La nuit

C’est l’heure où le silence fait sa moisson de mauvaises pensées.

Dans son fauteuil, tout un cortège d’interrogations lui serre la gorge :

Ne plus penser, laisser faire les choses…

Elle allume la télé.

Son esprit vagabonde, ailleurs…son attention n’est plus concentrée sur elle… mais sur la voix d’un journaliste.

Une présence.

Un monde qui frappe brusquement à sa porte, qu’elle laisse entrer pour se détourner d’elle-même… en vain.

Elle se lève…

Ouvre la fenêtre, allume une cigarette... non pas pour la fumer bien sûr, mais juste pour sentir son odeur...

La ville… devant elle.

Chaque lumière est comme un phare dans la nuit, une étoile.

Elle se dit que chacune de ses fenêtres, là tout autour d’elle… abrite des morceaux de vie, des secrets, un lot de bonheur et de peine… de peines.

En bas, la rue est déserte.

Le calme est brisé par moment par quelques silhouettes alertes… perdues dans leur manteau… se pressant pour se réfugier dans une bouche de métro ou dans la gueule d’un immeuble.

Le silence.

Le silence est si épuisant parfois…

Le froid…

Elle se réfugie à l’intérieur.

Tourne en rond dans ses deux pièces.

Mange, en tête-à-tête avec la télé.

Ils passent un film qu’elle a déjà vu.

Lequel ?

Une histoire d’amour…

Elle s’évade, joue le jeu… s’évade.

Mais cela ne suffit pas.

Plus jamais cela ne suffira.

Bien sûr, elle ferme les yeux, tout le poids de la nuit pèse sur elle.

Des rêves…

Le sommeil…

Et puis, enfin, blottie tout contre son coussin, elle s’en va se perdre ailleurs, au creux du sein réconfortant de la nuit.