[Le premier épisode est là]
[Le second est ici]
[Le troisième est là]
[Le quatrième est ici]
Oui, c'est surtout moi qui songeait à m'agripper à elle, je n'avais pas l'intention de me le cacher, cette fois. Pas du tout. Quoi qu'il m'en coûta. Je voulais en terminer avec ça. Fallait que je décide. Que je mette en action. Je songeais de plus en plus à un ébat mais je ne me maudissais pas. Je savais d'où je venais. Par où j'étais passé.
Ca faisait bien longtemps, bien avant la prison en tout cas, que je n'avais pas eu cette sensation, l'impression qu'une chance, enfin, clignotait quelque part dans mon ciel. Il avait un visage, un prénom, un lieu. C'était rafraîchissant. Chaud. J'avais toujours aimé le chaud.
J'étais sûr d'une chose : il ne faudrait pas compter sur moi pour tendre l'autre joue. Ca non. Je n'en avais pas la moindre intention. Je me demandais seulement si j'en aurais la force. Je connaissais le combat. Avais-je l'énergie de m'y engouffrer ?
J'avais beaucoup de choses à faire. Je n'étais pas revenu ici depuis si longtemps... Et je n'avais encore rien regardé... Je n'avais pas osé, en fait. C'était au-dessus de mes forces, à ce moment-là. Pour le moment. J'avais évité ce retour avec tant d'assiduité, pendant plusieurs éternités, que je ne pouvais pas totalement être surpris non plus.
Je ne peux pas dire que je savourais l'instant, ça non. Me retrouver dans un café bondé, dehors régnait un ciel gris, il pleuvait, j'avais rêvé mieux. Et il n'y a pas si longtemps, je me serais prostré, j'aurais enfoui ma tête sous mes genous ou quelque chose de style-là, mais je sentais que quelque chose se passait, et j'avais envie de le savourer, ce moment. Pas tous les jours qu'on vous sert le dessert sur un plateau avec un sourire en prime.
La trouille me gueulait dans les oreilles et s'agrippait à mes jambes. J'avais la tripe si serrée que seule une épingle semblait pouvoir y pénétrer. Mon coeur s'agitait avec constance. L'échine s'était muée en ruisseau. La migraine était à la lisière des tempes. J'avais la bouche sèche et but un peu d'eau. Il faisait chaud, oui. Sacrément chaud et ça attaquait de partout. Mais sans me prendre pour un carnassier, j'avais dans un de mes tréfonds une once de sourire.
Sylvie avait déboulé. Je n'étais pas seul. Pas tout seul.
C'était en soi un événement. Le doc en aurait été ravi, je pense. Je l'aurais bien vu quelque part dans ce café, à me regarder, sourire en coin, se triturant le menton d'un air absorbé, concentré plutôt.