Dans ce café populaire, un couple un peu ravagé s'occupe d'un bébé. Elle a la voix gouailleuse, un gros pull noir, des cheveux courts sur la nuque et une longue frange. Elle se lève sans cesse, sort dans la rue, fume une cigarette, revient.
Il possède ce calme irénique de ceux qui ont pris les médicaments adéquats. C'est lui qui nourrit le bébé au biberon, avec une douceur recueillie. On ne voit que la petite tête presque chauve bloquée au creux du coude paternel et la manche d'un pyjama bleu.
Le journal m'apprend qu'un ancien ami a été nommé directeur de collection chez un éditeur de poésie. Jadis, il m'adjurait de faire une psychanalyse. Cette cure avait réussi, m'affirmait-il, à décupler sa créativité.
La mienne dépend de ce stylo dans ma main et du joli carnet noir. Il est si agréable d'y tracer des phrases. L'encre est noire, la page quadrillée, l'écriture voluptueuse.