Ô vous qui pensez à sortir du
monde, je vous prie de ne pas attendre, pour le faire, que vos amis aient pu se
débarrasser de leurs affaires : craignez que la mort ne vous surprenne avant
que vous ayez accompli votre pieux dessein. Hélas ! Il y en a eu un grand
nombre qui se sont trompés. Ils voulaient sauver des personnes paresseuses et
négligentes; mais en les attendant, le feu de l’amour divin qui les embrasait
s’est éteint peu à peu dans leurs cœurs, et ils ont misérablement péri avec
ceux qu’ils prétendaient sauver. Or, puisque vous sentez en vous les ardeurs
célestes de l’amour divin, et que vous ne savez pas quand elles pourraient
disparaître de vous, et vous laisser dans les ténèbres, marchez et courez donc
où Dieu vous appelle, rappelez-vous que l’Apôtre nous avertit que nous ne
sommes pas tous chargés du salut de nos frères : Ô mes frères, nous
dit-il, chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même (Rom 14,12);
et il ajoute ailleurs : Quoi ? Vous voulez donner des leçons aux autres, et
vous ne vous instruisez pas vous-même ? (Rom 2,21) Or n’est-ce pas comme
s’il disait, «pour ce qui regarde les autres, je n’en sais rien; mais pour ce
qui regarde chacun de nous en particulier, je sais très bien que nous sommes
obligés de nous connaître et de nous sauver».
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la fuite du
monde»