Magazine Journal intime

Le témoignage d'Ada

Publié le 28 mai 2009 par Pat La Fourmi
Voici l'article que je vous annonçais ici:
«Je suis une politicienne avec un truc en plus: la sclérose en plaques» Grand espoir du Parlement, la socialiste vaudoise mène depuis deux ans un autre combat que celui de la politique. La jeune femme de 36 ans doit lutter au quotidien contre la maladie qui s’attaque à son système nerveux. Elle accepte pour la première fois d’en parler.

«Je ne me considère pas comme une malade. Mais comme une fille avec un truc en plus: la sclérose en plaques.» Assise dans le salon de son appartement des hauts de Lausanne, décontractée, en jean et petite veste verte, toute pimpante, Ada Marra sourit. Elle est contente de sa petite phrase. Mais, derrière ce sourire, une décision difficile. La jeune femme est désormais prête à se confier, à évoquer pour la première fois publiquement cette maladie dont elle est atteinte depuis bientôt deux ans. Elle a longuement réfléchi, durant plusieurs mois même. La conseillère nationale socialiste de 36 ans hésitait à dévoiler cette partie de sa vie, la plus intime, la plus douloureuse. Par pudeur. Par respect pour les personnes plus durement atteintes qu’elle. Par crainte également, un peu effrayée de se retrouver étiquetée comme la «sclérosée du Parlement». Une peur qui ne s’est pas complètement effacée. Mais la Société suisse de la sclérose en plaques, dont elle fait partie, fête cette année son 50e anniversaire. Un événement qui a résonné comme un déclic. A travers son témoignage et sa notoriété, la parlementaire aimerait donner un coup de pouce à cette association qui vient en aide à des milliers de personnes.

Soutien familial
C’est en 2007 que la maladie surgit brusquement dans la vie d’Ada Marra. Elle profite alors de l’été pour passer les vacances avec sa famille italienne. Elle s’offre un peu de repos avant de se lancer dans le marathon des élections fédérales, prévues à la fin du mois d’octobre. C’est là, dans les Pouilles, que les premiers symptômes font leur apparition. «C’était bizarre, se souvient-elle. J’avais le bras paralysé, puis la jambe. Je voyais double.»
Dès son retour en Suisse, elle consulte son médecin. Elle subit nombre d’examens. Le diagnostic tombe, implacable: sclérose en plaques. Une affection chronique, pour l’heure inguérissable, qui s’attaque au système nerveux central. «Je crois que je l’ai bien pris, si l’on peut dire», confie la jeune femme. «Avec ma mère, on s’est prises dans les bras et on a pleuré une bonne fois pour toutes, ajoute-t-elle, heureuse de compter sur le soutien de sa famille. J’ai deux cousins qui travaillent dans le milieu médical, ils m’ont beaucoup rassurée.» La socialiste n’a pas le temps de gamberger. Les élections approchent. La campagne bat son plein. Fatiguée, elle doit réduire sa présence sur les stands et dans les débats. Qu’importe. Elle sera élue et participe en décembre à sa première session sous la Coupole. Une fierté pour cette fille d’immigrés.
Depuis, la Lausannoise a subi quatre «poussées», comme on dit dans le jargon. C’est beaucoup. Des crises violentes, avec paralysie du côté gauche et troubles de la vision. Un seul remède à chaque fois: trois jours d’hôpital à recevoir des doses massives de cortisone. «Entre ces poussées, je mène une vie tout à fait normale», rassure la socialiste, qui a su malgré tout s’imposer comme un des grands espoirs du Parlement. Elle vient d’ailleurs d’être mise à l’honneur par le magazine L’Hebdo, qui voit en elle l’une des 100 personnalités qui font la Suisse romande. Il est vrai qu’à la voir guerroyer avec ardeur contre la pauvreté ou pour une meilleure intégration des étrangers, il est difficile d’imaginer que cette fringante jeune politicienne se bat également contre la maladie. Une lutte qui se joue au quotidien. «Je suis souvent fatiguée, reconnaît la Vaudoise, sobrement. Je souffre de problèmes d’équilibre et de fourmillements constants dans le bras droit. J’ai dû apprendre à mieux gérer mes journées, à écouter mon corps, à savoir me reposer, à dire non.»

