Magazine Journal intime

Etre… ou ne pas être

Publié le 12 juin 2009 par Orangemekanik


Théo, c’est Théodore. Théodoré. Sa mère est espagnole. Son père portugais. Mais il est mort. Quand il avait quatre ans. Il s’est flingué. Lui aussi. Comme le mien. Sauf que lui, il s’en souvient pas. On parle souvent suicide, Théo et moi. La mort comme une échappatoire. Comme une ultime issue. Une délivrance. La mort comme une vengeance. Pour être aimé. De tous. Et pour toujours. La mort. Toujours la mort. Des fois je voudrais crever pour pouvoir me dire « ça… c’est fait ». Et ne plus avoir peur de vivre.

Momo comprend que Théo et moi on ait du mal à croire en la vie. Mais il parle jamais de la mort. Il sait pas encore ce que ça fait quand quelqu’un est coupable capable de t’oublier à ce point. Ton père. Ta mère. Ou ton meilleur ami. Croire que tu sers à rien. Que tu n’existes pas. Que c’est peut être de ta faute. Tout ça. J’aurais voulu qu’il sache jamais. Pour qu’il meurt pas. Un an plus tard. Et qu’il reste avec moi. Même sur un fil. Même en stand by. Même à passer à côté du temps qui passe. Ou qui passe pas. D’ailleurs. Putain… Pourquoi on n’est pas tous comme D’Jo ? Lui la mort, il la nique, D’Jo. Tout simplement. Tout bêtement, en fait. Sacré D’Jo. Des fois je l’envie d’être si… comment dire… décomplexé. C’est comme si son cerveau flottait à côté de lui. Et qu’il l’enfilait juste pour conduire. Ou pour remettre le rubicube à l’endroit en deux temps trois mouvements. C’est son petit effet kiss cool, à D’jo, le rubicube.

D’jo est le seul français du groupe. Avec Tom. Sauf que Tom, ça se voit moins. Disons qu’il en profite moins. D’jo lui c’est le prototype. Le français dans toute sa splendeur. Zéro complexe. 100% naturel. 200% mytho. Imbibé d’une éducation faite de valeurs ancestrales très hexagonales, il a un drapeau tricolore incrusté sous la peau. Un côté très cocorico que tantôt il arbore fièrement, tantôt il refoule. Il part du principe que le ridicule ne tue pas et ça se voit. Il est inébranlable. C’est le seul gars que je connais capable de se pointer en plein Ramadan un sandwich au jambon à la main en soutenant qu’il est Musulman. Par exemple. Ou de faire croire à qui veut bien l’entendre qu’avant, dans sa famille, ils avaient du sang noir. Alors qu’il est rose comme un Breton d’origine Picard. Et qu’il a tout au plus UN pied noir. Comme disent les autres. Les parents de D’jo sont pieds noirs. Ils disent tout le temps qu’ils aiment pas les Arabes. Mais quand la mère de Momo tombe malade, y’a cinq ans, y’a qu’eux qui s’occupent d’elle. Changent ses pansements. Lui font ses courses. Son ménage. Y’a qu’eux qui sont là. Je crois même que y’a qu’eux qui rentrent chez Mohamed. D’jo est pareil. En fait. Il croit qu’il est raciste. Mais il l’est moins que certains qui croient ne pas l’être. Comme cette femme qui me disait toujours qu’elle n’avait rien contre “ces gens là”. Les Arabes. Et que ça se trouve, y’en avait même des biens. Mon ex belle mère. Ninja. Qui n’était pas raciste mais qui pensait que Arabe c’était un gros mot.

Depuis qu’il a quitté la cité, D’jo n’a aucun nouvel ami. Avec Théo et Mohamed, ils se connaissent depuis tout petits. Alors tous les jours, il revient. D’jo est comme un cousin qu’on aime bien chambrer. Il fait partie de la famille. Sa voiture, également.

D’jo a une admiratrice secrète. Sur Marseille. Hélène. Une copine à sa mère qui a quinze ans de plus que lui. Je crois que des fois, il la saute. Quand il était petit, il lui a sauvé la vie en appelant les pompiers. Du haut de ses 6 ans. Alors qu’elle s’était évanouie. Un jour où elle était seule avec lui. A faire la nounou. Depuis elle l’appelle « son sauveur ». Raconte l’histoire en long. En large. Et en travers. Une histoire que Momo et Théo connaissent par cœur. Ca va être mon tour. Quand on sort de chez 3615 en pleine nuit, ce soir là, c’est chez elle qu’on atterrit.

