Certaines des méthodes citées peuvent paraître étonnantes ou faire rire car aujourd'hui il n'y a rien de plus facile que de se procurer un moyen contraceptif (négation du latin conceptio, « action de contenir, de renfermer »), mais ces femmes, ces familles, ont bel et bien dû passer par ces méthodes pour essayer de contrôler le nombre de naissance. La quantité de moyens utilisés, certains fort compliqués voire dangereux, montre d'autre part l'importance du phénomène de la limitation des enfants de la famille, si lourd de conséquences. Que ce soit lors d'amours clandestines, précoces, interdites par la famille ou la religion, ou encore dans le cas de familles où chaque enfant supplémentaire mettait en péril la survie de la fratrie, la limitation des naissances est apparue à un très grand nombre d'êtres humains comme une absolue nécessité. Enfin, même si elle allait à l'encontre du commandement divin « croissez et multipliez-vous », elle constituait un pis-aller acceptable à l'avortement (du latin abortare « ne pas réussir, échouer ») ou même l'infanticide.
Le coït interrompu (du latin coitus, « action de se joindre, de se réunir ») est le moyen contraceptif le plus anciennement connu, avec la fellation (du latin fellare, « sucer, téter ») et la sodomie. Il s'agit du plus vieux moyen mentionné et sans doute le plus répandu, dès que fut fait le lien entre l'acte sexuel (peut-être d'après secus, à rapprocher de secare, « ce qui vient faire coupure ») et la conception. La pratique d'un coït non conventionnel a été une variante de l'abstinence, souvent tue, mais fréquemment pratiquée. Les Sages d'Israël condamnèrent vigoureusement l’onanisme, passible de la peine de mort en tant qu’outrage au Créateur (traité Nidda 13b, où l'épisode d'Onan est cité afin de proscrire aussi bien la masturbation que le coït interrompu).
Second fils de Juda, frère d’Er, Onan doit, selon les coutumes du lévirat (que Juda est donc le premier personnage biblique à appliquer) prendre pour épouse Tamar, la femme d'Er, à la mort de celui-ci, Er n'ayant pas fait d'enfant, afin de prolonger la famille, la descendance. Onan refuse, préférant « laisser sa semence se perdre dans la terre » (le récit issu de la Genèse -- Vayeshev, ne dit pas comment) plutôt que d’ « incester » (du latin incestus, « sacrilège ») sa belle-sœur, et est frappé de mort par Yahweh. Dans le « crime d’Onan » (interprété comme étant le retrait ou coïtus interruptus), aboutissant à empêcher la conception car la « semence est jetée à terre » (la conception étant le début de la vie, Onan empêchait ainsi la vie), la charge principale reste la violation des lois du lévirat (type particulier de mariage où une veuve épouse le frère du défunt, afin de poursuivre la lignée de ce dernier – les enfants issus de ce remariage ont le même statut que les enfants du premier mari – ; cette pratique, souvent forcée et combinée avec la polygamie, est rétrograde, limitant les droits des femmes et maintenant l'idée qu’une veuve fait partie de l'héritage), qui est une loi divine, alors que ni la masturbation ni le coïtus interruptus ne sont expressément condamnés par les Écritures.
On dit que les premiers préservatifs masculins seraient égyptiens, confectionnés avec des intestins de petits animaux (chats...). Ainsi, le préservatif serait né vers -4 000 ans (comme nous le montre une statuette d’un Égyptien muni d’un « étui »), les soldats égyptiens souhaitant se protéger des maladies vénériennes à l'aide de boyaux de mouton ou de vessie de porc. Au cours de la XIXè dynastie (-1 350/-1 200), le « préservatif » en lin était destiné à se protéger des maladies, comme nous le montre l’illustration d'un « fourreau Égyptien non contraceptif », utilisé par les chefs de tribu en tant que protection contre les infections, blessures et morsures d'insectes. D’ailleurs, des fresques ornant différents tombeaux du temple de Karnak, bâti au cours de la XIXè dynastie, représentent un homme dont l'extrémité du sexe est recouverte d'un petit capuchon. De même, le sexe de certaines momies était enfermé dans de solides pochons leur assurant protection au royaume des morts. Il ne s'agissait sans doute pas là de préservatifs mais plutôt d'étuis protecteurs comme en utilisent encore les hommes de certaines tribus primitives pour se garantir des branches épineuses ou d'éventuelles piqûres d'insectes. Il faut d’ailleurs rappelé que lorsqu’Osiris, le dieu du royaume des Morts, fut mis en pièce par son frère Seth, seul son sexe ne fut pas retrouvé car avalé par un poisson. Heureusement, sa sœur et femme Isis lui en fabriqua un en terre. Par la suite, le préservatif devint aussi un moyen de contraception, qu'il soit en papier de soie huilé, en soie ou en velours.
Il n'y a pas vraiment de lois qui interdisent la contraception avant le XXè siècle. Plusieurs témoignages laisseraient entendre qu'il est probable que la limitation des naissances à d'abord dû être systématisée chez ceux et celles qui ne souhaitaient pas officialiser leur liaison. Cette limitation est aussi un problème de couple, c'est à dire que le danger de la grossesse ou l'impossibilité d'entretenir une famille nombreuse, pouvait la justifier. Quoi qu'il en soit, elle a très probablement toujours existé. Seul le moyen choisi pour éviter cette charge a varié. On peut soupçonner la contraception d'occuper la dernière place dans l'ordre des pratiques utilisées.
Selon certains, Ramsès aurait fait distribuer à la population des contraceptifs pour limiter la surpopulation et les risques de famine. Dans l'Égypte antique, le papyrus de Kahum qui traite de gynécologie et date de -1 900, prescrit du natron (c'est-à-dire du carbonate de sodium liquide ou des cristaux de soude) associé à des larmes de crocodile comme spermicide. Le papyrus d'Ebers (-1 500) recommande quant à lui des compresses contenant de la gomme d'acacia (les physiologistes modernes ont montré qu'en fermentant elle produit de l'acide lactique, inhibiteur de la migration des spermatozoïdes vers les trompes), des tampons de miel, du crottin de crocodile, ainsi que de nombreux breuvages issus de plantes censées contenir des éléments stérilisants comme l’aubépine (depuis l'Antiquité, l'aubépine symbolise l'innocence et la pureté virginale puisqu’on dit que la foudre – symbole du feu sexuel – ne l'atteint jamais ; autrefois, on employait les fruits comme astringent crispant les muqueuses et aidant les fausses-couches), le lierre (le lierre terrestre est astringent), le saule peuplier, ….
Il est clair que le stérilet n'existait pas comme tel. Il n'empêche que de nombreux objets ont été placés dans la matrice à cet effet, apparemment comme talisman, mais peut-être dans le même esprit que les stérilets actuels. Les nomades du désert saharien connaissaient en effet depuis longtemps l'action contraceptive d'un objet introduit dans la matrice des chamelles.
Ainsi, chez les Mésopotamiens (-1 600), les femmes utilisaient des pierres pour ne pas concevoir. Elles choisissaient des pierres ovales ou arrondies qu'elles introduisaient dans le vagin, le plus loin possible : c'est la méthode intra-utérine. De leur côté, les Araméennes de confession hébraïque utilisaient, sur le conseil du rabbin (IIè siècle), le moukh, une éponge placée dans le vagin qui empêche le sperme d'atteindre l'utérus.
En Occident, vers -1 500, le roi de Crète Minos aurait utilisé un sachet en vessie de chèvre comme préservatif. Vers le -Ier siècle, les Romains aussi connaissaient une forme de condom, fabriqué à partir d'intestins ou de vessies d'animaux.
Abondamment représenté sur les vases peints de l’époque, le coït inter-crural était une forme commune de sexualité dans la Grèce antique dans le cadre des relations pédérastiques entre un éraste (amant) et son éromène (aimé). Selon la représentation la plus commune des vases (ils ne décrivent cette position qu’entre personnes de même âge, cômastes – participants ivres d’un banquet – ou satyres ; en revanche, les graffitis pornographiques, la comédie attique et la poésie hellénistique ne décrivent que la sodomie et n’évoquent jamais le coït inter-crural), l’éraste étreint le torse de l’éromène, ploie les genoux, courbe la tête et insère son pénis entre les cuisses de l'éromène, sous le scrotum. L’importance relative de cette pratique par rapport à celle de la sodomie est difficile à évaluer (elle est également pratique pour les homosexuels ne souhaitant pas de rapport anal). On parle également de stimulation inter-fémorale au cours de laquelle la stimulation sexuelle masculine est obtenue en enserrant le pénis entre les cuisses de son ou de sa partenaire, simulant une pénétration vaginale. Proche d’une position en levrette, mais généralement avec le buste féminin plutôt relevé pour permettre les caresses, l’homme, jambes placées de part et d’autre de celle de sa compagne, place son pénis entre les cuisses doucement serrées de sa partenaire et procède à un simulacre de coït sans pénétration vaginale. Sur la position de base, au lieu de relever son buste, la femme peut rester en position de levrette. Le sexe pourra alors frotter la zone des lèvres et du clitoris. Si les partenaires le souhaitent et à condition qu’ils fassent attention, cette position évite tout contact entre les organes génitaux, ainsi que le contact entre le sexe féminin et le sperme (les sécrétions vaginales auront bien sûr tendance à s’écouler sur le sexe masculin). Elle est censée procurer à l’homme des sensations équivalentes à une pénétration vaginale. La femme, elle, ne bénéficie que des caresses de son partenaire. Si le pénis est placé suffisamment haut, il peut stimuler les lèvres de la compagne. Il existe une variante où la femme est au-dessus de son partenaire allongé. Le frottement peut alors être obtenu en serrant les cuisses (assez difficile car les pieds sont de part et d’autre de l’homme) ou en utilisant une main pour plaquer le sexe contre son ventre (auquel cas elle peut faire face ou non à son partenaire). Cette dernière variante a une variante qui consiste à faire passer le sexe non pas devant mais derrière et à le plaquer entre les fesses de la partenaire (qui est alors située au niveau du ventre et non plus des cuisses et qui fait de préférence face à l’homme). Avec les autres méthodes mécaniques de contraception, c'est un des moyens les plus simples et les plus sûrs d'éviter la grossesse. De nos jours, elle est pratiquée en vue d’éviter la pénétration, pour des raisons religieuses (virginité, pratique non-interdite explicitement par la Bible, notamment dans les chapitres 18 et 20 du Lévitique traitant des interdits sexuels), pratique (réduction du risque de grossesse et de MST).
Le premier souci du couple romain était d'avoir des enfants et d'assurer sa descendance. C'est des enfants que dépendait la préservation de la famille, des biens, la perpétuation du nom, la conclusion d'alliances familiales, l'entretien des parents âgés et l'exécution des rites funéraires après leur décès. Il était si important d'avoir des héritiers que les Romains toléraient toute une gamme d'étranges arrangements conjugaux afin d'en obtenir. Le stoïcien Musonius Rufus montra la voie, en condamnant l'égoïsme qui jusque-là avait marqué la stratégie conjugale. Les empereurs, affirma Musonius Rufus, avaient déjà tenté de promouvoir une telle situation : « Pour cette raison, ils leur interdisaient d'utiliser des contraceptifs et de prévenir la grossesse. Ils récompensaient tout à la fois le mari et la femme qui avaient des familles nombreuses et punissaient l'absence d'enfant ». Les lois romaines reflétaient l'intérêt que l'on portait à la fécondité : en -59, Jules César institua la distribution de terres aux pères de trois enfants ou plus ; on accordait aux pères des privilèges politiques ; les mères de trois enfants ou plus échappaient à la tutelle du mari. Seuls les nantis étaient touchés par les décrets limitant les droits des célibataires et des ménages sans enfant à faire des testaments ou des legs.
Le second souci des couples était de ne pas avoir trop d’enfants. Les Grecs et les Romains utilisaient l'avortement et l'infanticide en cas d'échec des drogues et des amulettes. Les femmes qui ne veulent pas élever l'enfant qu'elles ont mis au monde ont toujours créé un problème pour la société. La question de l'abandon des enfants dès la naissance s'est posée tout au long de l'histoire. Au temps où la contraception ne disposait pas de méthodes efficaces, l'avortement et l'infanticide étaient des pratiques fréquentes, malgré une forte répression (pour autant, ils n'ont pas disparu d'un seul coup avec le triomphe du christianisme et les invasions barbares). De tout temps, il y eut des enfants abandonnés, sitôt nés, par leur géniteur. On connaît l'abandon ordonné par la Cité de Sparte, des enfants considérés comme fragiles, malformés, susceptibles d'être à charge de la société. Il s'agissait là, en fait d'une forme d'infanticide. La plupart des femmes romaines partageaient sans doute l'opinion de Soranos selon laquelle « il est bien préférable de ne pas concevoir que de détruire l'embryon ». Des écrits de l'Antiquité préconisaient aux femmes de sauter plusieurs fois après la relation sexuelle afin de faire sortir un produit composé de glaire et de sperme, évitant ainsi la fécondation. Au IIè siècle, le médecin Soranos d’Éphèse a rassemblé une masse d’informations sur la contraception et a décrit la pratique de l'avortement. La comparaison de la fécondité des femmes mettant leurs enfants en nourrice et de celle allaitant elles-mêmes a pu donner l'idée d'une pratique contraceptive simple donnant lieu à la coutume de l'allaitement tardif (en complément du fait que l'alimentation naturelle était la seule protection efficace face aux intoxications alimentaires à une époque où la stérilisation était inconnue). Soranos proposait également l'emploi de pessaires (instrument dont on se sert dans le traitement de certaines affections de la matrice, et par extension obturateur du col de l'utérus dont les femmes se servaient dans la contraception : pessaire utérin, dit pessaire de fond) reliés à l'extérieur par une fine cordelette, des tampons de charpie (matière à panser, amas de petits fils tirés d’une toile usée que l’on a coupée en morceaux) servant de préservatif mécanique pour la femme destiné à resserrer le col de l’utérus pour empêcher le sperme de s’y introduire et de pénétrer ensuite la matrice. C’est le cas d'un tampon qui empêche l'ascension du sperme, en parlant des éponges du Levant, réputées pour leur souplesse et leurs capacités d'absorption (ces éponges, dénommées « mignonnettes », étaient toujours utilisés au XXè siècle). Conscient des limites du dispositif, il envisageait de doubler la barrière physique d'un dispositif chimique mélangeant gomme, miel et céruse (du carbonate de plomb). Les Romains ajoutèrent à cette panoplie des douches vaginales acides à base d’eau de mer ou de vinaigre. Dans la Rome antique, il était populaire d'utiliser un demi-citron, pressé dans le vagin, comme pratique contraceptive.
Mais si la contraception échouait, les femmes pouvaient tenter de se faire avorter. Aucune loi ne l'autorisait, mais elles bénéficiaient d'un vide juridique et de l'assentiment de la communauté qui leur reconnaissait le privilège de prendre des mesures défensives. L'attitude qu'on a eue, dans l'Histoire, envers l'avortement dépend notamment du regard que l'on portait sur l'embryon : s'agissait-il déjà d'un être humain, oui ou non ? Selon que l'on plaçait les débuts de la vie humaine (et pour les Chrétiens, l'apparition de l'âme) à la conception ou à tel ou tel moment du développement embryonnaire, on acceptait ou condamnait l'acte comme crime. La pratique de l'avortement était déjà répandue dans l'Antiquité comme méthode de contrôle des naissances mais les Grecs plaçaient généralement l' « animation » vers le 40è jour pour les garçons et le 80è pour les filles. Avant ces étapes, il ne s'agissait donc pas d'une atteinte à la vie humaine. Au-delà, l’avortement pouvait être considéré comme un crime contre « l'ordre des familles et de la moralité publique ».
Hippocrate savait que la racine du lacet (une carotte sauvage) prévient de la grossesse et y met un terme. Cet abortif a été utilisé jusqu'au XVIè siècle et l'est encore dans certaines parties des États-Unis. En 1986, on lui a découvert un pouvoir bloquant de la production de progestérone et on a ainsi mis au point la « pilule du lendemain ». Celle-ci permet (moins de 72 heures après un rapport non protégé) d’éviter la nidation par l’apport de doses élevées d’hormones (à ne pas confondre avec la pilule abortive RU486, utilisée pour l’interruption précoce de grossesse).
Dès la Genèse, Dieu donne l'ordre à Adam et Ève de peupler la terre : « croissez et multipliez-vous », même si, après le péché, cela vient se combiner avec la terrible malédiction : « tu enfanteras dans la douleur ». À l'arrivée du christianisme, l'Église chrétienne imposait l'abstinence comme seul moyen de contraception, et encouragea toujours actuellement ce mode de contraception à ses adeptes. Les premiers chrétiens condamnèrent tout contrôle de la fécondité qui permettait le plaisir mais empêchait la procréation.
Ainsi au Vè siècle déjà, Saint Augustin jugea sévèrement tout recours délibéré à une méthode visant à prévenir la conception. Le concubinus masculinus (coït inter-crural, entre les cuisses) suscita ainsi, depuis le haut Moyen Age, les foudres ecclésiastiques. C'étaient surtout les femmes que visaient les condamnations chrétiennes du contrôle de la fécondité. La plupart des chrétiens n'étaient pas hostiles aux enfants (l'Église se vantait d’ailleurs d'être la seule à s'opposer à l'abandon et à l'infanticide : dès le début du moyen âge, l'Église essaie d'éviter l'infanticide en encourageant précisément l'abandon ; de manière générale, les enfants illégitimes sont abandonnés dès la naissance, les enfants nés de famille pauvre peuvent l'être plus tard, quand les parents se rendent compte de l'impossibilité qu'ils ont à les élever, tel le Petit Poucet), ce qui les poussait ainsi à qualifier de « meurtre » la contraception. De même, dès le début du Moyen-âge (aux IVè, Vè, VIè, VIIè siècle ), plusieurs synodes (assemblées d'évêques) condamnèrent l'avortement comme crime, à l'instar de l'homicide, déclarant qu'il mérite donc la même sanction, c'est-à-dire la plupart du temps la peine de mort. En fait, la Bible ne dit explicitement rien sur ce sujet, même si un théologien comme Thomas d'Aquin situait le moment de la réception de l’âme au 40è jour (comme les Grecs).
Avortement et contraception furent considérés, par les premiers chrétiens, comme des pratiques similaires, à savoir des tentatives pour profiter des plaisirs du sexe, sans engendrer d'enfant. Ainsi, le préservatif fut interdit à plusieurs reprises car accusé de favoriser la débauche. L'Église romaine a toujours condamné tout acte conjugal volontairement amputé de sa vertu procréatrice : si le plaisir sans procréation est condamné, l'abstinence est glorifiée par les tenants de cette religion. Cette méthode contraceptive s'accompagne, en effet, selon eux, de valeurs jugées positives, enseignées par l'Église après le concile de Trente (XVIè siècle) : le sens de la responsabilité et la maîtrise de soi, l'amour conjugal qui peut amener un mari à vouloir éviter à son épouse des grossesses répétées, l'attachement à l'égard des enfants que l'on pourra élever avec d'autant plus de soin qu'ils seront moins nombreux (bien que la contraception permette d'arriver au même résultat).
Toutefois, l’onanisme (ou coït interrompu), apparaît, dès cette époque, comme une pratique courante chez les jeunes couples. Les commentateurs catholiques médiévaux interprétèrent alors l'intervention divine contre Onan comme une condamnation de la masturbation et/ou de la contraception, et toutes leurs interprétations s'attachèrent à condamner encore plus ce dernier point. Sévèrement réprimé à cause de l’accord qui liait les deux partenaires, un jeûne de deux à dix ans pouvait être infligé aux couples onanistes, même si (l’ensemble des moralistes se ralliant à cette position qui ménageait la clientèle féminine) les religieux absolvaient l’épouse qui ne faisait que subir le retrait du mari (« L’onanisme est d’abord faute masculine »). La copulation anale et la fellation, considérées comme une recherche de contraception délibérée, étaient le plus lourdement sanctionnées par trois à quinze ans de pénitence. Mais ces fautes apparaissaient moins graves aux yeux de l’Église qu’un avortement pratiqué après quarante jours, laps de temps considéré comme nécessaire au fœtus pour l’obtention d’une âme. La distinction entre avortement et stérilité disparut au profit d'un concept unique, celui de la « non-naissance ».
Les Pénitentiels (documents juridiques) du VIIè au IXè siècle n'ignoraient pas les pratiques contraceptives, énumérées parmi les perversions sexuelles. Les hommes par contre ne pratiquaient pas les techniques aujourd'hui familières, soit qu'ils les ignoraient tout à fait, soit qu'ils les connus à peine, comme des curiosités indifférentes, parce que les conditions sociologiques du temps ne leur permettaient pas de les intégrer à leur univers mental (c'est l'impensabilité). Il s'agit en fait d'une survivance scripturaire des mœurs du Bas-Empire, époque où il est indiscutable que, au moins dans les milieux urbains ou riches, la contraception était connue et pratiquée.
La magie restait importante dans les pratiques contraceptives, essentiellement sous forme de talisman. En marge de la magie médicale, il y a d'abord les sorciers, ceux qui utilisent non les « vertus occultes » des éléments naturels, mais les pouvoirs octroyés par les esprits du mal. Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, « maléfices » et « poisons » étaient le plus souvent condamnés de concert : les sorciers préparaient des breuvages de stérilité qui conduisaient fréquemment à la mort de l'utilisatrice. La méfiance contre ces breuvages s'émoussant au fur et à mesure que se reconstituait la science médicale, leurs pouvoirs furent de moins en moins associés aux poisons et de plus en plus aux « sorts », aux « maléfices » jetés sur un lieu ou sur une personne et matérialisés par des rites démoniaques.
