l'apprentie conductrice (MBBS)

Publié le 18 mai 2009 par Mbbs
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- Es-tu prête ?

Avec un hochement de tête, Joséphine acquiesce en me souriant. Je lui souris aussi, mais mon sourire manque d’entrain, je dois me forcer pour étirer mes lèvres car la tension est là. J’attache ma ceinture et lui dit.

- Alors, allons-y.

Elle démarre l’auto, met la marche arrière, recule sans problèmes, met la première et nous voilà parties le long des chemins de traverses, dans la campagne, sur des routes censées être plus accessibles aux apprentis conducteurs. J’essaie de montrer un calme apparent, je lui signale quelques petites erreurs qui ne portent pas à conséquences et je commence, au fur et à mesure que les km sont avalés, à me détendre et même à admirer le paysage. Les champs de colza sont en fleurs et le jaune vif de ces étendues illumine et contraste avec le vert tendre de la campagne que nous sillonnons en ce dimanche matin. Un « cédez le passage » s’annonce au milieu de nulle part, ma fille ralentit mais oublie de rétrograder. La voiture ne bronche pas mais peine à repartir ce qui fait que nous nous retrouvons à traverser une route principale au pas d’un escargot qui patinerait sur une plaque de glace. Je scrute l’horizon mais ouf, aucun engin motorisé en vue. Je fais une remarque, m’obligeant à parler calmement alors que j’ai mon cœur qui cogne encore dans la poitrine. Elle s’excuse et nous repartons de plus belle. Une jolie côte puis des virages serrés sont annoncés et la petite voiture, vaillante s’élance. Au sommet, nous empruntons une ligne droite qui se termine par le rétrécissement de la route, du passage d’un pont de pierre à voie unique suivi d’un virage en « épingle à cheveux » sans visibilité comme on dit chez nous. Lancée, la voiture arrive à toute allure vers ces obstacles qu’une main effrontée a placé les uns derrière les autres pour tester le sens de la conduite des usagers. Deux pensées s’affrontent alors en moi, laisser ma fille gérer cette série d’obstacles ou jouer au copilote de rallye et lui dire comment faire, point après point. Cette réflexion utilise les rares secondes nécessaires à l’approche du pont de pierre et je réalise soudain que si une voiture s’était présentée en sens inverse, nous n’aurions pas eu le temps de freiner, car nous arrivions trop vite. Le virage est pris mais la voiture est déportée et nous nous retrouvons en plein milieu de la chaussée. Je hurle « garde ta droite, garde ta droite ! », Joséphine donne un coup de volant et nous voilà dirigées vers le bon côté d’une route bordée de champs et de prairies. Je réalise soudain que les apprentis conducteurs doivent avoir un ange gardien qui les suit tout au long de leur apprentissage, car sinon, comment expliquer cette chance miraculeuse qui a fait déserter de tout véhicule ces tronçons de route.

Le dimanche matin, me direz-vous, les conducteurs restent chez eux à apprécier une grasse matinée en famille, c’est pour cela que les routes campagnardes sont désertes, cela n’a rien à voir avec des anges. Je veux bien mais que faites-vous de ceux qui partent chercher baguettes et croissants frais ?

Finalement nous arrivons à destination, Joséphine parque le véhicule, arrête le moteur et me regarde, hilare.

- C’était chaud, hein maman, mais finalement, pas si mal, non ?