Quand elle nous ouvre, ça se voit qu’elle sort de son lit. Elle a le visage chiffonné. Avec la marque de l’oreiller. Un faux pli sur la joue que j’ai envie de repasser. Normal. Il est deuze heures du mat. Elle porte une petite nuisette. Et des petites pantoufles de pupute. Avec des plumes sur le dessus. Les garçons lui disent que c’est pas très prudent d’ouvrir dans cette tenue. En pleine nuit. Sans même savoir qui c’est. A la surprise générale, elle nous répond qu’elle a reconnu le moteur de D’jo. Et sa façon de frapper. Momo et Théo se regardent. L’air consterné. De toute évidence, ils ne connaissent pas la suite de la petite histoire. Toute la nuit, on va y avoir droit. En live. Juste la bande son mais bon : oui définitivement, D’jo saute cette femme qui n’a visiblement que faire de garder un peu de mystère sur son intimité. Elle a bien l’intention que tout le monde sache qu’elle prend encore son pied. A 37 ans passés. Quand on s’endort, Momo, Théo, et moi, il fait d’jà presque jour. Au loin dans un sommeil semi paradoxal, j’entends des petites voix qui chantonnent. Comme des petits d’homme qui rigolent. On dirait la télé. Ou un cauchemar. Mais quand j’ouvre les yeux, je vois des mômes. Ils sont trois à nous tourner autour en farandole. En sautillant. Ah non. Y’en a un, c’est D’jo. Autant pour moi. Entre une maitresse qui pourrait être sinon sa mère, du moins sa tante… et ses deux rejetons de huit ans qui pourraient être si ce n’est ses frères, du moins ses petits cousins, D’jo ne sait pas trop où se situer. Apparemment. Et semble s’amuser autant avec des playmobils. Qu’avec celle qui les achète.

Pour des jumeaux, les deux fils d’Hélène ne se ressemblent pas tellement. Mais ils ont l’air aussi demeurés l’un que l’autre. Encore plus que ceux de Lynette dans les premières saisons de Desperate house wives. Y’en a un, c’est le genre que t’as envie de baffer dans la pub. Le genre plein de défenses naturelles. Qui saute à pieds joints dans la boue. Etale les pires tâches sur ses fringues parce qu’il sait que maman a le nouvel Ariel. Et que ça l’attendrit maman, ce petit bonhomme qui comprend pas qu’Ariel, ce sera toujours le plus fort. L’autre, il a plus le gout des choses simples. C’est le genre qui s’étonne. S’émerveille. Danse toute la journée. Rêve. Se concentre. Essaye. Encore et encore. Le genre qui fait grandir son imagination. Qui sait qu’apprendre la vie a ses parents, ça na pas de prix. Il est plutôt bonheur à tartiner. Tu vois ? Nutella. Ou Herta. Il est moins insolent que son frère. Plus calme. Plus réservé. Mais c’est le bouc émissaire de la mère. Lui qui prend tout. Tout le temps. Hélène n’a d’yeux que pour celui que tout le monde veut lyncher dès qu’elle a le dos tourné. L’excuse à tout bout de champs. Ricane bêtement de ses “mots d’enfants”. Elle est en extase devant sa tête à claques. Tu te dis que le mieux qui puisse lui arriver, à ce p’tit bout qui t’inspire tout sauf l’innocence, c’est de croiser quelqu’un, un jour, qui lui apprendra la vie mieux que sa mère. Et qu’après deux ou trois cicatrices sur son petit minois ingrat, déjà sournois, vicieux et capricieux, il devienne un peu moins puant. Sinon il survivra jamais. C’est vrai. Y’en a trop, ils font croire à leur môme que la vie est toute douce. Que c’est comme un grand manège enchanté. Et que c’est toujours eux qui auront le pompon. Et après ils s’étonnent : « Ouais mon fils c’est le benêt de sa classe. Tout le monde l’appelle Simplet. Tu crois que je devrais l’emmener voir un psy ? » Ben non… juste… si tu lui a fait des couilles, dis lui que c’est pas que pour faire des bébés. T’as envie de dire.

