Derrière ma vitre, je le vois. Il vient d’ouvrir la porte. Il se glisse chez lui, en espérant que personne ne l’aura vu. Il a laissé sa voiture dans l’allée, mais je suis sûr qu’il aimerait, si son garage n’était pas si encombré, pouvoir y dissimuler sa bagnole, et laissant les volets fermés, personne ne saurait qu’il est là. Mais bon, le petit coin perdu où il vit n’a pas trop pignon sur rue, il peut fermer sa porte, et éventuellement son portable et ne sera pas dérangé plus que ça. Il va poser ses affaires dans l’entrée, jeter sa veste sur une chaise, dénouer ses lacets, envoyer ses chaussures voler, et regarder la pièce, évacuant doucement les persistances d’une journée comme les autres. Il ira regarder dans son frigo, y piochera un truc à boire, et ira poser ses fesses dans le canapé. Il faudrait décidément qu’il mette des rideaux à ses fenêtres, on voit tout ce qui se passe chez lui. Quelquefois, le matin, il colle presque son nez contre la baie vitrée, un mug à la main, regardant la campagne, avec sûrement dans la tête des idées de voyage, car son corps est toujours tourné vers le sud-est. Peut-être est-ce de là qu’il vient, ou qu’il voudrait aller ? A quoi pense-t-il à ce moment-là ? Pèse-t-il le pour et le contre, fait le point sur tout ce qui le retient et ce qui pourrait le faire partir ? Quelquefois aussi, je vois son bras qui se soulève, et je crois sentir les larmes qu’il essuie du revers de sa main. Nostalgie, regrets, impuissance ? Va savoir. Il me donne vraiment l’impression d’être coincé là. Quelquefois, il disparaît pour deux ou trois jours. Merde ! J’ai pris l’habitude de le voir passer tous les soirs, et je l’avoue, ça me manque. Qu’est-ce que je vais pouvoir observer aujourd’hui s’il n’est pas là ? Comment vais-je remplir ma soirée ? J’en ai marre de tourner en rond, et j’ai faim. Son absence m’empêche même de manger. Alors moi aussi, je colle mon nez à la vitre, vers le sud, vers la chaleur et vers la mer. Comme il doit être agréable de nager dans une eau à perte de vue, où les angles sont remplacés par des arrondis, où la caresse des algues à remplacé les morsures du froid. Pas la peine de souffrir inutilement. Oublions tout ça, je n’y aurai de toute façon jamais droit. Alors, je me console en me disant que lui aussi est coincé. Je me dis que mes pensées l’accompagnent souvent et que même s’il ne le sait pas, cela doit forcément lui faire du bien. Et je pense au jour où il viendra taper à ma vitre, doucement, pour ne pas m’effrayer. Le jour où il aura compris que j’existe et que je partage unp eu de sa vie. Il viendra me parler, quand il aura réalisé qu’il est lui aussi une poupée gigogne enfermée dans un univers bien plus grand que le sien, dont il ne voit que l’intérieur, qu’il n’en verra jamais l’extérieur, et ainsi de suite. Le voilà qui s’approche de moi, enfin ! J’ai peur de lui, je dissimule du mieux que je peux, mais je sais qu’il peut me voir quand même. Et quand les flocons multicolores commencent à passer devant mes yeux, je sors doucement de ma cachette, et remonte lentement vers la surface. Il a pensé à moi par ce geste, et j’en suis heureux. J’absorbe quelques morceaux de la nourriture qu’il me donne. On se regarde quelques instants, et quelques instants aussi, je suis heureux d’être son poisson rouge.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu
nouvelle de 2005 (ou presque)
Publié le 22 mai 2009 par Didier T.Derrière ma vitre, je le vois. Il vient d’ouvrir la porte. Il se glisse chez lui, en espérant que personne ne l’aura vu. Il a laissé sa voiture dans l’allée, mais je suis sûr qu’il aimerait, si son garage n’était pas si encombré, pouvoir y dissimuler sa bagnole, et laissant les volets fermés, personne ne saurait qu’il est là. Mais bon, le petit coin perdu où il vit n’a pas trop pignon sur rue, il peut fermer sa porte, et éventuellement son portable et ne sera pas dérangé plus que ça. Il va poser ses affaires dans l’entrée, jeter sa veste sur une chaise, dénouer ses lacets, envoyer ses chaussures voler, et regarder la pièce, évacuant doucement les persistances d’une journée comme les autres. Il ira regarder dans son frigo, y piochera un truc à boire, et ira poser ses fesses dans le canapé. Il faudrait décidément qu’il mette des rideaux à ses fenêtres, on voit tout ce qui se passe chez lui. Quelquefois, le matin, il colle presque son nez contre la baie vitrée, un mug à la main, regardant la campagne, avec sûrement dans la tête des idées de voyage, car son corps est toujours tourné vers le sud-est. Peut-être est-ce de là qu’il vient, ou qu’il voudrait aller ? A quoi pense-t-il à ce moment-là ? Pèse-t-il le pour et le contre, fait le point sur tout ce qui le retient et ce qui pourrait le faire partir ? Quelquefois aussi, je vois son bras qui se soulève, et je crois sentir les larmes qu’il essuie du revers de sa main. Nostalgie, regrets, impuissance ? Va savoir. Il me donne vraiment l’impression d’être coincé là. Quelquefois, il disparaît pour deux ou trois jours. Merde ! J’ai pris l’habitude de le voir passer tous les soirs, et je l’avoue, ça me manque. Qu’est-ce que je vais pouvoir observer aujourd’hui s’il n’est pas là ? Comment vais-je remplir ma soirée ? J’en ai marre de tourner en rond, et j’ai faim. Son absence m’empêche même de manger. Alors moi aussi, je colle mon nez à la vitre, vers le sud, vers la chaleur et vers la mer. Comme il doit être agréable de nager dans une eau à perte de vue, où les angles sont remplacés par des arrondis, où la caresse des algues à remplacé les morsures du froid. Pas la peine de souffrir inutilement. Oublions tout ça, je n’y aurai de toute façon jamais droit. Alors, je me console en me disant que lui aussi est coincé. Je me dis que mes pensées l’accompagnent souvent et que même s’il ne le sait pas, cela doit forcément lui faire du bien. Et je pense au jour où il viendra taper à ma vitre, doucement, pour ne pas m’effrayer. Le jour où il aura compris que j’existe et que je partage unp eu de sa vie. Il viendra me parler, quand il aura réalisé qu’il est lui aussi une poupée gigogne enfermée dans un univers bien plus grand que le sien, dont il ne voit que l’intérieur, qu’il n’en verra jamais l’extérieur, et ainsi de suite. Le voilà qui s’approche de moi, enfin ! J’ai peur de lui, je dissimule du mieux que je peux, mais je sais qu’il peut me voir quand même. Et quand les flocons multicolores commencent à passer devant mes yeux, je sors doucement de ma cachette, et remonte lentement vers la surface. Il a pensé à moi par ce geste, et j’en suis heureux. J’absorbe quelques morceaux de la nourriture qu’il me donne. On se regarde quelques instants, et quelques instants aussi, je suis heureux d’être son poisson rouge.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu