Pierre-Olivier Arduin, qui était présent à Marseille le 9 juin au premier "forum citoyen" des états généraux de la bioéthique s'étonne de certaines lacunes constatées dans la formation du "jury citoyen" :
"Consacrée dans sa première partie à la recherche sur l’embryon, les échanges entre le panel de citoyens représentatif de la population de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et le comité d’experts n’ont pas toujours été à la hauteur des enjeux. Comment expliquer par exemple que le jury citoyen ignorât jusqu’à l’existence de la découverte des cellules iPS après avoir pourtant bénéficié de deux week-ends de formation ? Comment comprendre que ce qui est considéré dans la communauté scientifique internationale comme l’une des plus grandes révolutions de la biologie cellulaire de ces dernières années n’ait été abordé qu’en passant à la fin de la matinée ?"
C'est pourquoi Pierre-Olivier Arduin a demandé à Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune, de revenir pour les lecteurs de Liberté Politique sur tous ces sujets primordiaux. Extraits de ce long entretien (intégralité ici) :
"En somme, la raison invoquée pour instaurer un régime d’autorisation pérenne [de recherche sur les embryons] est paradoxalement la même que celle invoquée en 2004 pour instaurer un régime expérimental de cinq ans. En 2004, la recherche sur l’embryon n’avait encore rien trouvé, en 2009, elle n’a toujours rien trouvé ! C’est donc l’absence de résultats obtenus par les recherches sur l’embryon qui va justifier qu’on favorise une recherche qui ne trouve pas, alors qu’il existe une recherche qui trouve. Car ce qui s’est passé d’important depuis la loi de 2004, ce ne sont pas les progrès enregistrés par la recherche sur l’embryon, il n’y en a eu aucun, mais c’est la découverte de la reprogrammation cellulaire (iPS) du Pr. Yamanaka, en 2007. Ces cellules reprogrammées à partir de cellules somatiques adultes sont pluripotentes et donc équivalentes aux cellules embryonnaires. Elles présentent les mêmes caractéristiques, leurs réactions in vivo et in vitro sont identiques à celles des cellules embryonnaires. Comment imaginer pouvoir s’en passer ? (...) Jamais la recherche sur l’embryon n’a été moins nécessaire qu’aujourd’hui et c’est le moment que choisit le Conseil d’État pour lui donner un statut d’autorisation pérenne. En 2004, on pouvait comprendre, même si l’on ne souscrivait pas à cette solution, la mise en place d’un système expérimental, limité dans le temps, et voué à devenir caduc dès qu’une alternative à la recherche sur l’embryon se présenterait. En 2009, nous nous trouvons exactement dans la situation imaginée par la loi de 2004 : il existe depuis 2007 une méthode alternative d’efficacité comparable. La conclusion s’impose d’elle-même : il faut arrêter la recherche sur l’embryon (...)
(...) serait-ce donc à l’industrie pharmaceutique que le Conseil d’État pense réserver le bénéfice de la recherche sur l’embryon ? Une telle philanthropie à l’égard du capitalisme est touchante mais l’on ne manquera pas de s’inquiéter que des fonds publics puissent venir en aide au secteur privé pour lui fournir, à bon prix, des embryons humains en guise de souris de laboratoire et en franchise de préoccupation bio-éthique ?
Ce que j’ai dit aux députés — et je crois qu’ils y ont été très attentifs — c’est que la loi Veil ne doit pas être sur-interprétée : elle ne donne strictement aucun droit aux chercheurs sur l’embryon humain et ne le transforme absolument pas en matériau de laboratoire, disponible pour les paillasses des scientifiques ! (...)
C’est pourquoi, conformément aux intentions de la loi de 2004, j’ai proposé de maintenir l’interdit de la recherche sur l’embryon et de ne pas reconduire le moratoire de cinq ans. Les dérogations sont en effet inutiles puisque modélisation et criblage moléculaires sont désormais possibles sur les iPS. Les seuls arguments pour prolonger le moratoire seraient idéologique et économique et n’ont donc pas à prévaloir sur un plan éthique. J’ai demandé aussi que soit respecté l'article L. 2151-2 de la loi de 2004 qui dispose que la conception in vitro d'embryons à des fins de recherches est interdite (...)