Si donc, après avoir
abandonné nos proches et notre famille, après avoir passé quelques années et
même un grand nombre d’années dans la vie monastique, après avoir fait des
progrès dans la piété et dans la pratique de la vertu, après avoir amèrement
pleuré et réparé le temps de notre vie que nous avons passé dans le péché et
dans le contentement de nos passions, après avoir heureusement reçu le don de
continence et de chasteté, il nous vient dans l’esprit des pensées vaines et
frivoles, comme de retourner dans notre patrie, sous le spécieux prétexte
d’édifier par notre vie nouvelle et vertueuse ceux que nous avions scandalisés
par notre vie licencieuse et déréglée, et, par notre éloquence, notre savoir et
nos talents, d’être pour les peuples leurs sauveurs, leurs lumières, leurs
docteurs et leurs conducteurs. Ah ! Soyons bien convaincus que ce n’est là
qu’un piège que nous tendent les démons. Ils veulent nous faire perdre dans la
haute mer le trésor que nous avons heureusement acquis loin des tempêtes et
dans le port.
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la fuite du
monde»