Joli mai

Publié le 27 mai 2009 par Didier T.
Vous non plus plus, vous n’avez pas passé joli mai sur la Croisette. Vous non plus vous n’avez pas erré parmi les errants à Cannes. On nous dit que là-bas, c’est le grand cinéma, c’est surtout le grand déballage, vu de Paris sous la pluie, des marques, des marques et encore et toujours des marques, des robes longues pas toujours réussies, des rivières de diamants à l’éclat malsain, trop de fond de teint, trop de champagne tiède, trop de doré. J’en peux plus de Cotillard, de Kruger, de Jolie, de Cruz et d’Almodovar. Rien à faire du dernier Tarantino. Je n’irais pas voir le Lars Von Trier non plus.
Les gens du pont Haizhu à Guanzhou en Chine, le festival de Cannes, eux aussi, ils s’en fichent pas mal. C’est le pont des TS. TS ? Tentatives de suicide. En mai Monsieur K., appelons-le, comme ça, voulait, comme d’autres avant lui en avril par exemple, sauter de ce pont. On peut être sur le bord du précipice et avoir du mal à se décider. Y’a sûrement quelque chose qui nous retient à la vie, le souvenir d’un sourire, ou d’une paire d’yeux rieurs, le goût d’une madeleine, l’odeur de quelqu’un, alors parfois la TS, elle dure, dure, dure. Pendant ce temps-là (le temps de la prise de décision), la circulation est bloquée. C’est ballot. Dans les embouteillages,  dans ces appareils démoniaques que sont les voitures, les hommes perdent souvent la tête. Le volant les rend fous. Alors M. K2, appelons le comme ça, est sorti de sa voiture, arrêtée depuis cinq heures par cette foutue TS, il a couru vers le pont en empruntant la bande arrêt urgence et il a rejoint M. K. Il lui a expliqué qu’il faisait chaud, qu’il y avait un bon film d’Almodovar à la télévision, que sa femme lui préparait non pas des nems mais une paëlla et qu’il n’avait pas l’intention de se laisser pourrir la vie plus longtemps par quelqu’un qui faisait une TS.
- Sale égoïste, vas, tu violes mon droit à disposer de ce pont public pour rentrer passer une bonne soirée Almodovar. De toute façon, petit couard, t’es pas cap’ de sauter, te faut 5 heures de réflexion, tout ça, j’en ai marre, alors tu sais quoi, en mai, soyons généreux !
Et M.K2 a poussé M. K dans le vide. Huit mètres de chute libre pour M. K.
En mai toujours, pendant que Cotillard bécote Canet, que Pitt bécote Jolie, que Parker bécote Longoria, qu’ils jouent des jeux d'apparence sur tapis rouge et flash d'appareils photos, à Paris au 15 rue des petites écuries, la ville n’est pas encore éveillée, Lucy prépare un drap. Elle s’apprête à commettre un acte violent qui entraînera des lésions cartilagineuses au niveau du larynx et de la trachée ; les voies aériennes seront obstruées, il y aura une occlusion des vaisseaux du cou et peut-être, même, des lésions nerveuses au niveau du plexus brachial, du pédicule jugulo-carotidien et du nerf vague, et puis au final, un oedème cérébral se développera par anoxie, acidose, stase sanguine et extravasation vasculaire. Lucy aura commis, avec son drap, le meurtre d’elle-même alors même qu’on projetait, à Cannes, lieu de perdition totale, des extraits du prochain film où elle tient le rôle de Jane Birkin. Pendue. C’est con. 
Pour Karl Menninger, célèbre psychiatre américain, le suicide exprime à la fois un désir de mourir, un désir de commette l’acte de tuer et un désir d’être tué. Oui, oui, le désir de tuer est détourné de son objet premier pour se retourner contre la personne de celui qui éprouve ce désir et se réaliser sous la forme d’un suicide. Je m’inquiète donc pour M. K2 et quelques autres, dont moi-même, qui désire(nt) souvent tuer de longues listes de gens.
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