La politique à 100%
Pour se préserver, lorsqu’elle a été élue, Ada Marra a choisi de quitter son travail de secrétaire générale de l’Union nationale des étudiants suisses (UNES). Son choix, la politique à 100%. Elle a néanmoins tenu à conserver ses activités au sein de Lire et Ecrire, une association contre l’illettrisme, et auprès de Caritas Suisse. «Je crois que, durant son existence, chacun a des obstacles à surmonter. Pour moi, c’est la sclérose; pour d’autres, c’est un accident ou la perte d’un être cher», philosophe l’Italienne d’origine, catholique pratiquante, qui puise une partie de sa force dans une foi sincère. «Je me considère plutôt comme une privilégiée. J’exerce un métier qui me passionne avec un bon salaire (ndlr: son mandat à Berne lui rapporte 6000 francs par mois). J’ai une grande qualité de vie… Et, enfin, une maladie qui t’oblige à faire la sieste, ce n’est pas si mal, non?»
L’humour, Ada Marra le manie comme une arme. Son message se veut résolument positif. Pourtant, derrière le discours clair, bien rodé, de la militante se cache une inquiétude, silencieuse, pesante. La maladie prend plus de place que la jeune femme aimerait le laisser croire. «Certaines fois, on voudrait juste pouvoir l’oublier, faire comme si elle n’existait pas», confie-t-elle au détour d’une question un peu plus personnelle, soudain plus songeuse, plus grave. Il est vrai qu’à 36 ans on a la vie devant soi. Mais comment envisager de fonder une famille en ne sachant pas si, et quand, on perdra sa mobilité. «Mon futur compagnon devra accepter le fait que peut-être, un jour, il devra pousser ma chaise roulante…» souffle t-elle. Car le plus difficile avec la sclérose en plaques, ce mal insaisissable surnommé la maladie aux mille visages, c’est l’inconnu. Cette épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête. Impossible de savoir quand se déclenchera la poussée suivante et quels en seront les effets. Impossible de prédire à long terme l’évolution des symptômes.

Envie de couleurs
Chaque mois, Ada Marra se rend au CHUV pour recevoir sa dose de médicaments par intraveineuse. Un traitement qui ne peut que ralentir le développement de la maladie. «On vit davantage au jour le jour, on essaie de profiter de chaque instant, de se faire plaisir.» Ne vient-elle pas de craquer pour des lunettes de soleil mauves bien clinquantes, chose qu’elle n’aurait jamais osée avant? Il y a chez elle comme une envie de couleurs vives. A Berne, si elle reste une adversaire politique pugnace, elle est toujours partante pour rire. Souvent avec des élus de droite d’ailleurs, à l’exemple de sa participation au dernier poisson d’avril de la radio romande qui annonçait son mariage avec le libéral genevois Christian Luscher. Une plaisanterie qui a fait grincer certains à gauche. Qu’importe, Ada Marra est libre.
L’entretien terminé, la Lausannoise tient à descendre au bord du lac, de «son» lac, sur une petite plage de galets du côté de Pully. Elle a peu de temps et un débat à préparer pour le soir, mais elle veut profiter quelques instants du soleil printanier de ce vendredi après-midi. Ce coin du Léman, c’est chez elle, là où elle a grandi avec ses deux frères, à Paudex. C’est ici qu’elle se retrouve, se ressource. «Ce que je préfère, c’est marcher de Lutry à Ouchy, glisse-t-elle. J’essaie de trouver du temps pour effectuer cette balade au moins une fois par mois. Avant, j’avalais ce parcours en quarante minutes. Aujourd’hui, il me faut une heure vingt.» Ada Marra se fatigue vite. Sa jambe gauche ne répond pas toujours comme elle voudrait. «Ça laisse deux fois plus de temps pour admirer le paysage, non?»

source: Yan Pauchard pour L'Illustré

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