Il y a en second lieu les superstitions populaires, où l'on peut parfois reconnaître la lointaine descendance du paganisme. Les femmes qui voulaient empêcher la conception et l'accouchement se livraient à toutes sortes de sortilèges. Par exemple lorsqu'elles sont assises ou couchées, les femmes posent sous elles quelques doigts, croyant se libérer de la conception autant d'années qu'elles posent des doigts sous elles. Une pratique élémentaire, liée aux multiples croyances sur le pouvoir des doigts, qui peuvent selon les gestes jeter ou délier des sorts. Le second procédé rappelle l'ancien culte des arbres. La femme doit récolter ses fleurs (les menstrues) et en oindre un sureau (fréquemment associé à la fécondité) en lui disant : « Porta tu pro me, ego floream per te » ; Toi, porte pour moi (des fruits, l'enfant), moi, je fleurirai pour toi (par les menstrues). Cependant c'est l'arbre qui fleurit et la femme qui accouche dans la douleur. Les règles, dans le même but, pourront être jetées au loin, données à manger à un porcelet, à un chien ou à un poisson. Symboliquement, il s'agit de détruire les fleurs pour ne pas porter le fruit.
Le troisième volet de la magie, celle qui tâche de se fondre avec la médecine, prête ses grimoires aux grands noms de la science et mêle à ses charmes d'authentiques expériences physiques ou médicales. Certains faisaient grand usage d’ingrédients répugnants qui étaient traditionnellement associés à ces mages en bonnet pointu et à ces sorcières à verrues. Pour ne pas concevoir pendant un an, on pouvait ainsi cracher trois fois dans la bouche d'une grenouille ou lier à une racine de marjolaine (elle a des propriétés anaphrodisiaques : c'est une substance qui calme, voire inhibe, les désirs sexuels) l'œil d'un cerf qui louche et l'arroser, le soir venu, de l'urine d'un taureau roux. La plupart de ces recettes semblent originales, et certaines remontent aux médecins antiques, telle la dent d'un enfant que l'on recueille avant qu'elle ne tombe à terre. Ces pratiques s’apparentent bien évidemment à un « art occulte » et non à une superstition populaire. Certaines, cependant, ont connu un grand succès et se retrouvent à tous les niveaux culturels. Tel est le cas du testicule de belette, venu de la magie orientale à l'époque impériale, et que l'on rencontre dans des livres de médecine, dans des réceptaires (livre de recettes) plus populaires, et dont on suit les avatars dans le folklore du XVIè au XIXè. La recette, au départ, est imprégnée d'astrologie et de magie sympathique. Le testicule doit être coupé lorsque la lune est décroissante, il ne faut conserver que le gauche (le droit étant fécondant), laisser partir la belette vivante (pour qu'elle emporte la fécondité), lier l'organe dans une peau de mule (animal stérile) sur laquelle on aura écrit une formule magique. A l'arrivée, il ne reste plus que des testicules, sans distinction de côté, pendus au cou de la femme. Seule concession à l'origine magique : la belette laissée vivante.
Dernier stade de la magie contraceptive : celle qui est approuvée par la médecine officielle. Outre les talismans (tel le fait de placer sur la vulve de la fiente d’éléphant mélangée à du lait de jument portée en talisman), dont le statut est ambigu, on y trouve une foule de pratiques héritées de l'antiquité, et que l'on qualifierait plus volontiers de trucs que de recettes. Ainsi, l'eau dans laquelle le forgeron trempe le fer porté au rouge constitue-t-elle, depuis Aetius (Vè siècle), une boisson contraceptive. Ainsi que le trognon de chou enflammé et éteint dans le sang menstruel, ou des graines de muscade plongées dans les menstrues, mais ensuite lavées et bues dans du vin. Les menstrues d'autres femmes, également, ont depuis l'Antiquité un pouvoir stérilisant, qu'il suffise de les enjamber ou qu'il faille s'en oindre. Parmi les ingrédients contraceptifs utilisés par la magie médicale, une place importante était attribuée aux animaux stériles. Il peut s'agir de stérilité accidentelle (par exemple fœtus fossilisé) ou de stérilité naturelle comme chez les espèces hybrides (par exemple la mule : faire une ceinture avec les poils des oreilles de mulet ou boire son urine). On faisait ainsi, avec une partie de leurs corps, des talismans. Il y a aussi les nombreuses substances d'origine animale ou minérale qui ont été invoquées pour interrompre, temporairement ou définitivement, la fécondité. Mais ce sont ici encore les remèdes d'origine végétale qui fournissent les fonds de la pharmacologie, avec une cinquantaine de substances administrées par voie orale (aliments ou breuvages) ou en topique (pessaires ou suppositoires imprégnés du produit, onctions, fumigations). Si certaines herbes peuvent avoir une relative efficacité, c'est surtout du côté du symbolisme qu'il faut chercher l'origine de leur emploi (pouvoir symbolique de certaines plantes). La contraception représente au Moyen Age un total de deux cent quarante recettes dont cent vingt cinq différentes. Au XVIIè siècle, l’imprimerie permit la vulgarisation de traités de botanique dans lesquels on trouvait de quoi confectionner potions et tisanes contraceptives à base de plantes, ainsi que des lotions à appliquer sur les parties génitales. On expérimentera également, à cette époque, différentes injections intra-vaginales.
Les théologiens du IXè et XIVè siècle ignoraient les pratiques signalées par les Pénitentiels des siècles passés. Le silence de la scolastique étonne, parce que c'est justement alors que se précise une conception rigoureuse de la finalité reproductrice de l'acte sexuel. Saint Thomas a d'ailleurs dû insister sur la légitimité des rapports sexuels pendant les périodes stériles de la femme, parce que d'autres moralistes, plus rigoureux, les condamnaient. Dans un tel climat philosophique, comment admettre qu'il n'ait pas fait un sort aux idées anticonceptionnelles, si elles avaient existé ?
Dans la Divine Comédie de Dante, les luxurieux (du latin luxuria, « exubérance, excès ; somptuosité, profusion » lui-même dérivé de luxus : ceux qui pratiquent l’« abandon déréglé aux plaisirs sexuels ») occupent les premiers cercles de l'Enfer, les plus bénins, et le péché de la chair n'est pas le plus horrible. Aussi, les sodomites ne sont-ils pas associés aux luxurieux, mais ils partagent les peines, beaucoup plus cruelles, des fraudeurs, pour avoir détourné la création du but assigné par Dieu : ils ont trahi Dieu. Toutefois, parmi ces trompeurs de Dieu, on cherchera vainement Onan et ses disciples. Tout se passe comme si Dante n'avait pas eu l'idée que la contraception fût possible, au moins dans le monde concret où il vivait.
