Traitements per os pour demain?

Publié le 07 juin 2009 par Pat La Fourmi

Bulletin 25 - mai 2009 (complet à télécharger en pdf)

Les traitements par voie orale sont-ils pour demain ?

La plupart des recherches cliniques dont on parle actuellement visent à remplacer les injections d'interférons β (IFNβ) et de copaxone par des médicaments pouvant être administrés par voie orale, ce qui serait plus confortable pour les patients. Elles incluent uniquement les formes récurrentes-rémittentes de sclérose en plaques.

La plupart sont des études phase II qui sélectionnent les molécules les plus prometteuses. Parmi celles-ci, la plus avancée concerne le fingolimod dont les résultats de la phase III viennent d'être publiés et dont il est question dans notre bulletin n° 25.
Les études phase II de trois autres molécules sont encourageantes  (acide fumarique,  cladribine,  laquinimod) et seront suivies d'études phase III.

L'acide fumarique

Utilisé comme traitement du psoriasis, l'acide fumarique est un immunomodulateur dont les mécanismes d'actions devraient encore être précisés mais qui stimulerait les défenses naturelles de l'organisme en augmentant la production d'antioxydants notamment. L'étude phase II a porté sur 257 patients répartis en quatre groupes : placebo, 120mg x  2,  120 mg x 3 et 240 mg x 3 par jour. Comme cela devient de plus en plus fréquent, le groupe placebo a reçu la substance active après six mois ce qui rend impossible une évaluation des effets sur la progression sur une aussi courte durée.  Les doses les plus élevées donnent les meilleurs résultats, à savoir une diminution des plaques actives en résonance magnétique (IRM) de 69% et une réduction des poussées de 32%. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus avec les IFNs. Les effets secondaires sont caractérisés par des bouffées de chaleur et des troubles gastro-intestinaux. Ce qui est plus inquiétant est que 25 % des patients ayant reçu les fortes doses ont quitté l'étude pour intolérance.

La cladribine

La cladribine est un immunosuppresseur utilisé depuis longtemps dans le traitement de certains cancers du sang. Plusieurs études phase II ont déjà été réalisées dans la SEP. Pour des raisons de méthodologie, les résultats cliniques étaient difficilement interprétables mais une analyse des données radiologiques montrait incontestablement une nette diminution des plaques actives en IRM. Malgré cela, la firme à l'époque avait abandonné les études dans la SEP.
Il y a deux ans un essai phase III incluant 1327 patients a été mis en chantier. Les patients sont répartis en trois groupes : placebo, deux cures immunosuppressives par an (un comprimé par jour pendant 10 jours) pendant 2  mois consécutifs et quatre cures pendant 4 mois consécutifs par an. La durée de l'étude est de 2 ans. Par  après tous les malades sont mis sous cladribine à raison de deux cures par an. Les premiers résultats ont été communiqués par voie de presse et indiquent une diminution des poussées de 58% (supérieure aux IFNs) pour la faible dose et de 55% pour la forte dose. La cladribine est un immunosuppresseur très puissant dont l'action peut persister pendant plus d'un an. Il est à prévoir que les effets sur les plaques actives en IRM seront importants. L'étude comporte un groupe placebo suivi pendant 2 ans ce qui permettra d'apprécier l'effet sur la progression du handicap et il est probable que la cladribine freinera cette progression de façon significative. Les effets secondaires à long terme concernent des infections opportunistes et un dysfonctionnement du système sanguin.  La firme a obtenu de la « Food and Drug Administration » (FDA) une priorité de procédure  pour cette molécule.

Le laquinimod

Le laquinimod est un immunomodulateur dont le mode d'action reste mal connu mais qui a surtout un effet anti inflammatoire. Deux études phase II avec la molécule mère (linomide/roquinimex) avaient montré une diminution des lésions actives en IRM mais avaient du être interrompues pour complications graves. Un essai clinique chez 306 patients a été publié récemment. Il comporte 3 groupes : placebo, 0.3mg/jour et 0.6 mg/jour pendant 9 mois. La dose de 0.3 mg n'a pas d'effet significatif sur les lésions actives en IRM mais la dose de 0.6 mg entraîne une diminution de 55%. La réduction du nombre de poussées est de 33% c'est-à-dire comparable à celle obtenue avec les IFNβ. La durée de l'essai est trop courte pour apprécier l'effet sur la progression du handicap. Parmi les effets secondaires, à signaler des douleurs articulaires et dans la poitrine, des états grippaux, des infections virales et des troubles des enzymes hépatiques. Le laquinimod a également reçu une priorité de procédure de la FDA. .

Traitement "chronique"

On peut répertorier environ 80 études concernant une trentaine de molécules qui pourraient être administrées par voie orale. Mis à part le fingolimod, certaines sont des molécules utilisées depuis des années dans des maladies immunitaires ou cancéreuses. Leur tolérance est en général bien connue mais ces traitements ne sont souvent appliqués que pendant un temps limité. Or la SEP étant une maladie chronique, le traitement doit être « chronique » lui aussi. La tolérance à long terme reste donc un problème majeur pour évaluer le rapport risque/bénéfice de ces  nouveaux traitements. Avec un recul de près de 20 ans, on sait que la tolérance à long terme des IFNβ et du copaxone est très acceptable. Certes, leur efficacité est limitée, mais la plupart des nouvelles molécules (en dehors des immunosuppresseurs dont la tolérance est loin d'être aussi bonne) ne sont guère plus efficaces.

Des traitements par voie orale seront sans doute disponibles dans les années qui viennent. Toutefois, à efficacité égale, le confort de l'administration par voie orale ne devrait pas justifier une augmentation des risques d'effets secondaires. Ceux-ci ne se manifestant souvent qu'après plusieurs années, on peut s'inquiéter de voir la Food and Drug Administration accélérer la procédure d'approbation de certaines molécules. 

 source: Dr Richard E. Gonsette, Président de la Fondation Charcot