Arrêt Des Notes, Des Cours, Du Savoir-Vivre?

Publié le 17 juin 2009 par Mélina Loupia
Mais juste avant, un bon petit dernier coup de stress.

C'est qu'il a pas encore quitté sa 2nde qu'il faut déjà l'inscrire en 1ère. C'est d'un inachevé tout ça.

Alors il m'appelle à 13h.

"Faut que tu m'amènes le dossier de réinscription, je dois le rendre à 14h.
-Il est 13h là.
-Bé c'est bon, tu seras là à l'heure.
-On peut dire que tu as une sacrée chance, j'avais rien prévu cet après-midi, surtout pas de prendre la voiture."

13h45, j'arrive devant le lycée.
Il fait à peu près 48 degrés à l'ombre qui a décidé elle aussi, d'aller prendre le soleil ailleurs que devant le lycée.

"Je suis devant le lycée, je suis en ébullition et si tu ne viens pas chercher ta pauvre mère, pas de 1ère ST2S.
-Mais maman, c'est pas 14h, je viendrai te chercher DEVANT le lycée à 14h."

Il ne le sait pas, mais je le vois en train de me parler, à l'écart de ses copines, qui l'encerclaient juste avant que son téléphone ne sonne.

Nous nous trouvons à 50 mètres l'un de l'autre, et c'est le monde à l'envers, c'est lui qui viendra me chercher.

Lorsque nous débarquons en silence devant la salle des réinscriptions, toute sa classe est là.
La fameuse classe qui l'a tant saoulé toute l'année.
La fameuse classe que je n'ai pas arrêté de lui dire qu'elle était juste pareille que toutes les autres et que c'était peut-être lui qui saoulait la classe.

Et puis le professeur principal est arrivé, avec les bulletins et les décisions du conseil de classe pour l'an prochain.
Longue, mince, déjà bronzée, peu maquillée mais radieuse, elle ne doit pas être plus âgée que moi.
Souriante et pétillante, son jean et son débardeur la font se fondre avec la meute d'ados excités qui lui fond littéralement dessus.

Ils ne comprennent pas le papier qu'on leur a donné, ils veulent aller se baigner, rentrer chez eux, rejoindre leur amoureux, leur copine, leur mère, leur petit frère.
Chacun y va de sa "Madame, madame, alors qui doit signer? Je mets quoi en option? Et si je veux changer de lycée, je mets quoi? Quel dossier? Comment on peut pas partir? Putain madame je vais tout péter, ça me casse les couilles grave là."

Elle a trouvé mon regard, compatissant, elle n'en espérait pas tant.

Elle a hurlé sans même prendre sa respiration ni avertir.

"VOUS ALLEZ ME FAIRE TOMBER DANS LES POMMES RECULEZ-VOUS VOUS M'EMPÊCHEZ DE RESPIRER!"

Ils ne se rendaient pas compte qu'ils lui posaient environs 20 questions à la seconde, pour la plupart les mêmes, et qu'elle a tenté d'y répondre, calmement d'abord, puis sur un ton plus agacé, comme si elle avait décuplé son acuité auditive et visuelle, zoomant sur l'élève qui demandait ci, écoutant celui qui se demandait quoi et apaisant les peurs du dernier qui ignorait quand, le tout en même temps.

Ils ne se rendaient pas compte qu'ils l'étouffaient littéralement, chacun bousculant l'épaule de l'autre pour tenter de retenir son attention en la collant au plus près.

Ils ne se rendaient pas compte qu'ils ne respectaient rien, ni les règles essentielles de politesse ni de bienséance, ni d'intimité.

Impolis, impudiques.

C'est au 10ème " Putain ça me casse les couilles madame vous me répondez pas", qu'elle a pris un ton différent, que visiblement ils ne l'avaient pas entendue emprunter de toute l'année tant ils se sont rapidement reculés, les yeux écarquillés.

" On va ouvrir la salle de permanence et procéder aux réinscriptions, dans l'ordre alphabétique. Je vous ai donné ce dossier à remplir du mieux que vous pouviez avec vos parents il y a 1 mois, le reste, on le verra dans quelques minutes, alors maintenant, vous vous taisez et vous relisez vos P...
-PUTAINS
-De dossiers et vous attendez dans le couloir."

Je n'ai pas pu m'empêcher de compléter sa phrase, même si l'interné m'a avoué plus tard qu'il aurait bien creusé un trou avec ses ongles des pieds pour s'y enterrer tellement je lui avais fait honte.

Mais au lieu de ça, après un petit moment de solitude, les enfants autour de moi m'ont dévisagée, et l'enseignante m'a remerciée.

"C'était peut-être ce mot-là que j'aurais dû employer un peu plus cette année, au moins comme eux, si j'avais su que j'aurais le silence, merci."

"Eh madame, vous êtes la mère à l'interné?
-Là, tout de suite, j'ai envie de te dire que je suis sa grande soeur, mais j'ai comme dans l'idée que je serais pas très crédible.
-Oh si madame, vous êtes bien foutue comme femme, on dirait pas que vous êtes sa mère.
-Surtout que je dis putain, c'est ça?"