À partir du XVIè siècle, le silence sur la contraception n'est plus aussi complet, chose d'autant plus remarquable que la langue, voire aussi les mœurs, sont très libres et, au moins au XVIè siècle, ne reculent devant aucune licence (du latin licentia, « faculté, pouvoir de faire librement quelque chose : « liberté exagérée, dérèglement des mœurs »). En 1546, le Livre de la Police humaine, de Gille d'Aurigny, développe un chapitre consacré à l' « enseignement pour les femmes grosses ». L'auteur invoque l'autorité d'Hippocrate concernant une pratique abortive (le fait de sauter pendant sept jours pour évacuer la semence), entreprise à la suite de l'échec d'une pratique anticonceptionnelle. Elle est d'ailleurs présentée à l'appui d'une hygiène de la grossesse, sachant que l'initiative revient à la femme. Cependant l'auteur poursuit : « Je laisse ici beaucoup d'autres abus qui se commettent par l'acte vénérien, qui seraient trop sales à exprimer, par lesquels les enfants n'ont point de vie, et par quoi aussi se produisent monstres très vilains et abominables ». Les pratiques abortives et contraceptives sont ainsi confondues avec les « abus » de la « perversité sexuelle ». Chez Brantôme, un médecin marron distribue à sa clientèle féminine « des antidotes pour engarder d'engrosser, car c'est ce que les filles craignent le plus », les filles non mariées exclusivement, et cette réserve est très importante. « Des experts leur donnent des drogues qui les engardent très bien d'engrosser, ou bien si elles engrossent, leur font écouler leur grosse si subtilement et sagement que jamais on ne s'en aperçoit et n'en sent on rien que le vent ». La stérilité est désirée par la femme et associée à l'avortement : on ne distingue pas alors entre les potions stérilisantes et les drogues abortives. Brantôme cite à la suite le cas d'une fille enceinte qui « rencontra un subtil apothicaire qui, lui ayant donné un breuvage, lui fit évader son fruit, qui avait déjà six mois, pièce par pièce, morceau par morceau, si aisément qu'étant à ses affaires, jamais elle n'en sentit n'y mal ni douleur ». Après son avortement, la fille « se maria galantement sans que le mari y connut aucune trace. Quel habile médecin ! car on leur donne des remèdes pour se faire paraître vierge et pucelle (de purulus : « propret, sans tache, pur ») comme devant ». Nous retrouvons ici le thème, classique dans la littérature française, de la virginité raccommodée. Brantôme passe ici facilement d'un « antidote pour engarder d'engrosser » à un avortement de six mois. C'est la même confusion qu'on remarque chez Montaigne, quand il oppose à la vertueuse femme de Sabinus « tant de garces qui dérobent tous les jours leurs enfants en la génération comme en la conception ». Si ces anecdotes disent assez peu sur les mœurs vécues, elles renseignent sur le folklore sexuel de ce temps. Il suffit de comparer la rareté des allusions contraceptives au thème du préservatif dans le folklore sexuel contemporain. Toujours est-il qu'il ne s'agit pas ici de « garce » comme chez Montaigne : la pratique contraceptive ou abortive intéresse seulement parce qu'elle corse le cas classique du mari trompé pas sa femme ou sa fiancée. On reste dans le monde fermé des filles non mariées.
Les hommes ignorent ce souci. Dans le livre Francion où Charles Sorel imagine l'entrevue galante d'un brillant seigneur, Cleronte, et d'une bourgeoise mariée, dont il est amoureux, le texte est l'un des premiers où la femme explique à l'homme sa crainte de la conception illégitime. Et l'homme répond en proposant d'élever le bâtard. C'est évidemment un autre monde de mœurs que le nôtre, où le recours à la contraception est plus familier. Mais ce n'est pas un monde chrétien que celui où la bâtardise est ainsi acceptée par les mœurs. En tout cas, l'homme n'a absolument pas le réflexe contraceptif qui, au contraire, n'est pas tout à fait étranger à la femme. Il existe ainsi quelques textes au XVIè siècle qui font allusion à des procédés contraceptifs ou à une répugnance à la conception. Mais ces textes sont rares. Ils n'indiquent jamais une fuite devant de trop nombreuses naissances. Ils ne mettent en scène que la femme, et la collaboration ou la complicité de l'homme demeurent inconnues. Étant donné qu'il y a confusion entre la contraception et l'avortement, il s'agit de mœurs spéciales aux milieux galants, « garces » ou « finettes ».
La répugnance à la grossesse a assez tôt gagné au-delà des milieux galants ou légers. Elle est cependant toujours restée un sentiment exclusivement féminin : nombre de femmes étaient mariées vers douze ans puis commençaient vers quatorze ans un cycle d'une quinzaine de maternités, dont les premières se suivaient souvent à un an d'intervalle et les dernières mettaient en péril la vie de la mère pondeuse. On peut alors se demander si la répugnance aux naissances répétées n'a pas été d'abord un sentiment féminin, exclusivement féminin, inconnu et ignoré des hommes.
Au XVIIè siècle, l'abandon des enfants constitue un véritable fléau dans la société française. L'acte consiste principalement à exposer son enfant dans un lieu public comme, par exemple, une église. La cause principale reste l'illégitimité. Quand l'enfant naissait hors mariage, il était considéré comme un « bâtard » (rattaché à la racine i.-e. *bhendh- « lier », décliné en frison germanique « union conjugale » qui donna « mariage avec une seconde femme de rang plus bas », la nuance péjorative étant due à la condamnation de la polygamie germanique par la morale chrétienne). En France, une ordonnance de Louis XIII, datant de 1639, ordonne que tous les enfants nés hors mariage soient frappés d'indignité, d'incapacité totale de succession, ce qui revient à les exclure de la famille. C'est principalement la noblesse et la bourgeoisie qui recourront à cette décision d’abandon. Les jeunes filles célibataires abandonnaient leur enfant à cause de leur faible revenu mais aussi en raison de leur difficulté à affronter la honte de l'éducation d'un bébé né « hors normes ». Que ce soit le père ou l'employeur, quand il découvrait la grossesse, la réaction était bien souvent la colère et l'expulsion. Il y avait également des enfants légitimes dont les parents étaient incapables d'assurer l'existence : accoucher à l'hôpital et y laisser l'enfant était alors le seul moyen de fuir la famine et la mort. L'Église a joué un très grand rôle dans les abandons d'enfants car elle condamnait tout acte contraceptif et tout avortement. Tant que le christianisme domine l'ensemble de la société et détermine les normes morales, la position sur l’avortement reste inchangée. Ainsi, en 1687, Bossuet souligne que « vouloir éviter d'avoir des enfants est un crime abominable ». Ces techniques étaient considérées comme des actes totalement condamnables. Charles Quint comme Louis XIV condamnent l’avortement comme crime : les femmes qui avortaient étaient condamnées à la peine de mort, de même que les personnes qui les avaient aidées. Au XVIIIè siècle, la peine de mort fut remplacée par la réclusion de vingt années pour l'avorteur(se). Or, c'est justement à la fin de l'époque de Louis XIV que nous relevons des indices d'une répugnance aux maternités trop fréquentes (ou du moins c'est à partir de cette époque que cette répugnance s'exprime sans scandale) : les femmes voulaient rabattre leurs caquets (gloussements particuliers de la poule quand elle va pondre). « Si j'eus le plaisir d'être mère, le mal passe bien le plaisir » : la peur de la maternité s'exprime sans détours, ni scandale. Mais de là à un emploi plus habituel des contraceptifs, le pas est grand et n'a pas été franchi.
