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deuil de livres

Publié le 14 mai 2009 par Modotcom
deuil de livresen juillet 1987, mes boîtes de livres reposaient avec mon lit simple et peu de meubles dans le garage chez mes parents. L'entrée de garage était en pente, celle du genre où l'on bâtit un abri tempo en hiver pour se protéger de la blanche. Une entrée double. Je travaillais tout l'été à Percé à vendre des cerf-volants. Mes biens attendaient qu'Iz les récupère pour emménager avec elle dans notre nouvel appart en ville.
Juillet 1987 (le 14 je crois), il y a un fameux déluge à Montréal, de la grêle, des inondations partout. Dans le garage bien sûr!
Iz m'avait prévenue : tes boîtes ont été mouillées.
À mon retour, j'ai sorti les livres des boîtes, plusieurs n'étaient plus des livres, mais du papier mâché. D'autres avaient des pages collées, d'autres ne s'ouvraient juste plus. De ceux que j'ai pu récupérer, certains trônent encore dans ma bibliothèque, mais avec un corps ondulé et non droit, dont ma monographie du Met datant de 85-86. La plupart étaient de magnifiques livres d'art.
Dans les 20 dernières années, j'ai accumulé énormément de livres. En espace physique biplanaire, cela occupe un mur de 12 x 9. En boîtes de carton de 3p cubes, cela fait environ 20 boîtes. De tout, de rien. De beauté, d'amour, d'intelligence. J'adore les ouvrages; je suis amoureuse de ces objets que l'on regarde, on touche, on sent (une odeur de colle et d'encre), on ouvre, on lit, on amène au lit, on ferme, on sépare, on garde, on termine, on referme, on classe, on retrouve, on prête, on redécouvre... Jamais je ne m'en débarrasse, peu importe le sujet de l'ouvrage. En 2007, lors de mon party d'huîtres, nous avions fait un échange de livres, tu amènes un livre (préférablement usagé, lu et commenté) et tu repars avec un autre. Je me suis donc séparée de mon préféré Novecento et ai gagné un philosophique Tao. Les livres contiennent le savoir et l'imagination, la culture et la finesse, l'humanité et la générosité, et j'en donne et reçois beaucoup. Je les collectionne, sans rigueur, mais en abondance. Je les expose, de façon ostentatoire, je les regarde, les caresse, les lis, les vénère.
En juillet 2008, nous avons déménagé dans une maison où nous allions faire de nombreux travaux. Nous avions un immense garage double qui a abrité tous nos biens qui se plaçaient petit à petit dans les êtres de la maison. Aujourd'hui, le garage est presque vide. Mais : on en a jeté du stock!!! L'eau s'infltrait dans le garage par le toit, les boîtes étaient enveloppées d'une couche de glace cet hiver. Bref, ce fut mon deuxième déluge. Je pensais à mes livres, mais sans trop y penser, en me disant : ce n'est que du matériel, c'est inanimé, ce ne sont que des biens, il n'y a pas mort d'homme. En fait, je ne m'imaginais pas : en avoir autant, et que pouvaient-ils bien leur arriver? Loin des yeux, loin du coeur, c'est vrai pour tout.
On les a rentrés hier soir.
On a fini d'installer le bureau et la bibliothèque. L'homme-chat a dit qu'il allait pleuvoir aujourd'hui, qu'on devait rentrer les livres.
J'ai ouvert les boîtes.
Je vous jure, chers amis, quelle désolation que des livres mouillés, moisis, collés, les pages illisibles... Mon coeur était bouleversé. Autant d'années de création, dans du papier savamment livrées, avec talent illustrées, finissent ces jours-ci en purée...
Quelle tristesse... C'est pire que je le pensais. Ce ne sont pas des biens inanimés, les livres sont des êtres aimés. J'aurais préféré ne pas savoir, j'aurais aimé qu'ils soient emportés, hors de ma vue, ma pensée, mon coeur.
J'en ai mis quelques-uns à sécher. D'autres sont encore en pile dans des boîtes molles d'humidité. Certains ont vécu 2 catastrophes, comme mon livre du Met - qui s'en est assez bien tiré, cette fois-ci.
Maintenant qu'ils sont chez moi, malades, accidentés, tristes, en phase terminale, pleurant et condamnant... Ce sera un long travail d'amour, de patient labeur, afin de les récupérer, les faire sécher, en prendre soin. Peut-être repasser leurs pages au fer tiède, les tenir sur mon coeur, leur dire je t'aime un à un en contemplant chacun des titres, chacune des couvertures, les bénir d'un baiser, puis les poser chacun à leur tour, sur les tablettes de leur nouveau sanctuaire...

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