Celui qui vient aux renseignements sur l’état de la phrase française / Celle qu’intrigue ton intérêt latéral pour les sophistes chinois Houei Che et Kung-suen Long / Ceux qui vivent en douce le fait qu’A puisse être simultanément non-A / Celui qui nettoie les vieux mots qu’il a trouvés au grenier / Celle qui estime que les greniers sont les caves du ciel / Ceux qui lisent du Claudel dans les salles d’attentes et les forêts / Celui qui écrit un faux journal pour égarer l’indiscrétion de sa locataire psychanalyste / Celle qui régente les lectures de ses sept fils / Ceux qui pensent le matin, Dieu, oui, et Dieu non le soir, ou l’inverse / Celui qui note au passage que « la mer est une vue sur Dieu » / Celle qui inspecte le ciel andalou avec la conviction que les saintes espagnoles lui font des signes / Ceux que la poussière d’église fait éternuer au déplaisir des accros du silence divin / Celui qui a pignon sur feuillage / Celle qui pouffe quand Robert la remercie d’exister / Ceux qui ont opté pour l’effacement des personnages de philosophes dans la peinture chinoise multiséculaire / Celui qui se dit le chien d’aveugle de Dieu / Celle que son prénom de Solange agace de plus en plus / Ceux qui campent sur leur opposition / Celui qui se trouve dans la rue parisienne comme à la maison / Celle qui reconnaît l’évidence sacrée des objets en nettoyant sa brosse de chiottes à l’eau claire / Ceux qui entrevoient le vrai contemporain point tout à fait réductible au Profond aujourd’hui de Blaise Cendrars / Celui qui accuse le poète de mensonges / Celle qui préfère entre toutes la compagnie du merle de l’aube / Ceux qui prennent le train du monde sans vérifier sa destination / Celui qui se demande tout haut ce que les abeilles bourdonnent tout bas / Celle qui résiste en souriant à l’avancée non moins souriante de dame Connerie / Ceux qui habitent toute la maison, etc.
Image : Philip Seelen
(En lisant Pratique de l’éloge de Pierre Oster. Gallimard, 2009.)