Des moments paisibles et dorés...

Publié le 15 mai 2009 par Perce-Neige

A lire D.H. Lawrence ("L'arc-en ciel"), me vient la nostalgie d'un monde dans lequel ces moments "paisibles et dorés" avaient un sens. On ne peut sans doute pas tout avoir... Mais il n'empêce, tout cela nous manque, il me semble. "La nuit, tout allait bien lorsque, les portes closes, l'ombre les enveloppait. Alors, ils étaient les seuls habitants de la terre visible, les autres disparaissaient sous les eaux du déluge. Et seuls au monde, ils édictaient leur propre loi, ils pouvaient se réjouir et gaspiller et dilapider, tels des dieux sans conscience. Mais au matin, quand les charrettes grinçaient et que les enfants criaient dans le chemin, quand les colporteurs venaient faire l’article, quand l'horloge de l'église sonnait onze heures et qu'ils n'étaient pas encore levés, tous les deux, qu'ils n'avaient même pas pris leur petit déjeuner, Will ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable, comme s'il avait enfreint un règlement, honteux de n'être pas debout à faire quelque chose. « À faire quoi ? demandait Anna. Qu'y a-t-il à faire ? Tu ne ferais que paresser.» Pourtant paresser même était respectable. Au moins était-on encore en contact avec le monde. Alors que là, paisiblement étendus tandis que la lumière du jour perçait obscurément à travers le store, ils étaient enfermés, coupés du monde, le reniant implicitement. Et cela le troublait. Mais il était si doux et plaisant de rester ainsi étendu et d'échanger avec elle des propos décousus ! N'était-ce pas plus doux que 1es rayons du soleil et bien moins éphémère ? L'acharnement de l'horloge à sonner les heures finissait même par devenir irritant, les heures semblaient se succéder presque sans interruption, juste un moment paisible et doré durant lequel Anna, totalement insouciante et heureuse, parcourait son visage du bout des doigts, et il aimait qu’elle le fit."