effet des traitements aussi). C'est difficile pour elle. Et pour nous, les enfants. Maman a été hospitalisée suite à des douleurs violentes dans les jambes en février 2008 au moment où je donnais des concerts sur Angers, où nous habitons. Elle a dû fermer la boutique de musique classique qu'elle dirigeait sur les conseils du médecin mais aussi avec notre soutien (mon père, ma sœur et moi) et heureusement, le soutien de personnes extérieures à la famille. En effet, il y avait des escaliers dans la boutique et gravir ces escaliers la fatiguait trop physiquement. Heureusement nous habitions un rez-de-chaussée. Vivant à l'époque en colocation avec ma mère, je me rends compte à quel point cette maladie fatigue et vieillit les gens (ma mère est encore jeune, 50 ans, c'est jeune).
Un an plus tard, en février, alors que je donnais à nouveau des concerts sur Angers et que maman devait venir me voir, on dut l'hospitaliser pour une nouvelle poussée de sclérose en plaques. Elle est restée à l'hôpital trois jours.
Cette maladie est source de tensions. Le traitement coûte cher, heureusement nous sommes en France, la sécurité sociale prend en charge (pour combien de temps ? Je pense à celles et ceux dont les proches sont dans un cas similaire et qui ont voté pour un gouvernement sans états d'âme sur ces questions-là).
Récemment, notre mère, pourtant très forte d'esprit (un esprit têtu, solide, qu'elle a su nous transmettre) était désespérée, assise sur le tabouret dans le couloir. Elle avait voulu jouer sur le piano pour se détendre. Mais apparemment elle avait un nerf compressé et ne pouvait toucher le piano. Elle va suivre un traitement. Le piano est sa passion, et non un simple détail. Elle a toujours joué du piano, je l'ai toujours entendue jouer du piano, et elle m'a appris le piano, je voudrais qu'elle continue de jouer, j'espère que le traitement marchera. Parce que chez nous c'est aussi cela : si la sclérose prend le dessus, alors c'est le silence…
Je tiens à préciser que malheureusement le Cap Emploi Angers qui est sensé aider les personnes souffrant de handicap est totalement... incompétent, c'est sinistre. Que se passe-t-il dans la tête d'une conseillère pour proposer un 35 heures dans un Carrefour à une personne qui ne peut pas tenir debout plus d'une heure et qui doit éviter de soulever des charges trop lourdes ?
Ce témoignage pourrait sembler impudique. Mais trop de personnes affrontent ce que nous vivons en France. Et pourtant je constate autour de moi que cette maladie a encore quelque chose d'abstrait. Le cancer, le sida, Alzheimer, les gens connaissent bien mais la sclérose en plaques c'est autre chose. Alors il faut s'exprimer. Ne pas nier la maladie... Nous ne cherchons absolument pas la pitié, non, mais il faut dire, prendre la parole pour faire connaître.
J'espère que l'argent nous investissons dans les laboratoires sert à quelque chose, mais je finis par avoir des doutes...
Et puis toujours donner de l'amour, partager...
La vie continue...
Pour en savoir plus sur Jann :
Son MySpacesource: Les Toiles Roses