Ceux qui se retrouvent au Spital

Publié le 01 juin 2009 par Jlk


Celui qui demande au Bosniaque quelle ligne de bus conduit au Spital / Celle qui a mis son joli tailleur turquoise pour rendre visite à sa cousine Frieda qui vient de se faire tout enlever / Ceux qui ont acheté des roses avec des bons de l’amicale du Cor des Alpes / Celui qui dans le 19 est assis à côté d’un Noir à dreadlocks qui lui raconte le lupus de son frère de lait / Celle qui craint de revoir sa mère par trop diminuée eu égard à son physique de championne de patin aux jeux olympiques d’Helsinki / Ceux qui se rappellent que le Spital (hôpital en langue civilisée) jouxte le Friedhof (cimetière) / Celui qui entame une conversation à caractère politique avec le Bergamasque en pyjama vert / Celle qui éclate en sanglots bruyants en découvrant l’homme de sa vie enveloppé de bandelettes / Ceux qui s’en fument une sur la grille d’aération de la chambre froide / Celui qui estime que le Dieu trinitaire ne peut que réserver un sort privilégié à un croyant pourvu d’un testicule de plus que le chrétien banal / Celle qui se fait surprendre en train de s’approprier le super bouquet qui restait dans la chambre de la défunte en voie de remise en ordre / Ceux qui opinent du bonnet en écoutant le patriarche macédonien qui vaticine sur sa chaise roulante sans se douter que sa sonde perd du liquide / Celui qui se retient de glisser une main preste sous la blouse verte de la Quebecoise tout en chair / Celle qui vient d’atteindre le degré 3 du Sudoku quand on lui apprend le résultat de son dernier IRM / Ceux qui se confient des secrets de mecs dans le clair-obscur jaune de l’insomnie / Celui qui trouve aux jeunes infirmiers le même érotisme latent qu’aux jeunes cuisiniers / Celle qui exerce son acrimonie sur les aides-soignantes maliennes au point de s’attirer les foudres du patron kényan / Ceux qui confessent leurs pensées impures à l’aumônier sarde qui se retient juste de leur conseiller une bonne secousse avant de revenir à Jésus l’âme pure / Celui qui retrouve la beauté de l’humain en observant son voisin de lit qui s’excuse d’en chier tellement / Celle qui chante Purcell pour la chambrée de sa voie de colorature / Ceux qui savent qu’ils ne sortiront du Spital que pour entrer au Friedhof, etc.
Image: Philip Seelen