Magazine Journal intime

Le Manuel De La Mauvaise Mère.

Publié le 12 juin 2009 par Mélina Loupia
14h45, soleil de plomb.

"Maman?
-Possible, c'est qui?
-Oué, je suis devant le lycée là, t'es où?
-Devant le lycée, mais Francette la 107 est cachée par un énorme camion.
-L'estafette blanche là?
-Si tu veux.
-J'arrive tout de suite, oh, je te vois.
-Et dire que t'as 16 ans... Bon allez, à 3, je raccroche. 1, 2...TTENTION LA PORTIERE DE LA VOITURE A COTE!"

Tous les vendredi, c'est pareil, même rituel.
Mais hier, c'était pareil, à un petit détail près que c'était différent.
L'interné avait enfin eu la moyenne en sciences physiques.
Fallait fêter ça.

Il voulait des cartes Magic.
Il était allé en repérage avec ses compagnons de chambrée la veille et m'avait assurée que c'était "pas loin maman le magasin en 2 minutes on y est."

15h, après avoir entassé le sac, la valise et ses jambes, je demande au caisson de basse de me guider à travers la ville.

"Bon c'est où ton magasin de cartes?
-En ville.
-En ville comme centre-ville ou en ville comme devant le lycée?
-Centre-ville, devant le collège.
-PARDON? En plein centre-ville un vendredi? Mais mon pauvre enfant, tu as ingurgité de la drogue? On va JAMAIS avoir le temps, c'est que me faut faire les courses ensuite et on doit être rendus à la maison pour 16h30 je pense que tu n'as aucune notion du temps de ceux qui bossent.
-Mais arrête, tu verras c'est super pratique pour se garer, y a un parking gratuit juste en face.
-GRATUIT? Tu sais ce que ça veut dire gratuit? Juste que la moitié de la ville aura pensé la même chose que toi...
-Je t'aiderai à faire les courses je pousserai le caddie jusqu'à la maison s'il le faut maman."

Et le voilà entortillé autour de mon cou, à me supplier de déroger à mon emploi du temps serré comme un petit noir au comptoir à 7h du mat'.

"Lâche-moi tu m'empêche de passer la 1ère, c'est bon t'as gagné on y va."

En 5 minutes, comme si tous les urbains avaient soudain été pris d'une énorme compassion, nous gagnons la boutique, traversant la ville comme un suppositoire le gros colon.
En 2, je débourse 23 euros.
En 3, nous nous garons à la Starsky sans Hutch sur le parking de Ed'.

Effectivement, l'enfant dégoulinant de sueur musquée et de reconnaissance a volé dans les rayons, me retrouvant à l'instinct, les bras chargés du contenu de nos placards.

Dingue, s'il a effectivement consommé des stupéfiants, ce sont les bons.

Et même mieux, à la caisse, il a suscité l'admiration d'une gentille mamie aux cheveux violets, qui avait refusé de passer avant moi avec son kilo d'abricots importés, sous le prétexte inouï qu'elle avait le temps, ELLE. ( Le monde devait tourner à l'envers hier, en fait, mais j'ai rien dit, c'était tellement bon.)

"Alors là, un jeune homme qui aide sa maman à emballer les courses, alors là, bravo, je vous félicite à tous les deux, vous l'avez bien élevé et toi, tu es adorable avec ta mère, ah ça, on en voit pas à chaque coin de rue des jeunes qui rendent service, tous des peigneurs de girafe.
-Merci madame, mais c'est normal, j'aide toujours ma mère, je vais pas la regarder à rien faire.
-Oui, et surtout, il vient d'avoir un cadeau alors vous comprenez...
-Et voilà! Putain, c'est toujours pareil avec toi, tu crois toujours que quand je t'aide, je veux quelque chose.
-Ah non, quand tu m'aides, c'est que tu me remercies d'avoir eu quelque chose. Et on dit pas putain devant les gens."

Le monde tournait à l'envers, la preuve, j'étais de très mauvaise foi.

Mais 2 jours avant, dans le train, j'avais lu Le manuel de la mauvaise mère, c'est pas ma faute.


Mother and Child Reunion - Top 40 1972 - Week 07 - Paul Simon

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