Quand elle arrive, Hélène est déjà prête. Elle est maquillée. Coiffée. Tirée à quatre épingles. Elle a même eu le temps d’acheter des croissants. Je sors à peine du canapé qu’elle me demande si j’aime les enfants. Je lui réponds que oui. Que je les adore. Même. Mais pas tous. Et pas tous les jours. Elle rigole. Elle porte un tailleur bleu marine façon hotesse de l’air. Et elle a relevé ses cheveux en un joli chignon que son petit lutin vient défaire inopinément, tirant d’un coup sec la baguette qui le maintient en place. Elle glousse. Mais la patience d’Hélène a quand même des limites. Faut pas croire. D’ailleurs, quand il revient à la charge avec son pistolet à eau, elle le lui dit très distinctement :

« Maintenant tu arrêtes, Noël. Tu “m’éxasperges” mon p’tit connard… euh… cAnard. ». A bout de nerf, elle en perd son latin. Je connaissais d’jà “éxabuser”. Un mix entre “éxagerer” et “abuser”. Mais “éxasperger” j’ai trouvé ça pas mal. Aussi. Comme mot. De circonstance. Noël ! Quelle idée aussi! Il manquerait plus que l’autre s’appelle Léon. Il s’appelle Léon. 

Pour son âge, Hélène est encore pas mal. Je me dis que j’aimerais bien être comme elle. Dans dix ans. Mais en plus pudique. Parce qu’à force de nous raconter avec force et détails les joies de sa grossesse passée… les nausées… les vergetures… la naissance des petits au forceps… j’ai l’impression de connaître son anatomie sous toutes les coutures. En gros plans très chirurgicaux. Et que je repars non pas avec une photo. Mais avec une radiographie de l’intérieur de son corps. Une échographie se son vagin et de son utérus. Avec un zoom sur l’épisiotomie et le périnée. Un périnée de jeune fille, comme elle dit, qu’elle a musclé pendant des mois grâce à la méthode infaillible du stop pipi. Mais pas assez apparemment : elle a encore quelques fuites urinaires. Je compte même plus le nombre de fois où elle prononce des mots que je me suis toujours juré de ne jamais employés.

Si je lui réponds oui, je sens qu’elle va me questionner sur les coulisses de ma gestation. Alors quand elle me demande si j’en ai, moi, des gnomes en culotte courtes, je lui réponds que non. Je le sens pas de parler de mes ovaires. Qu’on me voit comme une vache laitière. C’est que trois jours plus tard, quand Mohamed me demande c’est qui que j’appelle “mon poussin”, en dormant, que je lui dis que c’est mon fils de trois ans. Que j’ai un futur ex mari. Que je sors d’HP. Que j’ai quitté Paris pour pas y retourner. Il me comprend. Il a un pote qui en a fait. Et qu’avait préféré la prison. Toute façon, tout ce qui commence par psy, Momo il y croit pas.

C’’est quand Hélène enchaine sur ses diarrhées chroniques et la coloscopie qu’elle doit passer demain que je décide de renoncer à mon deuxième croissant. D’jo, à une deuxième nuit d’amour avec elle. Je sens qu’il va mettre du temps à la retrouver glamour. A oublier certaines images trash. J’ai juste le temps de prendre un bain. De me changer. Et on décolle. Direction la cité d’hier soir. Cette fois ci tout le monde est là. Mais il pleut. Il caille. Y’a que des gars. Je suis timide. Eux aussi. J’ai surtout très envie de dormir. Alors je reste dans la voiture. Allongée sur la banquette arrière de la golf, je les entends qui parlent de moi. La parisienne. En imitant exagérément l’accent de la capitale. Pas pour se moquer. Pour rigoler. Dommage que je sois pas d’aplomb. Que je puisse pas lutter contre un sommeil de plomb. Mes paupières sont lourdes comme… un cheval mort

:)
Et pendant le show, malgré moi je m’endors. 

