Je le connais depuis longtemps. Gouailleur, ironique, hâbleur. Il s'est fait teindre une ligne blanche dans ses cheveux, qui court comme une crête jusqu'à l'arrière du crâne.
Sa copine est toute petite, toute ronde, un bandeau bleu sur le front, une queue de cheval derrière. Veste bleue à col rose, un sac en bandouillère serré très fort contre elle. Un peu le profil de Jean-Jacques Goldman.
Il y a de longues robes de soirée rouges dans les vitrines du magasin de modes, un chariot de supermarché abandonné sur un trottoir. Une réclame dans une vitrine: Il est des lieux de rêve qui existent vraiment.
Ce n'est probablement pas ce que pense le petit révolté qui cogne contre les trams quand ils passent. Il attend la fermeture des portes, puis il se précipite depuis l'arrière du kiosque, frappe très fort contre une vitre. Un tram. Un autre tram. Mais il n'a pas l'air de s'amuser.
Nous regardons sans intervenir. Il vaut mieux avoir de l'estime de soi que le sens du devoir pour devenir un héros, dit-il, et je ne sais pas s'il parle de nous ou du révolté. Mais de toute façon, qui rêve encore de devenir un héros?