Hier donc, je vous contais combien j'étais révoltée de devoir voter chaque fois dans le (presque) unique bureau bourré massacre à toute heure du jour et de la nuit (enfin entre 8 et 13 heures, of course).
Je concluais cependant en admettant que faire la file un jour d'élection se révèle finalement un moment passionnant.
Morceaux choisis.
Le ciel est sombre en ce jour d'élection. Aussi sombre que ma cervelle, qui n'a toujours pas fait son choix : pour qui vais-je voter ? J'y connais rien, j'ai pas analysé les programmes des partis, ça m'intéresse pas, j'y crois pas, ça me saoule de devoir me lever me brosser les dents me laver me coiffer m'habiller pour aller voter. Et puis les rouch', j'en entends parler uniquement quand y'a des scandales et des dépenses inutiles. Et les bleus, c'est pour les très riches non ? Et les verts, me font peur avec leurs taxes. Et le FN, je m'en méfie comme de Hitler. Et les chrétiens devenus humanistes, j'ai rien à dire sur eux mais m'inspirent pas confiance. Bref, c'est le casse-tête. Mais je veux pas voter blanc, histoire que ça aille pas à la majorité. STOOOOOOOOOP. Foncez pas sur les commentaires, je rigooooole, je SAIS que ça va pas à la majorité, que c'est une rumeur, une légende urbaine comme on dit.
Bref, tout en marchant vers le bureau de vote, je pèse le pour et le contre. Et j'observe le va-et-vient étrange pour un dimanche matin aussi triste qu'un nuage perdu dans le ciel (et ce dimanche, c'est pas le cas, ce sont des troupeaux de nuages auxquels j'ai droit).
Une petite vieille dame aux cheveux tout blancs marche d'un bon pas. Elle a mis ses beaux habits. Ses habits du dimanche. Ses habits d'élection. Elle porte son sac noir vernis, aussi. Son beau sac du dimanche.
Un couple, bras dessus bras dessous, discute joyeusement. De quoi, je l'ignore. De leur choix de vote, du petit déj qu'ils vont ensuite s'offrir, au lit, tant qu'à faire. Du repas familial dominical traditionnel qui suivra, où papy lancera, comme à chaque dimanche électoral, un débat sur « qui a voté pour qui ».
Une famille se rend aux urnes. Et ça me rappelle le bon vieux temps. Le temps oùsque j'étais gosse. Le temps oùsque j'accompagnais mon pôpa dans l'isoloir. Oùsqu'il m'expliquait comment ske ça fonctionnait. Le gros crayon rouge. Ma fierté de môme d'avoir pu l'accompagner. Tiens, dans une semaine... la fête des pôpas. Emmenez vos gosses aux urnes, ils adorent ça.
Au loin, je repère mon bureau. Et la file. Comme d'habitude (Claude François). Moins pire que la dernière fois, semble-t-il. Mais pire que devant les autres bureaux. Je m'installe. Je sors ma convocation, ma carte d'identité (sale tronche, sur cette nouvelle carte électronique, moins pire que sur l'ancienne, mais sale tronche quand même, sacrebleu).
Les gens sont étonnamment silencieux. On est pourtant tous du même quartier. On a finalement quasi tous des noms de famille commençant par des lettres voisines. Voisins. Patronymes voisins. Ça devrait rapprocher non ? Non.
Un charmant jeune homme est rejoint par sa chérie. Elle a déjà voté, ailleurs (quand je vous disais qu'ailleurs y'avait pas de files, en voici la preuve). Elle annonce à son chéri qu'elle l'attend là, devant. Regards amoureux.
La file avance. J'observe la paperasse épinglée à l'entrée : règlement, loi, amendes, numéro du bureau, premier nom de la liste, dernier nom.
Devant moi, une femme s'impatiente. Son tour vient. Et c'est le drame. Elle n'est pas au bon bureau. Et refuse d'aller ailleurs. De refaire la file. « Déjà qu'elle n'en a rien à foutre des élections (sic), elle va pas encore attendre, titchu ». Elle s'énerve, tandis que le président du bureau lui explique qu'elle peut pas voter là. Il devrait lui préciser que le nombre de bulletins est compté, qu'elle doit aller là oùsqu'on l'attend, mais je doute qu'elle comprenne, tellement elle est énervée. Pas s'énerver ainsi un dimanche, c'est mauvais pour le cœur. Elle quitte les lieux non sans vociférer encore et encore. Tout le monde rit, ça détend l'atmosphère.
Elle est sympa, l'atmosphère, dans mon bureau. J'entends tout le monde rire sans cesse. Ça donnerait presque envie d'être (encore) assesseur. D'autant que le président, mmmmmh, le président... il est craquant comme un magnum chocolat noir. J'aime pas les magnums, je dois dire, pas du tout, mais quand on mord dedans, ça craque, voilà tout. Je craque encore plus lorsqu'il saisit ma carte d'identité (avec mon abominable tronche, mais soit). Dieu, pourquoi n'ai-je pas été convoquée comme assesseur, hein, mon Dieu, vilain Dieu pas gentil. Ce président, c'est l'homme de ma vie, qu'on se le dise (et dites-le à vos amis présidents dans le namurois, on sait jamais...).
J'entre dans l'isoloir. Gros problème avec mon énoooorme sac qui empêche le rideau de se fermer. Je me débats longuement afin de parvenir à m'isoler convenablement, sait-on jamais que des espions invisibles tenteraient de voir pour qui je vote.
Je m'isole, je noircis mes cases au crayon rouge (ça devrait s'appeler rougir une case non ?)
Puis je rentre chez moi, après avoir croisé deux collègues et voisines... le monde est petit ma bonne Dame.
Surprise par la pluie, j'arrive détrempée dans mon home sweet home, totalement déprimée par ce temps abominable pour un dimanche. Un dimanche d'élections, qui plus est... je m'affale sur canapé, canapé que je ne quitterai que pour rejoindre mon petit lit. Dimanche merdique, dimanche soporifique.
Pour qui j'ai voté, me demanderez-vous (ça se fait pas de demander ça, le saviez-vous) ? Finalement toujours pour le même parti, comme quand j'avais 18 ans et que j'étais si fière d'aller voter pour la première fois de ma vie, que je me sentais enfin grande, enfin une vraie personne digne de pouvoir s'exprimer. Je lui reste fidèle... envers et contre tout.
