L’allée

Publié le 19 septembre 2007 par Jlhuss

Franchie la barrière de clôture, on était pris par une allée semblable à celle-ci, ombreuse, conduisant au pied d’un grand perron, cinq marches, six, qui de nous se souvient ? Et la double porte bleu vif s’entrouvrant d’un battant sur nos désirs -de l’eau fraîche, une parole de reconnaissance-, qui nous assure que c’est ici ?

Le damier d’un couloir pareil invitait à suivre le jeu jusqu’au seuil d’un salon plus vaste qu’un chagrin d’enfance. Qui de nous s’assit le premier sur un des fauteuils vieil or et grenat tels qu’on en trouve encore aux orchestres de quelques théâtres ? Qui de nous entendit s’ouvrir la porte du haut buffet ? remercia la main versant l’eau, tendant le verre ? Qui distinguait à contre-jour le regard nous fixant, la bouche nous informant de l’heure et du lieu ? Un chat soyeux frôlait nos jambes, se laissant effleurer d’une main, lentement s’éloignait, disparaissait, et nous sentions qu’il fallait le suivre dehors dans la chaleur de midi.

Qui le premier perdit le timbre de la voix nous offrant d’attendre dans la maison la fraîcheur du soir ? si profonde qu’on pouvait y loger la peur, si lente que le temps s’y perdait, si basse qu’on doutait d’y grandir sans vertige. Qui de nous rêva le premier d’y revenir ?


Arion