Lorsque St François de Sales condamne l'acte d'Onan, il vise moins la fraude et le détournement que le libertinage, ce que l'on note également chez les auteurs galants de cette époque. Il invoque en effet la loi naturelle de la procréation, mais c'est pour interdire toutes les anomalies sexuelles. Même si la procréation est impossible, les rapports amoureux doivent suivre leur cours naturel, et la stérilité ne justifie pas leur perversion. Loin d'être le but recherché, la stérilité paraît alors une excuse à des pratiques sexuelles sans objet contraceptif. Ainsi, le texte de St François de Sales ne diffère-t-il guère des autres textes contemporains qui visent les dépravations sexuelles plutôt qu'un contrôle de la fécondité. Chez les docteurs de l'Islam, le coïtus interruptus est connu, discuté, sans être d'ailleurs condamné avec la rigueur des moralistes catholiques. Or, les pratiques contraceptives, quoique signalées dans la littérature religieuse traditionnelle, demeuraient inconnues des musulmans d'Afrique du Nord (et ce jusqu’au contact du néomalthusianisme européen à Alger au XIXè siècle).
Heureusement, les prostituées retiennent toujours les recettes contraceptives en usage aux époques précédentes. Ainsi, elles utilisaient l'hysope, considérée comme abortive, tout comme à forte dose la sauge, la rue ou l'armoise. L’hysope est un arbrisseau vivace de la famille des Lamiacées, que l'on trouve dans les environnements de type garrigue dans les régions méditerranéennes. L'espèce est citée dans le Nouveau Testament : « Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et, l’ayant fixée à une branche d’hysope, ils l’approchèrent de sa bouche. Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l’esprit ». L'hysope est une plante potagère en tant que plante condimentaire. Elle entre aussi dans la composition de certaines liqueurs, du pastis, de l'eau de mélisse, de l'absinthe suisse. C'est l'un des éléments essentiels de l'élixir de la Grande-Chartreuse, de la bénédictine, de par sa capacité à freiner le processus de vieillissement physique. L'hysope a pu aussi servir d'agent aromatisant lors du brassage de la bière. L’huile essentielle d'hysope est interdite en vente libre car elle est neurotoxique et abortive. Dans le Psaume 51 au verset 9 ; David supplie Dieu : « Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ». Cependant, on retrouve l'huile d'hysope dans une liste d'additifs dans les cigarettes. L'hysope trouvait sa place dans les jardins des simples, jardins de curés et autres jardins médiévaux Très répandu au Moyen Âge, le jardin des simples se retrouvait essentiellement dans les jardins de monastère : jardins de plantes médicinales, les simples étant des « variétés végétales aux vertus médicinales », on y trouvait la plupart des plantes sauvages (que nous appelons aujourd'hui « les mauvaises herbes du jardin »), alors que d’autres faisaient partie du potager comme l'hysope, la sauge, le thym, la mélisse.
Les sauges (nom scientifique : Salvia) sont un genre de plantes de la famille des Lamiacées qui comprend plus de 900 espèces, annuelles, bisannuelles, vivaces ou arbustives. Une dizaine d'entre elles sont indigènes en Europe, la sauge des prés par exemple. Le nom vient du latin salvare, « sauver ». Certaines espèces de sauge, principalement la sauge officinale, possèdent en effet de nombreuses vertus médicinales. Elles étaient considérées au Moyen Âge comme une panacée. Les sommités fleuries et les feuilles de deux espèces principalement, la sauge sclarée (Salvia sclarea) et la sauge officinale (Salvia officinalis), étaient utilisées en infusions et décoctions. Certaines espèces de sauges, comme la Salvia divinorum (connue localement sous des noms divers comme hojas de la pastora ou yerba de María), sont encore employées dans les rites chamaniques de certaines tribus d'Indiens d'Amérique. Bien que considérée comme abortive à forte dose, au XVIè siècle, le botaniste Jacob Tabernae-Montanus racontait que les femmes égyptiennes avaient l'habitude de boire du jus de sauge pour accroître leur fertilité. La plante était également associée à l'immortalité et à la longévité.
La rue officinale (Ruta graveolens L.) est un arbrisseau de la famille des Rutacées, cultivé pour ses feuilles utilisées pour leurs qualités aromatiques et médicinales. Herbe de grâce, elle fut utilisée dès l'Antiquité, notamment chez les Romains, et les Pharisiens payaient la dîme avec de la menthe et de la rue (Saint Luc (XI-42)). Elle figurait dans la liste des plantes potagères recommandées dans le capitulaire De Villis (liste des plantes cultivées dans les jardins de monastère sous Charlemagne) en tant que répulsif pour les insectes, notamment les puces et les pucerons. Elle a pourtant la réputation d'être abortive, ce pourquoi sa culture a été interdite par une loi de 1921 : le simple fait d'écrire qu'elle « faisait passer les enfants indésirables » était passible de poursuites ! Elle est toxique à forte dose, et pour exemple la fille de Titus serait morte après en avoir consommée.
Il aura fallu attendre le XVIè siècle pour voir apparaître la première capote [du latin caput (« tête ») : originellement un grand vêtement de dessus auquel était adapté un capuchon que portaient les soldats pour se garantir du froid et de la pluie, également une coiffe de femme qui était faite ordinairement en étoffe ; capai « mettre sous cape, cacher, se coucher », faire/rendre quelqu’un capot signifiait également le battre au jeu en faisant toutes les levées : le joueur qui n'a fait aucune levée au jeu est dans un grand embarras comme si on lui avait mis un capot sur la tête] à base d'herbes, inventée par Gabriele Falloppio. Si la première mention récente et attestée date en Europe du XIIIè siècle (en pleine Inquisition, Ralf Konig montre des préservatifs dans des dessins), l'existence du préservatif se précise autour du Xè siècle en Asie. Les Chinois optèrent pour le papier de soie huilée et les Japonais connaissaient sous le nom de Kabuta-gata, des accessoires fabriqués en écailles de tortues ou en cuir que l'on rangeait dans des « boîtes joyeuses ». Ces préservatifs pouvaient, grâce à leur rigidité, servir tout aussi bien de godemichés.
En 1564, le médecin anatomiste italien Fallope (le même qui découvrit les trompes ovariennes du même nom) écrivit le livre « De morbo gallico » (« la maladie gauloise ») consacré à la syphilis (notre mal génois à nous, comme quoi tout le monde se renvoyait la balle concernant l’origine de cette terrible maladie vénérienne). Dans un chapitre intitulé « La carie française » (autre nom de la maladie), il parle d’un fourreau de lin « à la mesure du gland » imbibé de décoctions d’herbes : « Seulement lorsqu'il aura des rapports, qu'il le place sur le gland et fasse revenir le prépuce » (de nombreux latinistes ont fait remarquer que la traduction serait plutôt « aura eu des rapports » : et voilà donc notre premier préservatif devenu une simple compresse hygiénique, à utiliser « après coup », comme le futur pro-kit américain). Faisant l'éloge de son efficacité, le médecin qu’il était en propose l'utilisation pour se protéger de la syphilis. Peu fiable tant dans son étanchéité que dans son maintien, le préservatif de Fallope fut, semble-t-il, rapidement abandonnée. Pour autant, en 1655, dans un ouvrage libertin anonyme (« L’école des filles ou la Philosophie des dames »), il est encore fait mention d’un petit linge qui recouvre le pénis, utilisable plusieurs fois mais dont le coût le réservait aux courtisanes de haut rang et non aux filles des rues. Toutefois, un certain Ranchin, au début du XVIIème siècle, préfère donner ces conseils pleins de bon sens : « Mieux vaut que l'on ne séjourne pas trop longtemps avec une femme gastée (gâtée : ravagée, ruinée, dévastée), et que l'on soit diligent à laver et sécher le membre, car si l'on s'y endort longuement, il n'y a plus de remèdes. Enfin, le membre doit être droit et non pas mol et flasque, pour ce que, autrement, il boit l'infection comme une éponge et tout devient inutile ».
