Magazine Journal intime

Devoir et Devoirs

Publié le 20 septembre 2007 par Mirabelle
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Bon. Après un peu plus d'une semaine de prise de classe, je peux  évoquer quelques thèmes spécifiques à l'école. Aujourd'hui, j'en choisirai un en particulier : les devoirs !  Que sais-tu des devoirs à l'école, Victor ?  Pas grand chose, je l'avoue... Alors voici un mini-topo rien que pour toi ! Et pour nos lecteurs non-enseignants, bien sûr... En résumé, les devoirs écrits sont interdits depuis presque cinquante ans. Cinquante ans ?! Tant que ça ?! Eh oui, tant que ça ! Pourquoi ce haussement de sourcils ? Eh bien... C'est que je suis un peu étonné ! J'imaginais, au regard de tout ce que j'ai pu lire ici ou là, sur Internet ou dans les livres, que les devoirs sont pourtant encore très largement pratiqués dans les écoles... Eh eh ! C'est bien là le coeur de notre conversation ! Car si les devoirs sont autorisés en ce qui concerne les tâches de mémorisation pure et simple, ils sont bel et bien interdits quand il s'agit d'écrit, afin de ne pas pénaliser, très officiellement, le principe d'Egalité des Chances !

Durant la première semaine, la question la plus souvent posée par mes 24 CE2-CM1 était la suivante : "Maîîîtreeeeeeesse ! Est-ce qu'on a des devoooirs pour demain ?". Durant la première semaine, j'ai très peu donné de devoirs. Aucun devoir écrit, à vrai dire. Seulement une poésie à lire. Quasiment tous les jours, durant cette première semaine, un élève venait me voir et me glissait, comme ça, entre deux corrections de cahiers du jour : "Eh ben tu sais, Maîtresse, ma maman, eh ben, elle attend que tu donnes des devoirs...". Un soir, à la sortie, la petite Léonore revient en classe, ayant oublié son gilet sur son porte-manteau. Elle a laissé son cartable à sa maman, qui l'attend à la grille de l'école. La gamine s'exclame, toute essoufflée : " Maîtresse, ma maman elle a regardé mon cahier de texte tout à l'heure quand je suis sortie et elle a dit : "Tu as encore pas de devoirs ?". Mais moi je suis contente !". Au delà du grand sourire de la gosse, j'ai commencé à m'interroger.

Quelques jours plus tard, je tombe sur un article dans un grand quotidien régional. Sur les devoirs, tiens. Charmante coincidence ! Je dévore l'article. Il est intéressant car il combine deux points de vue : celui des enseignants, bien sûr, mais aussi celui des parents. Et il s'avère... Il s'avère ? Il s'avère, mon cher Victor, que même si la loi est la loi, l'attente et le jugement en sont une autre. Si, d'un côté, les parents sont de plus en plus au courant des Programmes, de nos obligations, de nos devoirs en tant qu'enseignants (il suffit de voir le rayon "Pédagogie" de la F**C, truffé de manuels du style Faites-boucler-le-programme-à-vos-enfants-en-rattrapant-le-boulot-de-leur-instit), s'ils nous le rappellent souvent ; de l'autre, nous nous devons de protéger notre statut, comprendre où se situe notre intérêt. Et toi tu penses que ton intérêt, c'est de... Donner des devoirs ? Non ?

Réfléchissons deux minutes ! Alors deux minutes... Pas plus ! Comme le soulignait une enseignante de cycle 2 témoignant dans l'article dont je viens de parler, si nous ne donnons pas de devoirs, nous sommes sujets aux jugements des parents plus que si nous donnons des exercices écrits à la maison. Qu'on me comprenne bien... Les devoirs, le cahier de textes, c'est ce qui lie, tous les jours, l'école à la famille. Les devoirs sont donc l'image de l'école, ou du moins ce que les parents peuvent deviner de ce qui se passe dans la classe, entre le maître et les élèves. Si le cahier de texte est vide, les géniteurs sont susceptibles de se demander : mais que fait la maîtresse ! Tu peux toujours dire que l'essentiel du travail doit s'effectuer en classe... Après tout, ce n'est rien d'autre que la vérité ! Bien sûr, bien sûr... Il n'empêche, à mon avis, que le jugement perdure... Moui moui...

Quoi qu'il en soit, mardi soir, j'ai donné des devoirs. Quand j'ai dévoilé le tableau où je les avais notés, j'ai eu droit à des cris stridents : "Quoooi ?! Tout ça, Maîtresse ?!". Copie, correction, soupirs et vingt minutes plus tard, les marmots sont dehors. Le petit Gontrand (eh oui, toujours lui !) revient chercher son manteau dans la classe, suivie de sa maman. Il s'essuie le front du revers de la main, avec une expression de fatigue intense, curieusement doublée d'un sourire ravi : "Mamaaaan, tu verrais touuuuuus les devoirs qu'on a !!!". Bon. Tu vois bien... Oui, oui, je vois bien... Bref. De toute façon, je ne suis pas certaine que ne pas donner de devoirs écrits favorise l'Egalité des Chances, tout comme je ne suis pas sûre que ne donner que des travaux de mémorisation à la maison ne pénalise pas les enfants dont les parents n'ont pas la capacité de les aider. Bref : tu n'es sûre de rien ! Très bon résumé...

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