Magazine Journal intime

Madeleine Raillon

Publié le 24 septembre 2007 par Stella

J’aime l’ambiance des bibliothèques municipales, faite de l’oppressante chaleur des respirations feutrées et du frou-frou tendre des pages tournées. J’aime me promener parmi les étagères surchargées, entre “sciences sociales” et “histoire contemporaine”, lorsque “histoire des religions” côtoie gentiment “informatique”. “Policier” vient après “littérature de A à L” mais avant “Antiquité”, dans une logique folâtre qui place la cote 700 au milieu de la 900.

L’autre jour, alors que j’hésitais entre relire Gustave Meyrink ou me lancer dans un nouveau Lucien Bodard, je repérai du coin de l’oeil un étrange ouvrage, ou plutôt une reliure format A4 posée sur un présentoir : Ma libération de Paris - 1944/1945, par Madeleine Raillon. Cette oeuvre faisait partie d’une collection rédigée par des auteurs inconnus, rassemblés dans une association dite “APA” visant à promouvoir les autobiographies.

Quelques lignes m’apprirent que cette dame avait vécu sa jeunesse dans mon quartier. J’empruntais.

Je n’aurai probablement jamais l’occasion d’entrer en contact avec Madeleine Raillon. Pourtant, j’aurais vraiment voulu la féliciter. Elle m’a fait vivre, quelques heures durant, la troublante époque de la fin de l’occupation et de la libération comme si j’y étais. Avec des mots simples, des phrases légères, elle décrit de façon magistrale sa vie durant la fin de la guerre et la libération. Si proche et si loin des grands personnages qui écrivaient alors l’Histoire, elle parle du Foyer Concordia, rue Tournefort, que je ne regarde plus, désormais, de la même façon. Elle dit sa lutte pour trouver du travail, manger, se loger, étudier. J’ai souffert avec elle des bombardements et de la peur, de l’obscurité et du froid. J’ai apprécié ses distractions, j’ai rencontré ses amies, et je me suis réjouie de la gaité retrouvée.

Ma tante, qui a vécu cette période avec sa mère et sa soeur dans leur appartement de la rue Lacépède, m’a souvent parlé des tireurs embusqués sur les toits, de l’armée du général Leclerc qui campait au Jardin des Plantes ou de l’effondrement d’une verrière - celle d’un garage, si j’ai bonne mémoire - qui avait inquiété tout le quartier. J’ai retrouvé cette ambiance dans le petit livre de Madeleine Raillon, un ouvrage délicieux. Je n’aurai qu’un regret, celui de savoir qu’il n’en existe probablement que quelques exemplaires, disséminés dans les bibliothèques publiques de la ville de Paris.


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