Malgré une loi qui rendait passible de prison le fait de posséder ou de vendre des préservatifs, au XVIIè siècle, Louis XIV (le roi-soleil qui brillait par son libertinage) adopta un modèle de préservatif en boyau animal (surtout du mouton), tenu par un petit ruban de tissu coloré, fourré de soie et de velours, que Shakespeare dénommait « gant de Vénus ». Ce préservatif, toujours constitué d'un boyau animal, n'était ni confortable, ni très sûr, ce qui fit dire à la Marquise de Sévigné en 1661, s'adressant à sa fille la Comtesse de Grignan : « C'est une cuirasse contre le plaisir, une toile d'araignée contre le danger » (aphorisme également attribué, un siècle plus tard, dans certains ouvrages, à la baronne de Staël, fille de Necker), conseillant plutôt d'utiliser des « restringents » (qui ont la propriété de resserrer une partie relâchée : ici, le col de l’utérus) ou de faire chambre à part. De manière générale, on préférait alors parler d'étreintes réservés (l’amplexus reservatus est au moins connu, sinon utilisé, au Moyen Age : il s’agit d’un coït interrompu sans éjaculation, qui constitue la forme la plus raffinée de l'érotisme oriental et qui, en Occident, à longtemps été le pis-aller des familles chrétiennes malthusiennes) et de manœuvres post-coïtales (nombreux procédés utilisés séparément ou conjointement, comme se lever immédiatement après l'acte, sauter, courir, descendre des escaliers, même parler ou tousser, pour expulser la semence. Parfois un aspect magique est associé au procédé mécanique : les sauts doivent par exemple aller par sept ou par neuf pour être efficaces). Avant la découverte des spermatozoïdes au XVIIè siècle, on croyait effectivement que la totalité de l'éjaculat était nécessaire pour tomber enceinte. On sait aujourd'hui qu'un seul spermatozoïde, qu'aucun mouvement ne peut expulser lorsqu'il a pénétré dans l'utérus, suffit à la fécondation.
Dans l’histoire du préservatif, l’élan moderne a commencé, sur le plan commercial, avec la conférence internationale ouverte à Utrecht en 1712 et qui devait aboutir, un an plus tard, à la signature d'un traité mettant fin à la guerre de succession d'Espagne. La ville d'Utrecht, littéralement envahie plusieurs mois par des hommes d'État et de hauts personnages venus d'Espagne, d'Angleterre, de France etc... attira une foule de dames galantes. Venues là pour distraire ces messieurs, elles ouvrirent des maisons ou reçurent les diplomates dans leurs appartements.
Malheureusement, plusieurs d'entre elles avaient apporté, dans leurs bagages, quelques maladies vénériennes. La chose n'étant pas un secret, un artisan eut l'idée de traiter à sa façon le cæcum de mouton (première partie du côlon, organe appartenant au système digestif), dont les parcheminiers tiraient des pellicules fines et transparentes pour faciliter la cicatrisation des plaies ulcérées et des brûlures. Reprenant un procédé ancien, il utilisa ce cæcum de mouton en lui conservant sa forme de fourreau et en le fermant d'un côté : il obtint ainsi un préservatif. Grâce à lui, on put alors acheter cet article dans une boutique située à l'angle de Beynijn Hof...Dès que la conférence fut terminée, tous les diplomates regagnèrent leurs pays et plusieurs personnalités britanniques rapportèrent, en souvenir, quelques spécimens de ces petites cuirasses protectrices. Des industriels et des hommes d'affaires décidèrent de fabriquer et de mettre en vente, sous le nom de « Condom », ces appareils d'hygiène. « Condom » était une transcription du verbe latin « Condere » qui signifie « cacher ou protéger ».
Peu de temps après, en 1717, dans un ouvrage intitulé « Practical dissertation on the venereal disease », le physicien anglais Daniel Turner avance l'idée que « le condom, quoique le meilleur, ne soit pas le seul préservatif que nos libertins aient trouvé jusqu'à présent ». Et Turner d'ajouter que, « en raison des sensations émoussées qu'il provoque, j'en ai entendu quelques-uns reconnaître qu'ils avaient souvent choisi de risquer la chaude-pisse plutôt que d'entrer en lice avec une pique ainsi cuirassée ».
Pour autant, ayant acquis ses lettres de noblesse, le préservatif se développera grandement au XVIIIè siècle (celui de l’Amour, charnel essentiellement) avec les grands libertins. Ainsi, Casanova, pourtant hostile à son usage (son plus grand reproche était : « Je dois m'enfermer dans un bout de peau morte pour prouver que je suis bel et bien vivant »), s’obligeait à enfiler ces « calottes d’assurance » ! Il utilisait des préservatifs non seulement pour se protéger des infections mais surtout pour éviter que ses « partenaires » ne tombent enceintes. Il désignait le préservatif de différents noms, tels que « Redingote Anglaise » (une redingote est aussi un vêtement masculin, veste croisée, ainsi qu’un manteau féminin, serré à la taille : c'est une sorte de vêtement intermédiaire entre la robe et le manteau, dont le nom proviendrait de l'anglais riding coat, littéralement, « manteau pour chevaucher »), et ce serait lui qui, en 1718, grand consommateur bien évidemment, baptisa ce petit bout de boyau de « capote anglaise » (même si nos ennamis les British l’appellent « French letter » : tout le monde veut l’utiliser pour en profiter, mais personne n’en assume le sobriquet). En 1725, le français L.-M. Marie fit un voyage en Angleterre et raconta à son retour en France qu'il avait vu à Londres « deux grandes et belles boutiques dans les rues les plus passantes, fournies de jeunes demoiselles qui s'occupaient ouvertement de la fabrication de ces petits sacs ». En 1736, dans ses « De Morbis venereis », le docteur Jean Astruc parle des libertins, observant « ...qu'en Angleterre, les grands débauchés, ceux qui passent leur vie dans les bras des prostituées, se servent depuis quelque temps de sacs faits d'une membrane très fine et sans couture, en forme de fourreau et qu'on appelle en anglais condum. Ils en recouvrent complètement le pénis avant le coït, afin de se protéger contre les risques d'un combat dont le résultat est toujours douteux. Ils pensent que, ainsi protégés et la pique bien cuirassée, ils peuvent impunément braver le danger des amours banales ». L'auteur semble avoir lu Turner … lui empruntant même sa « pique bien cuirassée ».
