Selon Virginie Lou
Il s’est dépêché de disparaître avant que l’erreur ait un visage.
Des larmes s’ensuivirent bien sûr. On pleure toujours dans ces cas-là. On se dit que ça aurait pu être différent, être autrement. On se dit que c’est injuste et qu’on n’a pas mérité ça. On se demande pourquoi le sort d’acharne ainsi. On croit même à une malédiction. Mais, cette fois, les larmes n’y pouvaient rien changer. Il s’est dépêché de disparaître avant que l’erreur ait un visage. Il s’est empêché d’apparaître plutôt. Conscient au plus profond de lui-même qu’il était une erreur. Lui seul avait conscience de cela d’ailleurs. Les autres, tous les autres autant qu’ils étaient, croyaient au contraire au miracle. Ils espéraient depuis si longtemps. Ils attendaient sa venue avec une impatience telle qu’il les aurait déçus alors autant disparaître avant que l’erreur ait un visage. Là, aucun souci, personne n’aurait le temps de s’attacher. Personne ne se ferait d’illusions sur son avenir, pas même lui. Il n’aurait pas à écouter les phrases soi-disant rassurantes qu’on dit toujours dans ces cas-là. Il ne serait pas, il n’existerait pas et c’était bien mieux ainsi, pour tout le monde. L’erreur resterait en suspens puis serait oubliée. Il resterait un simple espoir, une sorte de rêve tellement plus beau qu’une réalité bâclée et inutile. Il vivrait pour l’éternité dans l’imaginaire de cette mère qui aujourd’hui pleure toutes les larmes de son corps. Il ne verrait pas le jour. Il ne naîtrait pas. A peine conçu, ce petit être à venir s’était dépêché de disparaître avant que l’erreur ait un visage.