Les hommes, elle les avait toujours voulus à la coque, brûlants, avec du jaune onctueux, et une toute petite pointe de noir dans le lait de leur âme. Le dernier en date ressemblait à la marée montante et elle aimait se jeter dans les vagues sombres de son corps. Son amie Marie avait dit, résignée.
- Encore un qui ne va pas faire long feu !
Elle n’avait pas eu tort, les salves avaient été de courtes durées. Des nuages noirs étaient très vite venus assombrir l’horizon et elle avait dû le faire disparaître au plus vite ; elle inventa une abracadabrante histoire astrologique.
- Avec Uranus dans la maison du scorpion, je ne peux plus rester avec toi sous peine d’être rayée de la carte amoureuse de mon ciel.
Il la jugea folle et lui répondit qu’à son stade, ce n’était pas un astrologue qu’elle devait consulter, mais un psychiatre ; elle le laissa dire, comme les autres…
Audacieuse, elle décida de changer l’assaisonnement de ses amours à la coque ; pourquoi n’utiliserait-elle pas, aussi, quelques petites asperges vertes, sauvages, cuites « al dente » dont elle se servirait comme mouillettes ? Sa nouvelle recette fut créée en un jour, alors qu’elle était assise sur la grève à écouter la mer ; et c'est ce jour-là qu'il sortit de l’eau, sceptre à la main, tel Neptune, pour rétablir l’ordre après la tempête. A même le sable humide, il lui fit découvrir cet étrange poisson argenté qui se débattait comme un beau diable au bout de son trident scintillant.
Le lendemain, Neptune disparaissait, comme il était venu, mais jamais elle ne l'oublia, car il avait laissé dans sa bouche le goût des asperges sauvages.
PS : texte qui m’a été inspiré par ce « collage », gentiment prêté par Pagenas, et son titre : « A la coque » Pour visiter son site : www.sucrebleu.com