L'île aux fesses

Publié le 19 septembre 2007 par Steveproulx

J'ai une tranche de vie à raconter. C'est l'histoire d'un lac, d'un gardien de but millionnaire et de l'île aux fesses. C'est l'histoire, surtout, de quelques inégalités...

         

Il y a dans la société des gens plus riches que d'autres. Et cette réalité est encore plus frappante lorsqu'on se promène sur un lac.

C'est ce que j'ai fait avec ma famille l'autre jour. À bord du bateau de mon oncle, on a fait le tour du lac Brompton, en Estrie.

Tout autour du lac, on trouve des chalets de gens riches et célèbres. "Là, c'est la cabane de la propriétaire du gros RONA à Sherbrooke", a dit mon père en pointant un château du doigt. Plus loin, un manoir monstre. "Celui-là appartient à un boss d'Astral Média."

Plus loin encore, un domaine où le garage pour le bateau est, à lui seul, aussi chic que le chalet de mes rêves. "Ça, c'était le chalet de Joseph-Armand Bombardier (l'inventeur de la motoneige)", a dit mon oncle.

À un certain moment, j'ai eu envie de me baigner. "Est-ce qu'on va à l'île aux fesses?", ai-je demandé.

Tout le monde allait à l'île aux fesses avant. Un endroit idéal pour faire trempette, parce que l'eau y est peu profonde et le fond du lac est de sable doux.

"On ne peut plus y aller, a dit mon oncle. Maintenant, l'île appartient à Jocelyn Thibault. Et il a aussi acheté le fond du lac."

Jocelyn Thibault, oui, le gardien de but des Sabres de Buffalo. Il s'est fait construire un château lui aussi. Et pour être sûr d'avoir la paix, il a aussi décidé d'empêcher tout le monde d'aller se baigner à un endroit que tout le monde fréquentait depuis des décennies...

Et mon père de lancer dans son franc-parler caractéristique : "La plupart de ces gars-là n'ont même pas un Secondaire 3 et gagnent des millions pour jouer au hockey. Pis en plus, ils viennent nous faire chier sur notre lac!"

Nous sommes tout de même passé devant l'île aux fesses. Jocelyn Thibault n'y était pas. Dommage, j'avais un beau doigt d'honneur à lui offrir. "Il n'y a jamais personne ici maintenant", a dit mon oncle.

On n'a pas fait de vagues. On a passé notre chemin en se remémorant les doux souvenirs d'une île aux fesses jadis grouillante d'estivants.

Merci Jocelyn. En te souhaitant une belle saison de hockey...

D'ailleurs, en passant, puisque tu ne veux pas nous voir à ton île aux fesses, j'imagine que tu ne vois pas d'objection à ce qu'on n'aille pas, non plus, te voir jouer au hockey?


© Steve Proulx | 2007