Le préservatif devient de plus en plus connu et est aussi bien loué que ridiculisé dans les poèmes anglais. Le poème le plus important à ce sujet porte le titre « The Machine » (le machin) et date de 1744. Sur une copie qui se trouve au British Museum, la page de garde montre des ouvriers préparant des Condoms et soufflant dedans afin de vérifier la fiabilité du préservatif. En 1776, une certaine Mme Philipps fit paraître à Londres des annonces signalant que sa boutique était toujours pourvue de ces « dispositifs de sécurité qui assuraient la santé de ses clients ».
Alors qu’en 1750 un colporteur nommé Jardin fut condamné à la relégation après sept mois d'emprisonnement pour avoir été trouvé porteur de « 28 Condoms de vessie bordés d'un petit ruban rouge », on put voir vers 1760 le premier tract par la première condomerie pour la « capote angloise » ! Le terme « préservatif » apparut dans une réclame discrète en 1780, lorsque la « Maison de confiance du Gros Millan » ouvrit ses portes à Paris au 22 de la rue Beaujolais, au Palais-Royal, important centre de prostitution à l'époque. Son prospectus donnait les précisions suivantes : « Fabrique de préservatifs de toute sécurité ... bandages, suspensoirs, articles d'hygiène ... Exportation discrète pour la France et l'étranger ».
Par la suite, le mot « préservatif » fut rapidement remplacé par « Redingote anglaise ».
On trouve cette appellation dans la première édition de la « Correspondance de Madame Gourdan », publiée de son vivant. Madame Gourdan, dite la « Petite Comtesse » était l'une
des plus célèbres tenancières de maison de débauche du XVIIIème siècle et l'on ne s'étonnera pas de lire dans cet ouvrage une lettre que lui adressait un commerçant avisé le 7 avril 1783 :
« J'ai à votre service, Madame, une eau préservatrice pour les maladies vénériennes etc... et des Redingotes d'Angleterre ». Cette fameuse correspondance de la Gourdan n'était en
réalité qu'un pamphlet mais le texte de cette fausse lettre prouve que les clients de cette matrone, nobles seigneurs et hauts dignitaires ecclésiastiques, utilisaient volontiers des Condoms
qu'ils appelaient « Redingotes d'Angleterre ».
Dans ses « Mémoires Secrets », Louis Petit de Bachaumont précise que le 3 octobre 1783, au cours d'un souper galant, l'hôtesse eut la délicatesse de faire distribuer des
« Redingotes d'Angleterre » à ses invités !!!
Sade utilise le terme de « Condom » dans le troisième dialogue de la « Philosophie dans le Boudoir » : « D'autres obligent leurs fouteurs de se servir d'un petit sac de peau de vessie, vulgairement nommé Condom, dans lequel la semence coule sans risque d'atteindre le but...! ».
Le Marquis de Sade, Casanova et les libertins du XVIIIè siècle se servirent de l'idée comme préservatif antivénérien mais bien vite l'objet passa des « mauvais lieux » et de l'alcôve de l'adultère au lit conjugal où il remplaça le « retrait » (« coitus interruptus », fortement condamné par l’Église car méthode ouvertement orientée vers le plaisir – même si c’est une méthode frustrante pour les deux partenaires car elle les sépare brutalement au moment le plus intense du rapport sexuel, d’où elle est difficile à maîtriser – et allant contre le dogme du rapport sexuel uniquement à visée procréatrice). En effet, l'abbé Spallanzani, vers la fin du XVIIIè siècle, avait observé que la pose sur les grenouilles mâles de petits caleçons de lin ciré n'empêchait pas l'accouplement mais interdisait toute fécondation. Par contre, l'adjonction aux œufs du fluide mâle contenu dans les caleçons entraînait la fécondation. Ainsi, il fait lui aussi partie des découvreurs du préservatif masculin.
L'antiquité conseillait, pour éviter la grossesse, de se laver cuisses et pubis à l'eau froide, ou d'éponger le vagin. Cette hygiène élémentaire, mais dont les effets contraceptifs sont illusoires, débouchera au XVIIIè siècle sur la généralisation du bidet. En effet, dès le milieu du XVIIIè siècle, la majorité des familles de la région parisienne pratiquaient la contraception (le coït interrompu fut à l'origine d'une réduction très significative de la taille des familles françaises). La preuve se trouve dans la diminution du pourcentage des familles à intervalles d’accouchement courts et moyens et l'augmentation très forte des familles à intervalles longs et à intervalles supérieurs à quatre ans. A la fin du siècle, les familles contraceptives semblent devenir la règle, mais celle-ci provoque de très nombreuses condamnations des pratiques contraceptives, formulées alors tant par des clercs que par des démographes, des économistes ou des hommes politiques. La plupart y voyaient l'effet du luxe et de l'égoïsme, indifférent aux devoirs envers un pays qui a besoin d'enfants pour ses guerres et ses manufactures.
D'autres sont quand même conscients que la dureté de la vie peut aussi en être la cause, comme Plumard de Dangeul qui écrit en 1754 : « Pour ce qui est des laboureurs, les campagnes fournissent dans cette classe d'aussi grands prodiges en misère que les Villes en peuvent montrer en richesses. C'est sur eux que le poids des charges de l'État tombe le plus durement. Un laboureur qui n'a pas le nécessaire à la vie, craint comme un malheur le grand nombre d'enfants. La crainte insupportable empêche plusieurs de se marier, et jusqu'en cette classe, les mariages sont devenus moins féconds ».
Au XVIIIè siècle, la progression des abandons est due à la misère des classes ouvrières populaires mais aussi au développement des naissances illégitimes liée à la liberté des mœurs qui caractérise ce siècle. En simplifiant, on pourrait dire que les abandons sont la conséquence de la débauche des classes hautes et de la précarité des classes basses. En effet, les classes populaires bénéficient d'un maigre revenu qui ne leur permet pas d'assurer la subsistance de l'entièreté de la famille. La contraception existe mais les familles les plus précarisées n'ont pas les moyens de bénéficier de ce luxe étant donné leur revenu. Ce revenu ne leur suffit parfois même pas pour pouvoir se nourrir eux-mêmes alors l'apparition d'un enfant dans la famille est souvent très mal acceptée. Selon les statistiques de l'époque, les mères qui abandonnent leur enfant sont le plus souvent des servantes, des ouvrières, des domestiques, des veuves ou encore de marchandes. Ainsi confrontés à ces problèmes financiers, les mères sont contraintes d'abandonner leur enfant devant une maison de riches bourgeois ou encore dans un lieu public comme devant le porche d'une église. On voit aussi apparaître un autre mode, celui de l'abandon à l'hôpital après la naissance, dans les mains de la sage-femme ou encore chez une nourrice. La majorité des abandons se fait avant l'âge d'un mois. Une des raisons de ces abandons est peut-être l'insuffisance de l'alimentation lactée dispensée aux nourrissons (le lait de vache n'a pu être utilisé qu'après la découverte de la stérilisation). En tout cas, si l'illégitimité reste une cause importante, on constate une relation évidente entre l'abandon et la misère car il y a augmentation des abandons en période de crise alimentaire. À cette époque, on compte plus de 7000 abandons par an, que l'on attribuera majoritairement à l'illégitimité. Toutefois, en rejetant la faute sur l'inconduite des parents, l'État évitait d'admettre sa responsabilité dans le système économique et social qui créait cette pauvreté.