Fils de P.

Publié le 19 mai 2009 par Mtislav

Ma mère est une p..., mon père est un flic. Je l'ai longtemps ignoré, pourtant c'est la vérité. Comment on fait dans ces cas là vous demandez ? Ou bien vous vous en foutez. Vous voulez savoir mais rien à carrer. Quand on vit avec papa maman, que tout est normal, on se demande pas vingt fois par jour de quoi on a envie. Quand maman ne passe vous voir qu'une fois tous les quinze jours, vous ne vous demandez pas où est papa. J'ai passé mon enfance à attendre que ma mère s'intéresse à moi. Papi et mamie me gavaient de soupe au pistou, de pain de poulet et de confiture framboise groseille. J'attendais ma mère comme on attend le dessert. Je n'avais envie de rien d'autre. C'était comme si j'avais eu des parents trouvés dans un grenier. Un peu passés, toujours dépassés, incapables de courir derrière vous quand vous enlevez les roulettes de la bicyclette, nager à vos côtés quand vous vous lancez pour traverser le grand bassin. Trop vieux pour avoir un tout petit peu l'air d'être vraiment vos parents. Trop gentils pour leur dire merde. Trop aimants pour vouloir vraiment les aimer.
Juste une anecdote. Juste une pour Zoridae qui veut qu'on lui raconte une histoire de fils. J'ai 18 ans. Je me suis tiré pour la ville. La grande ville. Je traîne. Je fais des rencontres. Il y a encore de longues journées plutôt chaudes. Je dors dehors. J'ai bien une adresse, un ami de ma mère qui venait nous voir chez papi mamie. Paulo. Il est content de me voir qu'il dit. "Qu'est-ce que je fous là ?" Il me trouve un endroit où dormir, une caravane toute pourrie et un boulot dans une gargote. Je le vois de temps en temps. Il ne voit plus du tout ma mère. Moi, c'est pareil. Je ne veux plus la voir. Il aime bien boire des coups. Il parle pas beaucoup. Je finis par lui poser la question. Il aime pas trop. Quand j'ai le courage, j'y reviens. Lui, il préfère qu'on boive un autre coup. Enfin, lui parce que moi, je bois pas, j'aime pas ça. Et au bout d'un coca, j'en ai assez. Je vous raconte vite fait, c'est pour Zoridae, parce que cette histoire, c'est vraiment une belle saloperie. Paulo, il est jamais beurré. Sauf un jour. Il a tellement picolé que je le soutiens dans la rue. Il a passé un bras sur mon épaule pour tenter de marcher droit. De l'autre il finit par s'appuyer au mur de la ruelle et il gerbe tout ce qu'il a bu. Tout ce qu'il a bu récemment. Beaucoup ou très peu en fin de compte. Il s'écroule quelques mètres plus loin et moi avec. Je l'adosse péniblement au mur. Il doit bien faire 100 kilos, c'est pas facile. Et voilà pas qu'il sort ce qui lui reste dans le ventre, mon père, que c'est peut-être ce flic. Que ma mère voyait, un temps. Il était sur Fourvières. Maintenant, il est à Meyzieu. Il le sait parce qu'il a coffré machin, ça vous regarde pas. Il s'appelle Pietro. J'y crois pas à son histoire. Il peut pas savoir.
J'oublie l'histoire. Je suis dans mes gamelles, je récure. Nickel, il les veut ses gamelles. Je dis que c'est une gargotte mais le patron lui dit que c'est de la cuisine. Les Lyonnais, c'est vraiment des bouffons, pareil que papi mamie avec leur cuisine. Et je sais pas comment, je me retrouve au commissariat de Meyzieu. Crois-moi pas. Je demande à voir le commissaire P***. Comme il rigole le planton ! Qu'est-ce que j'ai dis ? Je me retrouve avec l'empaillé. Il a pas une trop sale gueule. Il comprend rien puis il comprend tout, je le vois mais il a du mal et fais celui qui se souvient à peine. Ou alors, c'est moi qui suis largué. Faut dire, j'arrive pas à parler. J'ai la bouche toute sèche, c'est comme si je m'étouffais. Il faut qu'il m'arrache chaque mot, qu'est-ce que je fais là, qu'est-ce je veux, qu'il n'a pas que ça à faire. Peut-être, je dis bien peut-être il répète. Il n'a que ça à la bouche. J'ai peut-être connu ta mère. Tu l'as peut-être baisé que je me dis mais ça il ne peut que le lire dans mes yeux. Tu sais, ta mère, c'était une p... ! C'est là que je comprends, je suis bien le fils de P.
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