Magazine Journal intime

La recette du dimanche parfait

Publié le 19 mai 2009 par Anaïs Valente

Je croyais haïr les dimanches.  Je croyais avoir tout vécu des dimanches sordides : la pluie qui tambourine à la porte, le froid qui glace les orteils, la solitude exacerbée, la boulangerie fermée, 7dimanche en grève, du temps oùsque j'écrivais pour eux.  Mais je n'avais rien vécu.

Car le dimanche sordide, ça y est, je l'ai vécu.

Tout commence comme un conte de fées.  Le soleil brille, les oiseaux chantent, la journée s'annonce radieuse.  Je me fais belle comme un cœur (un gros cœur bien gras bien rond bien lourd, mais un cœur tout de même), je mets ma petite robe achetée pour ma big soirée de luxe et jamais mise, mes nouvelles chaussures à talons qui me font un mal de chien que c'est pas possible de créer de tels instruments de torture au 21e siècle, et je m'en vais vers mon destin.

Un repas festif, tel est mon destin en ce dimanche qui commence comme un conte de fées.

Dès mon arrivée, mon destin bascule.  J'ai droit à la réflexion qui tue « ne le prends pas mal, mais, Anaïs chériiiie, mais ce ... te vieillit ».  Je n'ai pas compris ce qui me donne un look troisième âge, je n'insiste pas et hoche la tête.  Je me sens rougir jusqu'à la pointe des ongles. 

L'enfer commence.

Keski me vieillit comme ça ?  J'en suis à un âge où je commence à craindre l'arrivée du premier cheveu blanc, à surveiller mes ridules qui deviennent lentement (mais inexorablement) des cratères.  Alors si quelque chose me vieillit, je dois savoir quoi.  Mes cheveux ?  Ma nouvelle robe ?  Mes chaussures de torture ?  Mes jambes rasées mais néanmoins style grenouille famélique ?  Mon bide rasé mais néanmoins omniprésent ?  Pas moyen d'oublier cette petite réflexion.  J'ai la rancune tenace.  Bien envie de rayer cette personne de ma vie, non mais, on ne critique pas Anaïs impunément.

L'enfer continue.

Je suis entourée de couples.  Couples heureux ou malheureux, qu'importe, ça donne un amalgame de binomes.  Et moi.  Seule.  Apéritif.  « A nos amours », s'écrie l'un des convives, tendant son verre vers les autres.  Puis il me regarde, l'air anxieux, comme s'il avait dit une bêtise.  Et d'ajouter « Enfin toi, ça sera pour cette année, ça va de soi ».  Ben voyons.  Je rougis jusqu'à la racine non blanchie de mes cheveux.  Parce qu'ils me connaissent tous depuis longtemps.  Et ils ne m'ont quasi jamais vue en compagnie masculine (keske j'en peux moi, si les hommes me larguent avant les réceptions, les réveillons, la Saint-Valentin et tutti quanti).

L'enfer persiste et signe.

Les discussions vont train, quand soudain, me voilà à nouveau au centre des débats : « Quand Anaïs va-t-elle nous présenter un petit fiancé ?  Hein ?  Quand ?  Allez, Anaïs ?  Tu ne nous caches rien ?  Quand est-ce qu'on verra ton chéri ? »  Et que j'en remette une couche, et que j'insiste lourdement.   Moi, je suis plus rouge que rouge, je suis quasiment bordeaux.  Je sais que si je réagis agressivement, je vais avoir droit à « m'enfin on rigoooooooooooooooole » ou à «  c'est passqu'on s'inquiète pour toi, on veut juste ton bonheur » ou enfin à « ouch sois pas si susceptiiiiip', on comprend que tu sois seule, avec un tel caractère »...  Et la bouche est bouclée.

Alors je bois.  Pour oublier tout ça.  Pour tenir durant plusieurs heures.  Pour tenter d'être de bonne humeur.

Et je suis au milieu d'eux.  Je suis entourée de gens qui m'apprécient, mais le manifestent tellement mal.  Et je me sens seule.  Plus seule qu'au pire moment de mes instants de solitude.  Me sentir seule chez moi, lorsque je suis effectivement seule, ça m'arrive.  Pas très souvent.  Mais il n'y a rien de pire que de ressentir cette si profonde solitude qu'en étant au milieu de tellement de gens.  Une énorme envie de me réfugier dans des bras aimés et aimants.  Tout simplement.  Et eux, ils ne le voient pas.  Ils ne réalisent pas l'impact de leurs mots sur moi.  Il me faudra du temps, énormément de temps, pour oublier cette journée, que tous ont qualifié de merveilleuse.  Et qui me laisse un goût d'acidité en bouche.

L'enfer est toujours là.



Retour à La Une de Logo Paperblog