Magazine Journal intime

Une romancière américaine à Grenoble

Publié le 29 mai 2009 par Alainlecomte

sirihustvedt2.1243529334.JPGLa dernière fois que je suis allé à une de ces mini-conférences d’écrivain dans une librairie, c’était pour Nancy Huston , il y a donc plusieurs années. Entre temps, c’est vrai, j’étais allé voir Annie Ernaux , mais c’était juste pour une dédicace. Cette fois, Siri Hustvedt était là (voir le script de son “chat” sur LeMonde.fr ). Que des femmes, allez-vous dire. Je suis obligé de me rendre à cette évidence. Mais je peux me justifier de tout un tas de façons : d’abord, si certains écrivains masculins venaient, j’irais sans doute. Bien sûr Le Clézio. Mais même un poète tel Philippe Jacottet. J’aurais pu venir pour Peter Handke, mais il n’écrit plus. Ou pour le poète suisse Maurice Chappaz, mais il est mort. Evidemment, si on déborde sur la littérature étrangère… Kenzaburo Oé me ferait me précipiter de n’importe quel endroit où je me trouve. Murakami (Haruki) aussi, mais cela serait plus de la curiosité que de l’empathie. Autre justification, plus évidente à mes yeux, à cette assistance aux présentations de livres par des auteures féminines : bien sûr, en tant qu’homme, quoi de plus naturel que cette attirance pour l’autre sexe ? Comme pour en percer les secrets, en quelque sorte. Mais cette explication ne doit pas convaincre grand monde si j’en juge par la très faible proportion, en général, de gens de mon sexe qui assistent à ces rencontres… Pour environ quatre vingt femmes, seulement quatre ou cinq hommes. (Annie Ernaux s’était amusée de cela d’ailleurs…). Alors il faut bien essayer une dernière justification, et là nous tomberons justement sur un des thèmes préférés de la blonde compagne de Paul Auster : la féminité dans l’homme et la masculinité chez la femme. Il faut que mon côté féminin soit attiré, probablement. En vérité, moi qui viens de commencer la lecture de « Tout ce que j’aimais », je ne peux que trouver du plaisir au fait de lire, moi un homme, un récit écrit par une femme dont le narrateur est un homme, lequel passe de nombreux moments à révéler sa part de féminin…. Situation d’intrication pas si ordinaire, non ? La discussion avec la romancière, une longue herbe fragile terminée par une chevelure paille avec entre les deux un visage fin mais osseux d’où irradiaient des yeux bleu profond enfoncés dans leurs orbites, a beaucoup tourné autour de ce thème. Bien sûr elle a dit qu’elle aimait ce type d’homme, acceptant sa part féminine, que son mari était comme ça et que son père aussi, l’était. L’animateur de la librairie (très appliqué) lui a posé la question de ce mot qui sert paraît-il – je ne savais pas grand-chose d’elle avant de la voir là – de titre à un de ses livres : Yonder. Yonder, ce n’est ni ici, ni là-bas, c’est entre les deux. Cet espace, semblait-elle dire, où se situe le meilleur des relations humaines. Son dernier livre est sur l’Eros. Elle a bien sûr expliqué que même dans un couple, on ne connaissait jamais complètement l’autre et que cela était heureux, quel ennui sinon ! mais ça, d’autres qu’elle l’avaient déjà dit.

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Dans son roman « Tout ce que j’aimais », il est beaucoup question de peinture. On y décrit des tableaux qui n’existent pas mais on a l’impression qu’ils existent, qu’on les verra la prochaine fois qu’on ira à New-York. Par exemple ce tableau peint par Bill (un homme, donc) qui s’appelle autoportrait et qui est pourtant le portrait d’une femme. Mais si on regarde d’un peu plus près, on voit une ombre sur le devant, au point que le spectateur croit que c’est sa propre ombre. Alors que c’est ce que le peintre a inscrit comme son ombre à lui, de créateur, sur la chose créée. Pas mal, non ?


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