Rassurez-vous, ce n'est pas encore à ce blog que je mets un point final. C'est juste qu'hier matin, j'ai pris le train. Le coeur battant, semblant vouloir s'échapper de ma poitrine, je
refaisais le chemin inverse, de Paris jusqu'à cette ville de Tours, pour la dernière fois avant un moment j'imagine.
Cela va faire 6 ans que j'ai eu mon bac, mon dieu que le temps passe et qu'est ce que je vieillis, mais j'ai enfin
mis le point final à mes études en me rendant à ma soutenance de mémoire, ultime étape avant d'être diplômée.
Angoisse de cette épreuve, panique de l'oral, comme toujours, le trac, le vrai, le seul, qui me fait les noeuds
dans l'estomac, qui semble remplir mes veines d'acide et qui fait trembler mes mains, comme avant d'entrer en scène, avant de passer un entretien, avant un rendez-vous galant. Mon anxiété adorée,
mon stress familier, te revoilà mon tendre et cruel. S'il me fait souffrir, me coupant sommeil et appétit, pour rien au monde je ne prendrai des artifices chimiques car ce vieil ennemi/ami est la
preuve que je suis toujours celle que j'étais et que tant qu'on a peur, faim, mal ou envie, c'est que l'on vit !
Avec un quart d'heure de retard, me voilà donc, débarquant dans mon ex Tourraine, cavalant jusqu'au bus, ce cher
vieux bus n°5 comme le parfum, où j'ai du poser des milliers, voire des millions de fois mes fesses durant ces années estudiantines.
Je laissais mon regard assoiffé de souvenirs courir le long des façades de cette ville blanche, resplendissante
sous le soleil, en pleine vitalité de son printemps. Je me suis gavée de sensations, revivant ces années d'espoir, de doute, de douleur, de joie, de rêves et de décision. Je suis plus grande
aujourd'hui qu'hier et il me semblait apercevoir parfois, sur un banc ou roulant dans une voiture bruyante, la Louloute que je fus, celle qui commença à écrire ces mots.
Le coeur serré, la bouche sèche, je fis cependant mon show avec la force qui m'anime, appliquant comme toujours la
vieille méthode qui veut que quoi que tu fasses, fais-le avec passion, ça rend toujours les choses plus vraies. Et puis sortir, m'échapper une dernière fois de cette école, de ces murs où j'ai
tant ri, tant bu, tant couru, tant réfléchit, tant appris sur moi-même, sur les autres et sur la vie. Jeter un dernier regard, sourire à moitié, parce que les choses semblent tellement loin
déjà.
Retourner sur les lieux de mon ancien stage, sur les lieux du crime, se sentir étrangère et en être heureuse. Ne
plus faire partie de cette galère, être encore et toujours l'insolente adolescente qui débarqua un jour dans leur vie et continuer à leur donner ce sourire, qui se serait peut-être éteint à trop
rester. Ressentir l'étouffement, la lassitude ambiante. Apercevoir de loin - de très loin même - la silhouette d'une ancienne passion, ne même pas se retourner, ne pas chercher à créer le
contact car tout ceci, eh oui, est bien fini.
Tisser inlassablement les liens de l'amitié, confirmer encore la sagesse de celle que j'appelle ma seconde mère,
recevoir et donner cet amour, intact lui de tout malentendu, de tout jugement et de toute haine. S'endormir étrangement avec des restes d'angoisse, comme si la course de la journée n'avait pas
été digérée, se sentir des ailes pousser à moitié et tomber dans les bras de Morphée, de manière bien méritée.
Le lendemain, se lever fraîche et sereine, dire aurevoir et jamais adieu et reprendre à nouveau le chemin de la
gare. Et là, en avoir marre. Fin de la nostalgie. Constater que ce qui a été ne peut plus être, avoir la province qui vous colle à la peau, avoir de nouveau soif, soif de grande ville, soif de
Paris. Vouloir s'injecter du métro par intraveineuse, frotter sa peau au béton brûlant, se mêler à cette foule d'anonymes qui constitue ma vie désormais, celle que j'ai choisie.
Si j'ai du mal à faire mon deuil, à lâcher prise, à abandonner, je crois qu'une fois que la messe est dite, on
peut me rouler sur le corps avant que je revienne à avant.
Partir, vite, très vite, ne plus regarder en arrière, ne plus traîner dans un lieu où plus rien ni personne ne
m'attend. Sentir se réveiller les choses douloureuses, les trahisons, les mensonges, le doute, l'immense et sempiternelle solitude qui fut la mienne, la haine de ceux qui
m'entouraient.
Retourner à la ville lumière, retrouver son bruit, son odeur et son goût familier. Promettre de ne jamais la
quitter, cette douce et exigeante amante. Apprécier le présent et ne garder que le meilleur du passé.
Mettre un point final.