« Confucius part d’un constat fort simple et à la portée de tous : notre « humanité » n’est pas un donné, elle se construit et se tisse dans les échanges entre les êtres et la recherche d’une harmonie commune. » dit Anne Cheng dans Histoire de la pensée chinoise. Hier soir, je suis allé chercher harmonie et humanité dans l’école élémentaire voisine, où l’on dépouillait les résultats de l’élection européenne.
Il y aurait besoin de beaucoup plus de moments comme celui-là. Nous nous recroquevillons sur nos petits problèmes, notre milieu étroit, nos médiocres idées prémâchées… Compter des bulletins, c’est appartenir à une communauté, c’est revenir aux origines de la France républicaine, et de notre très particulière démocratie laïque. Petite école bien tenue, modestes moyens mais organisation rigoureuse, et quelque chose comme le recueillement d’un petit groupe de personnes qui s’efforce de bien faire un travail modeste mais important pour le fonctionnement de la société. (Est-ce ce recueillement, ce sentiment de responsabilité, qui expliquent le rôle du rite chez Confucius, et dans la pensée chinoise : nos relations aux autres devraient revêtir le caractère, l’importance vitale, de la réalisation d’un rite divin ? Faire des relations humaines un rite, c’est les prendre au sérieux ?)
Quant aux résultats de l’élection, j’étais trop préoccupé d’ouvrir les enveloppes pour y faire attention. Il me semble que, dans les deux-cents votes confiés à mon groupe, Verts et, surtout, UMP étaient bien au dessus des tendances nationales et parisiennes. PS et MoDem m’ont paru bien bas.
Revenu chez moi j’entends un non élu du MoDem dire que le vote écologiste était un « choix de société », que l’électeur avait voté pour des valeurs universelles et non pour des enjeux locaux, bref qu’il avait été européen. Mais, n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Ce qui a marqué l’élection européenne, au niveau de l’Europe, n’est-ce pas, avant tout, la victoire de partis conservateurs ? Or n’est-ce pas le modèle conservateur qui est en faillite ? Pourquoi est-il récompensé ? Regardons ailleurs, les partis travailliste et démocrate sont des partisans fanatiques du business ; si bien que le mécontentement vis-à-vis de leur politique ne peut se porter que sur encore plus « pro business » et anti solidarité (les conservateurs en Angleterre). Je me demande s’il n’en est pas de même partout en Europe. Convaincue par la campagne de propagande la plus réussie de tous les temps, la gauche a cru que le marché était l’alpha et l’oméga. C’était grâce à lui qu’elle ferait le bien collectif. La recette était mauvaise. Elle a perdu son âme et son rôle historique, qui était la gestion des crises du capitalisme ?
Compléments :
- Sur le rôle du socialisme : SASSOON, Donald, One Hundred Years of Socialism: The West European Left in the Twentieth Century, New Press, 1998.
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