Je m’élançai, depuis la chaussée givrée vers la rue, à ma vitesse maximale, ignorant le trafic déjà dense sur la Main. Les coups de klaxon et les jurons des chauffards mécontents retentirent. L’emploi du temps de ces conducteurs, un dimanche matin dix heures était si chargé qu’ils devaient pratiquement me passer sur le corps! « Relax! » criai-je à un chauffeur de taxi quand son véhicule m’effleura. J’avais déjà vingt-cinq minutes de retard, mais au moins j’étais en un seul morceau! me dis-je en regardant mes bottes à talons hauts que le calcium dévorait allègrement. J’entrai dans une petite binerie dont la devanture aurait rebuté le plus grand gourmand. C’était mon resto préféré, à l’heure du déjeuner. Je l’aimais parce que toute la surprise se trouvait à l’intérieur.
Marianne, qui heureusement m’avait attendue, me fit de grands signes, d’une table au fond de la salle. Je m’y dirigeai, crachant quasiment mes poumons. Puis, je m’écroulai sur ma chaise, en nage.
- Alors, ma grosse, besoin d’exercice!?
Elle me lança un regard ombrageux. Je la regardai, hésitante. Nous nous étions rencontrées l’hiver précédent. Puis, à la fin des classes, elle avait disparu. Depuis, pas de nouvelles. J’avais presque oublié l’effet qu’elle avait sur moi. Elle m’impressionnait. Devant mon malaise évident, elle éclata d’un grand rire puis se leva pour me faire la bise. Elle me demanda si j’avais besoin de cinq minutes pour reprendre mon souffle et reprit la lecture du numéro de In Touch Weekly. Je souris, devant son assurance.
- Ça va? Bon, reprit-elle.
Marianne m’avait vraiment laissé tomber pendant ces derniers mois. Je lui en voulais un peu, à elle et à d’autres de mes amies, qui avaient maintenant un chum à qui elles voulaient consacrer tout leur temps. Je soupirai. En plus, ma vie amoureuse ressemblait à un désert… J’étais prête à passer l’éponge sur l’abandon de Marianne pour sa compagnie, me dis-je.
- Britney va s’en sortir… T’as vu? me dit-elle en pointant un article sur lequel elle avait reporté son attention. Je haussai les épaules. Je lisais rarement ce type de cancans. Hey, je veux qu’on change de tête! Vois-tu, les stars le font elles aussi! Jennifer Lopez, regarde ses cheveux! Et Ashlee Simpson, t’as vu comme elle a changé? Je parle pas de chirurgie… enfin pas encore, on n’est pas assez vieilles pour ça, mais… je suis sure qu’on peut trouver des trucs. J’ai tellement besoin de changement!
Je la regardai, la belle Marianne, bouche bée. Si elle avait besoin de changement, moi je devais me métamorphoser! Elle dut sentir mon hésitation, car elle se pencha vers moi et murmura :
- Catherine, tu sais pourquoi je suis partie au printemps? J’ai essayé de me suicider. C’est une longue histoire… J’me sens mieux maintenant, mais je suis prête à un changement. Ça va me faire du bien…
Un grand blond entra dans le café. Marianne reporta son attention sur lui. Quant à moi, je ne pouvais pas y croire. Comment une fille qui semblait aussi normale que Marianne avait pu penser à la Chose? Elle qui semblait vraiment tout avoir… Après tout, peut-être qu’aucune d’entre nous n’était à l’abri du désespoir qui pouvait entrainer le suicide… Peut-être qu’il devenait un choix comme tant d’autres… Je devais découvrir ce qui se passait dans la tête de Marianne. Mais pas maintenant. Je lui promis d’essayer de lui trouver des idées. Eh oui! Moi si peu familiarisée avec les trucs de filles. Nous nous quittâmes le ventre plein. Mon Dieu, par où commencer? Et pourquoi diable Marianne m’avait-elle choisie pour l’aider?
À suivre… Dans Faux poils au poil! (Partie 1)