Pendant quinze jours, on vit à l’arrache. Dans la voiture. La nuit, on y dort. Le jour, on roule. Toute la journée. Des kilomètres. Des joints. On va partout. A Nice. A Marseille. A Saint Tropez. A Monaco. Un jour, on monte même à Paris pour que je mette des pièces dans la consigne que je squatte. Gare de Lyon. Avec mes biens les plus précieux. Dans mes deux sacs, j’ai juste le strict nécessaire. J’en profite donc pour prendre un certain nombre de choses. Notament le fameux magneto où je m’enregistre. J’ai envie de raconter tout ce que je vis. Les allers retours. De ville en ville. De cités en cités. De maisons en maisons. Chez les gens. Toutes sortes de gens. De toutes catégories. De toutes les couleurs. De tous les âges. Ca va du gars de la rue qu’on dépanne de quelques joints. Et qui paiera jamais. Au couple bien loti. Qui paie pour lui. En fait. Comptant. Et tout content. En passant par des étudiants. Des chômeurs. Des ex chômeurs. Comme Gérard. Ce gars qu’a un camion pizza. Qui nous rince à l’œil. Et qui va pas tarder à déposer le bilan. A mon avis. C’est le genre ex facho repenti. Quand ils l’ont connu, sa femme se faisait agresser par deux inconnus. Et au lieu de foncer dans le tas, il appelait au secours, le con : « Au secours ! Au secours ! Ma femme va se faire violer ». Tout juste s’il cherchait pas le commissariat le plus proche pendant que sa femme se faisait démonter. Encore une mère qu’a oublié de dire à son fils chéri de ne pas oublier ses parties. Pourtant c’est un bonhomme Gérard. C’est pas un gringalet, je veux dire. C’est ça que j’aime pas chez les gens trop biens : leur manque de réactivité. Ah bon ? Tu dis lâcheté toi ? Je sais pas. Ces gens là, ils croient tellement qu’ils vivent au pays de “oui-oui” que tu veux qu’ils fassent quoi, avec leur bonnet à clochettes, face à l’adversité, à part appeler leur mère ? Depuis, sa femme l’a quitté. Mais une ou deux fois, on va dormir chez lui. Y’a la télé. Une collection de films vidéos. Et une baignoire.

La seule zone interdite qu’on évite à tout prix, c’est Toulon. La basse ville. Le port. Et la Seyne. Partout où Théo est grillé. En fait. Car Théo est wanted. Il a commis le délit de faire justice lui-même. Et de récidiver. De faire comprendre deux fois au même fils de pute que c’est pas bien de balancer. De perdre autant sa dignité. Son honneur. Que ça se fait pas de se manquer de respect à soi même, comme ça. Surtout quand tu dois encore de la maille. La première fois, il lui a juste mis un petit coup de pression. Du poing droit. C’est rien comparé à deux jours de garde à vue. Franchement. Mais le gars, il a porté plainte. En ajoutant à sa déposition une bonne dose de mytho. C’est le genre économiquement viable. Financièrement crédible. Bachelor bien sous tous les rapports.Le genre qui se croit fort qu’avec des procédures légales. Des juges. Des flics. Ca fait des années que Théo, quant à lui, est dans la ligne de mire de ces Messieurs de la force de l’ordre. Son casier judiciaire est loin d’être vierge. Des petits délits qui le poursuivent. Il écope donc de quelques mois de sursis. Et doit payer des dommages au looser. Forcément ça énerve. Alors pour que le gars, il comprenne mieux, Théo lui ré explique. Mais mieux. Le problème avec Théo, c’est qu’il est beaucoup trop humain. Et quand le gars le supplie de ne pas le tuer… reconnaît qu’il est une ordure… et jure qu’il ne portera pas plainte, il lui laisse une deuxième chance. Théo est un idéaliste. Il a une grande confiance dans la nature humaine. Il comprend pas qu’une parole de pute reste une parole de pute. Le soir même, le pouri reporte plainte. Depuis, c’est la galère. Ca fait des mois que ça dure. Qu’il ne peut plus rentrer chez lui sans prendre mille précautions. Les flics se sont encore pointés chez sa mère. Hier. Elle sait plus quoi leurs dire. A force. Nous confie-t-elle. L’air mi désabusé. Mi résigné. Alors qu’elle nous prépare un copieux petit déjeuner.

« T’as qu’à leurs dire que je suis mort », lui lance alors Théo. Sans aucun état d’âme. Et fidèle à lui-même. Avant de disparaître dans la salle de bain.

Théo a une sœur. Philomène. Elle a dix ans de plus que lui. Elle l’a beaucoup couvé. Petit. C’est comme une deuxième mère pour lui. Elle vient de quitter le Nord de la France. Son mari. Un Ch’ti. Un routier au chômage qu’elle trouvait trop présent, finalement. Depuis qu’il était tout le temps là. Mariés depuis dix ans, elle voulait toujours pas d’enfant. Lui, si. Il lui en voulait de croire qu’il était comme son père. Et qu’il pourrait l’abandonner, un jour. Alors un jour, il l’a quitté. Comme son père. Elle est revenue dans la cité. Chez sa mère. Une mère qui l’a mise au monde quand elle avait quinze ans. Et qui à vingt neuf, était déjà veuve.

