Contes de l'ordi sacré : La mobylette maudite 1

Publié le 08 juin 2009 par Porky

LA MOBYLETTE MAUDITE

 Conte insane et méridional pour adultes dévoyés

Episode 1 : Où le lecteur fait (très) rapidement connaissance avec l'environnement et où l'on retrouve Gudule en pleine crise de démence... Ca démarre sur les chapeaux de roue.

Marseille... Ah, Marseille...

 La Canebière, le Vieux Port, l'odeur du poisson pourri, le quartier du Panier, et j'en passe et des meilleures, tout cela, lecteur chéri, vous en trouverez une description précise à défaut d'être fidèle dans votre guide Michelin favori.

Et n'oublions pas le château d'If ! N'oublions pas surtout la balade en bateau à moteur vers cette ancienne prison forteresse, sur les flots bleus de la Belle Méditerranée, aux rivages enchantés, à l'écume argentée, aux vaguelettes irisées ! Quelle merveille, cette promenade ! Surtout quand le bateau tangue et roule et vous flanque des nausées pas possibles... Vous voyez arriver la rive de l'île avec un plaisir non dissimulé (du moins pour ceux qui n'ont pas le pied marin et l'auteur fait hélas partie de ces handicapés). Avec un peu de chance, au cours de votre visite, vous tomberez sur un guide local qui vous montrera avec force commentaires les cellules respectives d'Edmond Dantès et de l'abbé Faria, et vous soutiendra mordicus que la vieille chose malodorante que vous voyez dans ce cul-de-basse-fosse est la seule vraie réelle couverture de ce pauvre futur Comte de Monte-Cristo...

Marseille, c'est aussi le Marcel avec sa gentillette trilogie gnian-gnian et datée, dans lesquelles on trouve de mémorables sentences telles que celle-ci, prononcée par César lui-même au terme d'une conversation « d'homme à homme » avec son fils (prononcez avé l'assent) : « Le marin de Zoé, c'était pas un homme ». (Et non, c'était quoi : une grenouille ?)

N'oublions pas non plus « la Bonne Mère » qui veille sur ses ouailles du haut de ce machin innommable qu'un architecte au goût aussi saumâtre que dépravé a trouvé intelligent d'imaginer mais surtout de construire ! Cette chose immonde qui domine la ville et qu'on appelle Notre Dame de la Garde rend des points, dans le domaine de l'horreur et du mauvais goût, au fromage blanc médiéval qui domine une autre cité plurimillénaire et dont l'illustrissime M. Brun est un des plénipotentiaires les plus fameux. Ces deux cités peuvent s'enorgueillir d'un point commun : celui d'abriter une bourgeoisie nettement plus douée pour la finance que pour les arts, ce qui au fond n'a rien d'étonnant, le mauvais goût ostentatoire ayant toujours fait bon ménage avec les coffres-forts remplis d'argent mais vides de culture.

Et L'OM ? Ah, Seigneur, misère, j'allais oublier l'OM ! Que vous en dire, lecteur chéri, sinon que cette merveilleuse équipe a raté le titre cette année et puis voilà. Vous en connaissez sans doute bien plus long que moi sur ce genre de célébrité.

Et ce petit détour nous ramène à notre histoire, au moment où, un matin, dans le quartier du Panier encore vaguement endormi, un bruit effrayant de pétarade de mobylette s'éleva, précipitant les habitants hors de leur lit...

« Mon maître ! Mon maître ! Où es-tu, mon maître ? hurlait une voix dont la stridence le disputait à l'âpreté et vous faisait ressentir avant votre heure les derniers frissons de la mort. Mon maître ! Ca fait une heure, une journée, un mois, un an, un siècle que je te cherche et je ne te trouve point ! Mon maître ! Oh fais-moi un signe ! Je ne puis vivre sans... » La fin de la phrase se perdit dans le bruit d'enfer de la tonitruante mobylette qui, tel un engin fou, débaroulait  toute berzingue dans les rues du Panier, s'écrasait contre un mur, repartait, dévalait des escaliers et reprenait sa course folle vers un but connu d'elle seule. « Mon maître ! Réponds-moi, mon maître ! » glapissait Gudule, accrochée comme une sangsue au guidon de sa monture, les jambes croisées sous la selle, le haut du corps penché en avant, la tête désespérément levée vers le haut des immeubles. Le pot d'échappement traînait lamentablement à terre et ajoutait au bruit de tonnerre et de casserole désaccordée que laissait derrière elle cette mobylette atroce.  Une grande partie des habitants s'était précipitée aux fenêtres pour voir ce qui arrivait, et le passage de Gudule soulevait des tempête de protestations,de commentaires, et d'injures. « Qui c'est, té, cette pétasse hurlante ? Va pas bientôt la fermer, oui ! » « T'as pas fini de nous emmerder, dis, y a des enfants qui dorment, connasse ! » criait une femme hystériquement debout sur ce qui devait lui servir de balcon. Et elle jeta sur Gudule quelques litres d'eau froide.

Mais il en fallait bien plus pour fermer la bouche toujours ouverte de la sorcière du château d'Onyx Noir. « Mon maître, la vie sans toi est impossible ! » continuait-elle à brailler puis elle rentra dans une boulangerie, flanqua tous les pains et les croissants en l'air, renversa deux clientes et ressortit par la vitrine. « Mon Maître ! Réponds-moi ! Si tu ne veux pas me prendre avec mes r, je parlerai sans ' ! Mon Maît'e ! Sans ' ! Mon Mai'e ! Mon Ma' ! Mon M' !... » « Et en plus, elle parle mal, cette gadoue ! gronda un vieux qui sortait sa poubelle et à qui la mobylette folle déroba au passage son vieux pantalon troué. Et couillon de merde ! Me voilà en slip ! » gémit l'ancêtre en croisant les cuisses pour cacher qu'il n'y avait plus grand-chose à voir. « Mon M ! Mon M ! Mon M ! «  Le cri infernal retentissait dans tout le quartier et c'était un terrifiant pandémonium...

(Gudule l'immonde retrouvera-t-elle enfin son Maître à sorceller ? La mobylette folle ne va-t-elle pas commettre d'horribles crimes ? Les habitants de ce malheureux quartier de Marseille auront-ils besoin d'un psy et d'une cellule de crise après un tel traumatisme ?... Et ben, on vous dira ça une autre fois, d'accord ?)