Magazine Journal intime

Le Soleil De Minuit

Publié le 20 mai 2009 par Mélina Loupia

Jamais je n'aurais quitté la couette tiède et le moteur à réaction à la place du nez du conjugué ce matin si j'avais su combien la journée allait n'être qu'une couche de sédiments chiasseux.
Toute la matinée à tenter d'ignorer le petit vengeur masqué, pour découvrir à 17h qu'il s'agissait en fait de l'interné, qui ignorait alors que nous étions tous les 2 à quelques heures du 1er grand clash de nos vies.
2 heures de l'après-midi à signer, téléphoner, dépatouiller, répondre, affronter les limites rapidement atteintes des lenteurs administratives ainsi que certaines mauvaises volontés.
En effet, mettre à disposition un numéro de téléphone public auquel seul Nono le petit robot répond que ce numéro concerne TOUTES les questions posables SAUF la mienne, tenter de trouver qui pourra y répondre et m'entendre dire à la fin que seul Nono le petit robot est capable d'une telle prouesse, que je dois forcément pas avoir tapé sur les bonnes touches, forcément, ça guérit pas ma haine envers le combiné.
Un fleuve en crue de larmes à sécher et des sanglots incontrôlables à gérer juste avant de filer, contrainte et le coeur serré comme un poing de colère. Un enfant qu'on prend en embuscade dans l'angle mort de la surveillance du Maître, juste avant de prendre le bus, et qu'on prend comme une bête de cirque tout le temps du trajet, qui refuse d'aller à l'école jusqu'à la fin de toute sa vie, qui n'avait rien fait, n'avait d'ailleurs pas ouvert la bouche de toute la journée, joué seul, mangé seul et travaillé seul, forcément, ça donne envie de tout, sauf de le laisser se consoler tout seul pour aller à une réunion scolaire.
Une réunion où le pourcentage de "bonjour!" que j'ai reçus avoisine le néant.
Ah oui, car donner son avis lorsqu'il ne correspond pas à celui du troupeau, forcément, ça vexe.
Alors on dit plus bonjour, na, bouh, vilaine.
Je préfère me dire que tout est normal, qu'on est dans la cour de l'école primaire, et que l'ambiance des lieux incite à la puérilité, mais forcément, l'impolitesse des adultes, elle m'agace encore plus que celle des enfants.
Une cascade d'avaries matérielles ralentissant fortement ma productivité et mon rendement professionnels.
Il faut savoir qu'une porte qui claque, une colique qui cède, un môme qui s'énerve, une fenêtre MSN qui cache celle de travail, la mise du micro en mode pause et l'oubli de la mise en pause quand on pense enfin avoir enregistré le son parfait, forcément, ça tend un peu le string mental.
Quand à 23h, l'interné m'appelle pour me prévenir que le lendemain, il sort à 14h, je me dis " Ouf, enfi la pause."
"Allô maman?
-Oui, t'es pas encore couché?
-Non, j'allais à la douche et ensuite, je voulais faire mon devoir de SES, mais je viens de le regarder là, et j'ai RIEN compris.
-C'est pour quand?
-Demain.
-Tu l'as depuis quand à faire?
-Jeudi dernier.
-JE SENS QUE JE VAIS TE PASSER LE PREMIER SAVON DE NOTRE RELATION FILIALE MON ENFANT."
Inutile de faire état de la suite, toutes les mères qui ont eu des ados en pleine crue hormonale sait de quelle substance est constituée le clash.
Mais comme dans la famille on se couche jamais fâché, c'est la devise du clan, j'ai raccroché en embrassant très fort mon petit poussin de 16 ans, 1m77, 60 kilos, pointure 45.
C'est au moment où, je crois que j'aurais éclaté de rire même si on m'avait épilé les aisselles à l'acide, tout en me faisant avaler des orties fraîchement cueillies pendant la diffusion forcée des émissions religieuses, Simone a à nouveau sonné.
Et du soleil est sorti de l'écran.
Le Soleil De Minuit.
Ceux qui me lisent depuis plus longtemps que les autres savent que depuis 2 ans, j'accompagne Marius et Bouille sur les chemins à travers la Drôme provençale.
Au fil du temps et des chemins, je suis devenue meilleure en Drôme, en âne et en don de coeur.
Aujourd'hui, la famille s'est comme qui dirait agrandie.
Marius a un nouveau pote, Bandit.
Bouille a une assistante d'amour, Joëlle.
Tous les 4, mais avec tout un tas de monde qu'ils rencontrent, ils vont se faire le Mont Ventoux.
Comme ça.
Paf.
Et pour un môme.
Gabriel.
Pas parti avec le bon kit de survie.
Mais qui se bat comme un homme avec ceux qui l'entourent.
Tous les soirs, Bouille m'appelle, et me raconte, se raconte.
Des chemins, des cailloux, des entorses, des averses, des chutes, des coulées de boue, des nuits blanches de froid, des tracés de carte, des sites, des pentes, des côtes, des kilomètres, des étapes.
Et puis du soleil dans le ciel et les yeux des gens qui, à la vue des ânes et de l'enthousiasme de leur maître, redeviennent des enfants, des oiseaux, des papillons, des prés verts, des ruades facétieuses, des rayons qui se font avaler par la montagne, des sourires qui rident le coin des yeux, des victoires sur les sentiers vertigineux, la gravité défiée.
Tous les soirs, quand le téléphone sonne, c'est la téléportation sans Spok.
Je m'enferme dans le cellier en route vers la Drôme.
Cette année, va falloir que je fasse de la place dans l'emploi du temps.
Ce petit voyage nocturne et quotidien fera sa place tout seul.
Un peu une question de survie, là, tout de suite en ce moment.
(J'ouvre une parenthèse, au cas où la malveillance suggérerait que je tente de me dorer un quelconque blason, alors qu'il n'en est rien, la seule chose que je souhaite, c'est qu'au moins une fois, avec moi, vous preniez le chemin du Ventoux, pour accompagner Gabriel.)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mélina Loupia 93 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Ses derniers articles

Dossier Paperblog