Je ne sais pourquoi le bruit des vagues m'apaise, il suffit que le vent soit de la partie pour que ces deux bruits blancs aient un pouvoir d'atténuation immédiat sur l'hyperacousie. Aussi, allongé sur la plage, je peux supporter bon nombre de bruits qui me seraient insupportable ailleurs. Plusieurs personnes m'avaient fait cette réflexion : "La mer apaise l'hyperacousie, c'est indéniable". Je ne me suis jamais senti aussi "normal" que sur une plage, comme un sanctuaire ou je n'aurais à craindre les multiples bruits de mes contemporains. Je ne rate pas une miette des scènes burlesques qui se déroulent comme des vagues sous mes pieds.
-Je veux être enterré aussi, dit une gamine tandis que ses frère ensablent jusqu'au cou le plus petit de la fratrie.
-Personne ne veut m'aider à m'enterrer, insiste t-elle. Ses mains fouissent le sable, son visage exprime l'agacement mais elle met du cœur à l'ouvrage pour recouvrir de quartz humide son corps potelé. Deux autres petits blonds passent devant ma serviette, l'aîné traîne d'une main un immense congre désorbité au corps desséché. L'affreuse gueule fait admirer ses dents saillantes et grisâtres.
- Tu verras, ça va leur faire plaisir ! dit-il à son frère...
L'eau est glaciale mais j'y suis comme un congre, je nage jusqu'à l'oubli... Je comprends le plaisir des navigateurs, des surfeurs. Ce même plaisir, cette même sérénité, je les ai éprouvés en courant dans la forêt, sous le vert parasol des chênes.