La confession (gballand)

Publié le 16 juin 2009 par Mbbs

La première fois qu’il l’avait vue, elle sortait de l’église. Il n’était pas homme à bondieuseries, mais il n’avait rien contre les vierges.

Elle entrait  dans l’Eglise Saint Sulpice à 14 h et en ressortait 35 minutes plus tard, montre en main. Il sut ensuite qu’elle allait se confesser. Que pouvait-elle bien raconter au prêtre ? Elle était pâle, le visage long et mélancolique, un peu à l’image de ces madones qui ont fait les beaux jours de la renaissance.

Il aimait  les femmes aux visages tristes, sans doute pensait-il qu’il pourrait les abreuver à la fontaine de son rire.  Il l’avait abordée le quatrième jour, avec une phrase passe-partout.

- Je suis sûr qu’on se connaît.

Le plus sérieusement du monde, elle lui avait répondu.

- N’aviez-vous pas remarqué que vous me surveilliez ?


Sa question l’avait agréablement surpris et il avait aussitôt enchaîné.

- Vous êtes croyante ?
- Moi ? Croyante ? Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Mais tous les jours, vous venez vous confesser.

Elle avait souri en lui faisant cette réplique énigmatique.

- Aller au confessionnal ne veut pas forcément dire se confesser.


Si elle ne se confessait pas, que faisait-elle, alors ?
Il l’invita au café, elle le suivit sans se faire prier et leur première conversation avait parcouru les plaines calmes des lieux communs de ceux qui s’observent.  Il n’apprit rien de plus sur elle, si ce n’est qu’elle travaillait à mi-temps dans une librairie. En l'examinant attentivement, il se rendit compte qu’elle n’était pas belle, mais mystérieuse.


Il avait insisté pour la voir le jour suivant et celui qui avait suivi. Il désirait ardemment son mystère comme d’autres auraient désiré son corps. Elle lui fit cadeau de son histoire le septième jour et il but ses paroles  jusqu’à l’extase. Elle savait raconter comme personne,  et ménageait de petites  trêves orgasmiques que seuls les amants peuvent connaître.  Encore aujourd’hui, il se souvient de l’intensité de la jouissance ressentie lorsqu’elle lui avait chuchoté le dénouement.


Quinze ans ont passé, mais aujourd’hui, il sent encore le souffle de ses mots qui caressent son oreille : « Chaque jour, il me  raconte ma mère qu’il a aimée dans l’intimité de ce confessionnal. Il me dit que je ne dois pas lui en vouloir. Il me dit aussi que je lui ressemble… ». 

PS : ce texte a été écrit à partir de ce "montage", gentiment prêté par Pagenas. Pour voir son site : www.sucrebleu.com