Entre une fille qui ne la fera jamais grand mère et un fils qui ne la ménage guère, Carmen est une femme de devoir. Et de cœur. Une mère dévouée. Ses enfants, c’est toute sa vie. Depuis que son mari est mort, elle n’a jamais voulu la refaire. A 47 ans, elle est encore très belle. Elle ressemble à Fanny Ardent. 

« Fanny Ardent qu’aurait fait des ménages toute sa vie alors… » ajoute-t-elle alors en riant. Avec son accent à la Victoria Abril. Philomène me confie que sa mère est une coquine. Que ça fait pas si longtemps qu’on ne les prend plus pour des sœurs. Toutes les deux. Et qu’elle le sait très bien.

Carmen est couturière. Mais l’été, elle fait le ménage dans les villas des riches. Des demeures qui restent inhabitées le reste de l’année. Y’en a une, y’a une caravane. Dans le parc. Elle a les clés. Elle propose de nous y installer jusqu’à la fin de l’hiver. Le temps de nous retourner. C’est près du Lavandou. Pas très loin de la plage. A pieds. Y’a pas de voisins directs. Et Les propriétaires sont à Paris. Ils ne viendront que cet été. Nous explique-t-elle. On n’aura pas accès à l’intérieur de la maison. Mais dans le garage, y’a des toilettes. Un lavabo. Et une douche. Froide. Mais ça réveille. Comme elle dit. En fait, c’est le contraire. Ca endort. Tu sens plus ton corps. Et sur la tête, c’est mission impossible. L’eau est encore plus gelée que la mer. Alors pour les douches, tant que c’est l’hiver, je reste fidèle au Formule un. Y’a de l’eau chaude gratuite. Et à volonté. Ca fait des jours que je rêve de dormir les jambes dépliées. Allongée de tout mon corps. Toute une nuit. Sans avoir à ouvrir les yeux. A faire tourner le moteur toutes les deux heures tellement il caille. Mi février, on investit les lieux.

Dans la caravane c’est tout petit. Y’a pas de chauffage non plus. Mais y’a des couvertures. Et de l’électricité. Dans la « pièce à vivre », un coin repas composé de deux banquettes recouvertes d’un tissu écossais d’un gout douteux, et d’une table, se transforme en un lit d’appoint astucieux. Deux places. Dans le fond, un rideau opaque à rayures noires et vertes dissimule une habile chambre à coucher au confort tout aussi relatif. Mais dans le garage, y’a un baby foot. Un flipper. Et une armoire Normande énorme pleine de jeux de société. De plein air. Et d’albums 33 tours. A l’ancienne. Y’a aussi une machine à laver. Finies les journées lavomatic. On peut même se faire du café. La mère de Théo a tout prévu. Cafetière électrique. Linge de toilette. Vaisselle. Elle a pensé à tout. Jusqu’au réchaud à gaz qu’elle a depuis longtemps. Et qui fonctionne encore.

Les premiers jours, on vient là que la nuit. Pour dormir. Dans la journée, il fait pas chaud. Alors tant qu’on a de la thune pour mettre de l’essence, on roule. Comme avant. Encore et toujours. On va à droite à gauche récupérer de l’argent. Pour pouvoir mettre de l’essence. Pour pouvoir récupérer de l’argent. Partout où ils passent, Momo et Théo sont des stars. Leur tchatche, c’est leur moyen de survie. Ils ont un système D redoutable. Avec eux, je ressens la vie dans les extrêmes. De l’adrénaline en puissance. On fait la même chose tous les jours. Mais aucun ne se ressemble. On se nourrit de liberté. D’amitié. D’eau fraiche. De pizzas. Et de frites. A la caravane, y’a toujours des pates. Le soir, des potes qui passent nous voir. On se fait des soirées dans le garage. Affalés sur des matelas de plage. Avec eux je suis tellement  bien que je voudrais mourir. Pour que ça s’arrête jamais. Le Paradis sur terre. Les doux leurres. Jamais j’aurais pensé que quatre mois plus tard, Théo mettrait les voiles. Direction les étoiles. Et que ça ferait si mal qu’on voudrait tous  crever. Pour que tout s’arrête net. L’enfer. Et la douleur.

éé

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