Je ne sais pas pourquoi cette anecdote m'est revenue en mémoire hier soir. Comme ça
sûrement, une réminiscence comme on dit...
Ma mère était nourrice agréée (ça faisait bien de dire "agréée" avec 3 "e" siou
plait) et donc, il y avait tout le temps des enfants à la maison. Cette fois là, je devais avoir 4 ou 5 ans et nous accueillions une petite fille, Carole de son prénom, qui malheureusement avait
été malade chez nous. Ma mère avait fait venir le médecin, bien sûr, et là, moi qui étais plus grande que cette Carole, je me suis mise à pleurer pensant, sans doute que la visite était pour ma
pomme. J'avais un peu l'habitude que le monsieur en costume noir vienne pour moi...
Sauf que ça n'était pas le cas, que je n'étais pas malade et que la petite fille qui elle l'était, ne pleurait pas...Elle se laissait manipuler par le docteur sans rien dire et le docteur
regardait la grande gourde que j'étais qui chialait sans raison. Ma mère s'est aussitôt empressée de me faire la remarque et de me dire "Regarde Carole, elle est plus petite que toi, elle est
malade et elle ne pleure pas quand le docteur vient la voir." Et après ça, elle a souvent raconté cette anecdote dans notre entourage en disant "Béatrice pleurait alors que la petite ne le
faisait pas."
Inutile de dire que ça m'a vexée. Et, à partir de ce jour, lorsque j'allais chez un médecin, je tâchais de ne plus pleurer. Je n'avais pas envie d'entendre à nouveau l'histoire de
Carole.
Mais, je pense aussi que dans ma tête ça s'est ancrée cette idée qu'on ne doit
pas pleurer et, on peut dire qu'à partir de là, presque en toute circonstance (donc bien au-delà des visites médicales) je me suis interdit cette "faiblesse"... en public mais aussi en privé. Un
peu comme si j'avais toujours en tête cette anecdote avec Carole qui, ce jour-là, avait été effectivement plus "courageuse" que moi, plus "forte "que moi qui étais vraiment passée pour une idiote
aux yeux de ma mère et du médecin... puis aux yeux de tous ceux à qui l'histoire a été racontée par la suite et qui m'ont dit :"Ben oui, tu es grande, toi et les grandes filles ne pleurent
pas."